En 1974, des tractations diplomatiques et des procédures internationales avaient été engagées pour définir le sort de ce territoire, après la fin de l'occupation espagnole. Elles débouchent en 1975 sur deux jugements internationaux aussitôt contestés :
– le 14 octobre, la mission d'enquête de l'ONU rend publiques ses conclusions : c'est à la population sahraouie elle-même de décider de son avenir. Cette thèse n'est pas celle du Maroc ni de la Mauritanie, qui estiment avoir des droits sur le Sahara, mais elle se rapproche des positions de l'Espagne (qui recommande un référendum d'autodétermination) et de l'Algérie (favorable à l'indépendance sahraouie et au mouvement de libération Front Polisario) ;
– le 16 octobre, la Cour internationale de justice de La Haye, qui avait été saisie en septembre 1974 par le roi du Maroc, rend elle aussi son arrêt. Elle reconnaît que le Sahara occidental n'était pas « un territoire sans maître » lorsqu'il fut colonisé par l'Espagne, et qu'il avait des liens d'allégeance envers le Maroc et la Mauritanie. Mais, dans le même temps, la Cour estime que ces liens ne sont pas de nature à empêcher l'autodétermination des populations sahraouies, conformément à la résolution 3858-B des Nations unies sur la décolonisation.

Ces deux jugements sont aussitôt interprétés par les parties en cause de manière bien différente : la Mauritanie et surtout le Maroc ne retiennent que la reconnaissance de droits historiques les autorisant à récupérer ce « territoire spolié ». L'Algérie et l'Espagne y voient une confirmation du principe de l'autodétermination des populalations sahraouies.

Marche verte

Ce conflit juridique est brutalement réglé, le 16 octobre, par une décision spectaculaire d'Hassan II. Le roi du Maroc, estimant que « la Cour de La Haye a tranché », annonce dans un grand discours que 350 000 civils marocains, sans armes, vont entreprendre une marche pacifique pour libérer le Sahara occidental. Cet appel provoque au Maroc l'enthousiasme populaire.

En quelques jours, plus de 350 000 volontaires s'inscrivent. Des milliers de personnes, dont 10 % de femmes, affluent vers Marrakech. Pour les ravitailler, on mobilise 10 trains spéciaux, 7 803 camions, on transporte 18 000 t de vivres, 63 000 t d'eau, 2 590 t d'essence. Des centaines de milliers de marcheurs portant des drapeaux marocains et des étendards verts, à la couleur de l'Islam, s'avancent en longue files colorées dans le désert aride.

Cette marche verte va-t-elle se heurter, au Sahara, aux 50 000 soldats espagnols qui gardent la frontière ? Ou bien existe-t-il entre Madrid et Rabat un accord secret aux termes duquel l'Espagne accepte de céder le terrain aux forces marocaines ? On le pense, mais le 2 novembre 1975, alors que Franco agonise, le prince Juan Carlos, chef par intérim de l'État espagnol, atterrit brusquement à El-Aïoun. Il y passe en revue les troupes de la légion étrangère espagnole et leur affirme que « l'armée conservera intacts son prestige et son honneur ».

Cette visite éclair relance la tension. Le 5 novembre, le roi du Maroc, qui a envoyé des émissaires à Madrid, ordonne malgré tout le départ de la marche verte. Il harangue ses troupes : « Si on tire sur toi, fort de ta détermination, de ta foi, continue ton chemin. »

Le 7 novembre, la marche verte franchit la frontière du Sahara espagnol. Madrid demande alors officiellement à l'ONU le transfert de ses responsabilités sur le territoire du Sahara occidental. Hassan stoppe la marche verte, qui a atteint ses objectifs.

Occupation marocaine

Le pire semble évité, grâce à un compromis hispano-marocain de dernière heure : les négociations engagées le 5 novembre à Madrid entre l'Espagne, le Maroc et la Mauritanie débouchent sur un accord tripartite signé le 13 novembre au soir, approuvé par les Cortes le 18, publié le 21.

Cet accord entérine en fait le partage du Sahara occidental entre le Maroc et la Mauritanie, avec l'accord de la Djemaa, assemblée des notables sahraouis. Le territoire sera évacué par les Espagnols avant le 28 février 1976. Entre-temps, l'administration sera effectuée conjointement par les trois parties concernées. L'ONU est tenue informée de l'accord publié, mais on parle de dispositions secrètes : maintien des positions stratégiques espagnoles dans les îles Canaries, compensations économiques offertes à l'Espagne pour l'abandon de l'exploitation des phosphates de Bou Cräa. C'est un succès complet pour Hassan II.