Le 16 juillet, le Conseil permanent de l'épiscopat avait dénoncé les risques de guerre civile, mais son attitude dans les jours qui suivent le coup d'État militaire du 11 septembre va provoquer une assez vive controverse dans le monde catholique. De nombreux chrétiens de gauche reprocheront à l'épiscopat chilien son ralliement opportuniste au nouveau régime. Ils visent en particulier la participation des évêques à des cérémonies officielles et la visite rendue par le Conseil permanent à la Junte pour lui exprimer, selon les termes mêmes du communiqué officiel « ses sentiments de respect et d'estime envers les forces armées et les carabiniers du Chili » (28 septembre).

La controverse atteint une telle vivacité que le cardinal Silva Henriquez, archevêque de Santiago et président de la Conférence épiscopale, juge utile de se rendre à Rome pour s'expliquer. Il est reçu le 3 novembre par Paul VI, et justifie ainsi sa position dans un communiqué à la presse : « J'ai offert au nouveau gouvernement du Chili la même collaboration que l'Église avait apportée au gouvernement marxiste de S. Allende, pour tout ce qui concerne le bien commun (...). L'Église du Chili ne se sent pas appelée à délivrer des brevets de légitimité aux autorités civiles, à établir des gouvernements ou à les renverser. Son action veut être non pas politique, mais religieuse. »

Officieusement, on laisse entendre que le cardinal est intervenu efficacement à de nombreuses reprises pour sauver des prisonniers politiques. Et Hortensia Allende, la veuve du président, qui se trouve à Rome à la même époque, souligne dans une conférence de presse : « Le cardinal Silva Henriquez s'est toujours employé, comme Salvador Allende, à éviter la guerre civile, et nous savons tout ce qu'il a fait pour l'empêcher. » Ce témoignage ne dissipe pas le malaise, mais, en avril, l'épiscopat reproche vigoureusement au gouvernement Pinochet son attitude à l'égard des classes populaires ainsi que les traitements qu'il réserve aux prisonniers politiques, protestation qui est très remarquée.

Les catholiques dans le monde

En 1971, les catholiques représentaient 18,3 % de la population mondiale, soit 670 millions de fidèles : c'est ce qu'indiquent les dernières statistiques publiées (en 1974) par le Vatican. En 1970, leur pourcentage était légèrement plus élevé (18,4 %). Le seul continent américain compte près de la moitié des catholiques du monde entier, soit 309 millions, suivi par l'Europe, avec 260 millions, et l'Afrique, avec 53 millions, tandis que l'immense Asie n'en compte que 42 millions. L'Église comptait encore, en 1971, 420 429 prêtres religieux et séculiers : l'effectif des seuls séculiers a diminué de 8,8 % depuis 1968. La baisse est surtout sensible en Europe (moins 11,1 %), en Amérique du Nord (plus 14,4 %). Ces mouvements en sens opposés ne corrigent que très faiblement les inégalités de répartition des prêtres, diocésains et religieux, entre les continents. En effet, l'Europe et l'Amérique du Nord, qui regroupent 48 % des catholiques du monde, ont à leur disposition 78 % du potentiel sacerdotal mondial. Alors que 9,7 % des prêtres seulement sont au service de l'Amérique latine, où vivent pourtant 37 % des catholiques. Or, c'est aussi en Amérique latine, révèle l'Annuaire statistique de l'Église 1971, que les défections de prêtres sont le plus fréquentes : 18,9 pour 1 000 en Amérique centrale et 16,3 pour 1 000 en Amérique du Sud. En Europe, les chiffres sont beaucoup plus faibles : 4,6 pour 1 000. C'est au Moyen-Orient qu'a été constaté le pourcentage le plus bas de défections de prêtres. Parallèlement, le nombre des candidats au sacerdoce diocésain a diminué lui aussi. Ils étaient 155 513 en 1971, soit 6 029 de moins que l'année précédente. La diminution a été surtout sensible en Italie, en Espagne et en France. En revanche, la Pologne et la Yougoslavie ont vu augmenter le nombre des vocations.

Les protestants

Le protestantisme mondial n'a pas échappé à la tension croissante entre les Églises et les États, et le fossé séparant déjà conservateurs et progressistes s'est agrandi.