Ce qui n'était qu'une hypothèse, et qui a été confirmé par des travaux expérimentaux, commencés dès 1964, du cancérologue français Georges Mathé, est en passe de devenir une réalité dans les services hospitaliers spécialisés, à tout le moins, dans le traitement de certains cancers.

Stimulation

En substance, l'immunothérapie repose sur cette constatation : les cancers sont reconnus par l'hôte qui les porte comme un corps étranger ; ils peuvent déclencher des réactions de défense de la part de l'organisme qui les abrite. Quand ces réactions sont trop faibles ou amenuisées, le cancer se développe. D'où l'idée de stimuler ces défenses naturelles insuffisantes ou endormies, afin qu'elles puissent attaquer les cellules malades. Tel est le schéma.

En pratique, les substances stimulant ces défenses sont le BCG, ou, plus exactement, une de ses variantes, l'immuno-BCG (Institut Pasteur), et des constituants de la membrane de certains germes (myco-bactéries, corynebactéries, brucella, bordella). Mais ces substances ne sont pas administrées, en premier lieu, aux malades.

L'immunothérapie anticancéreuse n'est pas un traitement d'attaque, mais un traitement adjuvant, complémentaire, une fois que les traitements classiques (chirurgie, rayons, chimiothérapie) ont permis d'éliminer la plus grande quantité possible des cellules malignes de la tumeur ou de la maladie cancéreuse décelée. L'immunothérapie, alors, qui n'agit que sur un faible nombre de cellules tumorales restantes, peut entrer en action.

Comment se présente le bilan de l'immunothérapie ?

Leucémies

Favorablement en ce qui concerne le traitement de la leucémie aiguë lymphoïde de l'adulte ; les statistiques du professeur Mathé (hôpital de Villejuif), du Britannique R. Powles, des Américains W. R. Wogler (Atlanta) et J. Gutterman (Houston) montrent que la guérison devient possible dans 50 à 80 % des cas, selon la forme de la maladie. L'Américain J. E. Sokal (Buffalo) a obtenu de bons résultats avec le BCG dans le traitement des lympho-sarcomes, résultats comparables à ceux du Français B. Hoerni (Bordeaux) dans la maladie de Hodgkin. Dans certains cas de tumeurs noires (mélanomes) de la peau, l'injection directe de BCG dans la tumeur réduit de moitié le pourcentage des rechutes au cours de la deuxième année, selon D. L. Morton (Los Angeles).

Dans le traitement postopératoire des cancers intestinaux et pulmonaires, l'immunothérapie par BCG ou par corynebactéries permet, selon Maglivit et L. Israel, de stopper l'évolution de la maladie. Le recul, cependant, est encore insuffisant pour en apprécier l'efficacité à très long terme.

Interféron

En Norvège, Strander et Cantell ont entrepris de traiter des malades atteints d'ostéosarcomes par de fortes doses d'interféron pendant deux ans après l'exérèse chirurgicale de la tumeur. Les premières indications de cet essai thérapeutique montrent que le risque de métastase (apparition d'un autre foyer cancéreux) est plus important chez les sujets qui ne sont pas soignés par des injections d'interféron.

La recherche médicale française en péril

Il est rare, du moins en France, de voir s'affronter publiquement un chercheur scientifique et un ministre technique, quand il s'agit des crédits que le département ministériel considéré alloue aux recherches concernant la discipline du chercheur. C'est pourtant ce qui s'est produit durant l'hiver 1975-76 entre Simone Veil, ministre de la Santé publique, et le professeur Georges Mathé, directeur de l'Institut de cancérologie et d'immunogénétique (Villejuif), l'un des centres de recherches de pointe dans notre pays.

Rapport

La divulgation d'un document de la Commission II de l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), commission responsable du cancer, met le feu aux poudres.

Ce texte dénonce les insuffisances des crédits mis à la disposition des cancérologues : 51 millions pour 1976 (il s'agit des fonds publics qui s'ajoutent à ceux de l'aide privée et de l'aide étrangère pour aboutir au total de 90 millions). Pour la même période, les États-Unis consacrent 743 millions de dollars à la recherche cancérologique. Analysant d'autres facteurs (insuffisance du nombre des chercheurs et des techniciens, sous-salaires attribués au personnel de la recherche...), le rapport assure que « la France prend un retard très préoccupant et qui s'accentue rapidement ». Il est indispensable, souligne-t-il également, « d'empêcher la recherche cancérologique française de sombrer dans la perte totale de la compétitivité internationale ».