En même temps, Lahore aura une nouvelle fois témoigné de la poussée islamique que l'on constate depuis des années dans le tiers monde. Cette poussée est particulièrement spectaculaire en Afrique noire, où, dit-on, les dirigeants de certains États pétroliers du Proche-Orient envoient, avec des fonds prélevés sur le pactole de l'or noir, des missionnaires prêcher l'islam, ouvrir des écoles, des dispensaires, des hôpitaux, comme l'ont fait, et depuis très longtemps, les chrétiens.

Benghazi

Plus passionné que jamais, le colonel Kadhafi, chef d'État libyen, se veut l'inspirateur enthousiaste et ardent de ce zèle missionnaire. Accueillant en mars, à Benghazi, la quatrième conférence du Mouvement panafricain de la jeunesse, il déclare : « Le christianisme a été un élément du colonialisme pour anéantir la personnalité africaine. Une religion révélée aussi digne d'admiration a été utilisée pour obtenir l'anéantissement de l'homme africain. Cela est conforme à la mentalité du prêtre et du pape, qui veulent exercer leur domination sur l'homme africain. L'Europe s'est libérée du papisme et le pape ne peut plus soutenir un régime contre un autre. L'Europe s'est libérée de ce problème, mais elle l'a déplacé en Afrique. »

De plus en plus, la Oumma déborde les pays musulmans traditionnels. Avec l'importante population d'émigrés du travail originaires de ces pays, on trouve maintenant en Europe une présence musulmane de plus en plus notable. Ainsi, la France compte actuellement près de 2 millions de musulmans. Naturellement, les États musulmans s'en préoccupent et manifestent le souci de défendre non seulement les intérêts matériels de cette population, mais aussi ses intérêts spirituels, d'autant plus qu'il n'existe pas dans l'Islam de responsables proprement religieux, analogues à ceux des Églises chrétiennes. C'est dans ce contexte qu'il faut situer une polémique aux multiples rebondissements, qui se développe au cours de l'année à propos de la personnalité de Si Hamza Boubakeur, recteur de l'Institut musulman de la mosquée de Paris.

Ancien député des Oasis, au temps de l'Algérie française, ce dernier est contesté par le gouvernement algérien et, plus généralement, par certains milieux politiques et religieux maghrébins. En revanche, il trouve des appuis dans d'autres milieux musulmans, notamment dans des pays non arabes, en Afrique noire en particulier. En France même, Si Hamza Boubakeur, attaqué par l'Amicale des Algériens et par diverses associations culturelles islamiques, reçoit en janvier l'appui de seize imans, dont le cheikh égyptien Abdelhamid Amer, qui porte le titre de grand muphti de France.

De son côté, le gouvernement français, dont dépend l'Institut musulman de la mosquée de Paris, suit le conflit avec une grande attention, mais se garde jusqu'à présent d'intervenir.

Les israélites

L'année 1973-1974 (l'an 5734 de l'ère juive) restera dans l'histoire tout d'abord comme celle de la guerre du Kippour. Outre ses conséquences, cet événement inattendu, depuis lequel personne n'ignore plus le nom de la plus importante solennité juive (Yom Kippour, le jour du Pardon), aura fortement marqué la vie intérieure des communautés juives dans le monde.

La guerre du Kippour témoigne de la place croissante qu'occupe l'État d'Israël dans la sensibilité, mais aussi dans les activités des communautés juives de la Diaspora.

Difficultés

Dès le début du conflit on assiste à une véritable mobilisation planétaire. De nombreux volontaires civils vont combler les places laissées vacantes dans l'économie d'Israël par les besoins de la guerre. Une vaste collecte est organisée : en France, elle rapporte deux fois plus d'argent que celle qui avait eu lieu lors de la guerre de Six Jours (Journal de l'année 1966-67).

La conception d'ensemble des activités religieuses, culturelles et sociales des communautés juives, en 1974, doit être révisée en fonction des lourdes ponctions faites par la collecte dans leurs budgets potentiels. L'année 1974 a donc été, pour de nombreuses organisations juives, une année de difficultés financières et de réduction de programmes.