Le taux de diminution de la population agricole s'accentue, principalement pour les actifs à temps plein. La quantité de travail fourni est en diminution sensible ; rapportée à la superficie exploitée, cette quantité de travail fait apparaître une augmentation élevée de la productivité, de l'ordre de 6 % par an.

La guerre du lait s'étend

Les premiers signes de la guerre du lait sont apparus dans le Morbihan et dans le Finistère vers la mi-mai 1972. Spontanément selon les uns, après une lente politisation du PSU agricole selon les autres, des producteurs refusent de livrer leur lait et entreprennent d'interdire l'accès des établissements de transformation, qu'ils appartiennent à l'industrie privée ou au secteur de la coopération.

Quelques jours suffisent pour que la crise gagne très largement les deux départements. Des piquets de grévistes producteurs de lait en rupture de contrat s'installent aux portes des laiteries. Sur les routes bretonnes, les camions-citernes qui assurent la collecte pour le compte des entreprises de transformation sont arrêtés. Le lait est déversé sur la chaussée ou abandonné à la fermentation dans le véhicule immobilisé. Tous les conducteurs de véhicules et les dirigeants des laiteries n'acceptent pas de se plier à cette nouvelle loi. Plusieurs d'entre eux sont réduits par la force.

Quelle que puisse être l'impopularité de ce mouvement auprès de l'opinion publique qui répugne à voir gaspiller ce produit de première nécessité qu'est le lait, la grève des producteurs s'étend. L'Aisne réagit d'abord, puis de nouveaux départements bretons, l'Ille-et-Vilaine et les Côtes-du-Nord, la Loire-Atlantique.

Par ce mouvement les producteurs veulent obtenir un prix correct du lait capable de leur assurer un revenu décent et une part de la valeur ajoutée que les laiteries gagnent en transformant le lait en beurre, en fromage ou en poudre.

Les transformateurs, qu'ils soient du secteur coopératif ou non, n'acceptent pas ces exigences. Pour eux :
– les producteurs reçoivent un prix en augmentation de près de 10 % sur celui de l'an passé à pareille époque. Leurs revendications ne sont pas justes ; elles sont malhonnêtes même car ils choisissent, pour mieux illustrer leurs demandes, le moment de l'année où le prix est traditionnellement payé moins cher qu'en hiver. Ils paraissent vouloir mettre ainsi fin au système de péréquation des prix été-hiver qui a été mis en place avec leur accord. De plus, cette crise intervient à un moment de surproduction de produits laitiers, non seulement en France mais aussi dans la Communauté européenne.

Bruxelles

À Paris, le Premier ministre refuse une audience aux responsables agricoles : Michel Debatisse pour le syndicalisme patronal, Francis Lepatre pour le syndicalisme des industriels laitiers. Cette crise est d'ordre strictement professionnel et local, déclare Michel Cointat, ministre de l'Agriculture.

Ce dernier, pourtant, plaide devant les instances de Bruxelles pour obtenir des mesures capables de désengorger le marché de ses excédents de produits laitiers. Il obtient des satisfactions d'ordre technique fin mai.

De retour à Paris, le ministre de l'Agriculture essaye de favoriser alors le règlement de la crise.

Il reçoit les responsables nationaux de la profession laitière et organise à Rennes une table ronde interprofessionnelle. De cette réunion naissent les grandes lignes d'un accord. Grâce aux mesures d'assainissement du marché acceptées par Bruxelles, les transformateurs acceptent le risque de payer plus cher de quelques centimes (59 au lieu de 57 centimes) le prix du litre de lait aux producteurs bretons.

À l'issue de la première semaine de juin, la Bretagne a recouvré son calme. Mais cette victoire a inspiré les producteurs d'autres régions laitières. Successivement, le Sud-Ouest, la région Rhône-Alpes, la Franche-Comté sont le théâtre de scènes identiques à celles qu'a connues la Bretagne.

D'ores et déjà de nombreuses entreprises qui ne peuvent pas répercuter la hausse du prix du lait sur les produits qu'elles élaborent connaissent des difficultés. À la fin juin 1972, on murmure déjà qu'une crise nouvelle est à prévoir pour la rentrée.

Le marché de la viande bovine

Les membres du Conseil économique et social entendent, le 11 avril 1972, le rapport de la section de l'Agriculture qui s'était vu confier, un an plus tôt, une étude sur « les orientations à donner aux productions agricoles au cours des prochaines années ». Au chapitre de la viande bovine, le rapporteur André Laure estime que le déficit permanent de la CEE implique, pour l'atténuer, « des orientations précises pour inciter les éleveurs à transformer davantage de veaux en viande rouge, en développant la production de viande de jeunes bovins et d'animaux adultes ».