La base donne, en effet, des signes d'impatience devant l'obstination des syndicats et du parti communiste à venir à la rencontre d'un centre gauche de plus en plus évanescent. Sur le plan politique, à l'extrême gauche, cette situation amène les communistes dissidents du Manifesto et une partie de l'ancien PSIUP (parti socialiste d'unité prolétarienne, disloqué après son échec aux élections de 1972) à fonder un nouveau parti d'unité prolétarienne pour le communisme. Dans la démocratie chrétienne, les courants de gauche commencent à s'opposer à la direction de A. Fanfani, mettant fin au pacte d'unité scellé un an auparavant.

La crise a montré l'épuisement du centre gauche. Pendant tout l'été va se développer un débat sur le parti communiste et sur la démocratie chrétienne, à la recherche d'une possible solution de rechange. Comment rendre opérative la force que représente le PCI ? Comment réformer la DC ? Une étude de la fondation Agnelli montre que le patron de Fiat, qui a pris en juin la présidence de la confédération des industriels, n'exclut a priori aucune éventualité.

Mais les dispositions à l'ouverture vers le parti communiste vont en s'amenuisant. Amintore Fanfani formule à la fin d'août un « non » catégorique. Et lorsque le président Leone se rend à Washington, les 25 et 26 septembre, les dirigeants américains font clairement comprendre qu'ils ne peuvent admettre une participation des communistes au pouvoir en Italie.

Sindona

Au cours de l'été 1974 se produit le krach colossal du financier sicilien Michel Sindona. Ses banques sont déclarées l'une après l'autre en faillite : la Franklin, à New York et en Angleterre, la Wolff à Hambourg, la Privée financière à Milan, la Finabank à Genève. C'est un tremblement de terre dans le monde international de la finance, touchant jusqu'à l'institut bancaire du Vatican, qui avait des participations dans les banques de Milan et de Genève. La Banco di Roma et la Banque d'Italie interviennent pour empêcher les répercussions de cette faillite, et prennent en gage la Générale Immobiliaire (la société qui a construit l'immeuble du Watergate et celui de la Panam sur les Champs-Élysées).

Services secrets

Dans la nuit du 3 au 4 août, sur la ligne Rome-Bologne, une bombe explose à bord du train Italicus. On compte 12 morts et 40 blessés. Les enquêteurs semblent d'abord découvrir les responsables dans le parti néofasciste MSI, et son leader Almirante lui-même est mis sur la sellette. Mais ces pistes semblent s'évanouir en quelques semaines.

Cependant, il y a du nouveau sur les pistes noires de la subversion d'extrême droite. Le ministre de l'Intérieur P.-E. Taviani et celui de la Défense nationale G. Andreotti ont pris des mesures drastiques après l'attentat du 28 mai 1974 à Brescia. Le premier réorganise complètement le service des renseignements généraux. Le second, dans une interview à l'hebdomadaire Il Mondo, annonce son intention de changer le chef du SID (service secret de l'armée), le général Miceli, et de permettre aux juges d'accéder aux renseignements dont dispose cet organisme.

Les mesures prises par ces deux ministres facilitent la tâche des parquets de Padoue, Milan, Turin, Gênes, Bologne et Rome, qui progressent à grands pas dans leurs enquêtes sur les réseaux subversifs. En septembre 1974, Giulio Andreotti fait transmettre au parquet de Rome des documents secrets contenant une masse de précisions sur la tentative de coup d'État dirigée en décembre 1970 par le prince Valerio Borghese, et sur des tentatives de coup d'État déjouées en 1974, en janvier et en août : le Front national rassemblé par Borghese. Ce front réunit un grouillement de réseaux d'extrême droite, dont les leaders sont non seulement des fascistes, mais aussi d'anciens résistants non communistes.

Des militaires y sont mêlés. Au cours du week-end du 12 octobre, un général d'aviation et plusieurs officiers sont arrêtés pour avoir participé à la tentative de 1970. D'autres sont impliqués dans les tentatives de 1974, et, le 31 octobre, le juge d'instruction de Padoue qui instruit le procès du réseau La rose des vents fait arrêter le général Miceli pour « conspiration politique et fausses déclarations ».