Autres pierres remarquables : les silex taillés. Ils n'étonnent pas seulement par leur nombre, mais aussi par la qualité du travail. Certains atteignent des dimensions surprenantes : il y a une lame de plus de 50 cm tirée d'un nucleus (rognon de silex préparé pour le détachement) plus grand encore. C'est une sorte de record. Et les recherches ne font que commencer.

Trouvailles

Les fouilles dirigées par Yvette Taborin (Centre de recherches préhistoriques, université de Paris I) ont donné lieu à un certain nombre de trouvailles pittoresques. Plusieurs belles lames, sensiblement de môme taille, ont ainsi été découvertes placées côte à côte, disposées comme pour une exposition. Ailleurs, on a trouvé deux nuclei cachés sous une dalle ; ailleurs encore, un cercle de petits cailloux percés, restes d'un collier oublié.

Hors des structures se trouvent plusieurs amas de pierres. L'un d'eux, contenant environ 3 500 objets, a été minutieusement démonté, ce qui a permis de retrouver son histoire, la façon dont il s'était constitué. La composition de l'amas a été soumise à l'informatique. On a étudié la proportion des lames, des éclats, des objets brisés. Il est vite apparu que tous les amas n'étaient pas semblables : les uns pouvaient avoir servi de poubelles, les autres de réserves.

L'accumulation des structures et des objets comme la qualité des trouvailles font déjà d'Étiolles un des grands sites préhistoriques français, dans un pays qui n'en manque pas. Notons qu'un tel site serait probablement passé inaperçu il y a une vingtaine d'années. C'est aussi la qualité de la fouille qui fait l'importance de la découverte.

Le royaume d'Ebla livre ses secrets

Dans certains domaines de l'archéologie, l'habitude est perdue de faire des découvertes de caractère sensationnel. L'assyriologie en est un exemple : passés au crible depuis près d'un siècle et demi, les sables de Mésopotamie ne paraissent plus receler ni de grands sites inconnus ni même de trésors fabuleux dans les sites connus. L'axe de la recherche s'est déplacé : on exploite le matériel recueilli, ce qui est une tout autre affaire.

Tell Mardikh

Mais, de temps à autre, une nouvelle éclate. Ainsi on a appris, à l'automne 1975, qu'une mission archéologique de l'Université de Rome avait découvert des milliers de tablettes cunéiformes sur le site de Tell Mardikh, dans le nord de la Syrie. Ces tablettes remontent au IIIe millénaire avant notre ère. Or, on connaît peu de textes cunéiformes aussi vieux. Il existe les tablettes sumériennes, dont les plus anciennes datent des commencements de ce même millénaire, et celles de l'empire sémitique d'Akkad, qui débute vers – 2350. En Syrie, les premiers textes assyriens et ceux de Mari sont plus tardifs (environ – 1800 pour ces derniers).

Les découvertes de Tell Mardikh font donc apparaître qu'un grand centre de civilisation existait entre la Méditerranée et la boucle de l'Euphrate au IIIe millénaire. Il y a eu six rois d'Ebla entre – 2400 et – 2250, date à laquelle les Akkadiens ont pris et incendié la ville. Ces rois contrôlaient apparemment une grande partie du territoire actuel de la Syrie ; ils étaient plus puissants que les rois assyriens, et les rois d'Akkad eux-mêmes, avant de les vaincre, semblent leur avoir longtemps payé tribut.

C'est ce qui ressort d'un premier examen des tablettes. En mars 1976, les professeurs Paolo Matthias et Giovanni Pettinato sont venus présenter à Paris leurs découvertes et les premiers renseignements tirés des textes. Les archéologues italiens fouillaient le site de Tell Mardikh depuis 1964, un grand tell de 56 ha, haut de 15 m. En 1968, dans des niveaux du IIe millénaire, était découvert le buste d'une statue portant une inscription : la dédicace d'un roi d'Ebla. On avait déjà trouvé mention d'Ebla dans des textes des autres puissances du temps : Sumer. Akkad, l'Égypte, mais sans pouvoir localiser l'endroit.

Archives

En 1973, la ville du IIIe millénaire commença d'apparaître. On y trouvait 42 tablettes l'année suivante. En 1975, enfin, c'était l'événement : la découverte des archives royales, 10 000 tablettes dénombrées sur un total qui, selon le professeur G. Pettinato, doit approcher des 15 000. On atteint là l'ordre de grandeur des tablettes de Mari, avec l'intérêt supplémentaire d'une ancienneté plus grande (un demi-millénaire). C'est vraiment une fenêtre qui s'ouvre, une nouvelle étape révélée dans le développement des premières civilisations.