L'investissement nécessaire (avion, rechanges, installations nouvelles au sol) est d'environ 300 millions de francs par avion. Là encore un pool bancaire est mis en place, composé essentiellement de banques européennes. D'autres problèmes apparaissent, tel celui du service après-vente en ce qui concerne les équipements : les industriels fabriquant ces derniers constituent à cet effet des associations ayant par exemple la forme d'un groupement d'intérêt économique.

En pratique, 50 000 personnes travaillent directement sur le programme Concorde, mais en régime de croisière (trois avions par mois), et compte tenu des activités indirectes, on estime que près de 300 000 personnes travailleront pour ce programme ; il s'agit donc d'une opération de très grande envergure, à laquelle correspond d'ailleurs un montant très élevé des investissements : 13 milliards de francs répartis sur dix années entre les deux pays, soit en moyenne 1/1 500 de leur PNB.

Construction navale

Fin des antagonismes face aux Japonais

Un effondrement des commandes de navires à l'échelle mondiale, les Japonais plus agressifs que jamais, les Américains qui préparent un come back dans la construction navale : le climat n'est pas à l'euphorie chez les Européens, en France comme ailleurs.

Le tassement de la demande, esquissé au début de 1971, s'est aggravé en cours d'année, et 1972 n'a fait que le confirmer. La crise monétaire et ses répercussions sur le commerce et les transports internationaux ont certes brusqué ce phénomène de ralentissement ; mais il était aussi évident, pour tous les professionnels, que le rythme des commandes nouvelles soutenu jusque-là ne pouvait se maintenir.

Beaucoup d'armateurs passaient des commandes spéculatives, non justifiées par le développement des échanges. D'ores et déjà la flotte mondiale est surcapacitaire ; cette surcapacité, a-t-on calculé, représentera 10 % pour la flotte pétrolière vers 1975, lorsque les énormes commandes en cours aujourd'hui auront été livrées.

En août 1971, le coup de frein est donc intervenu. Globalement, il n'est pas spectaculaire : le carnet de commandes mondial est passé de 78,5 millions de tonnes de jauge brute (tjb) au 1er janvier 1971 à 84 millions de tjb au milieu de l'année, puis est redescendu à 83,2 millions de tjb au 31 mars 1972. Mais cette baisse est inégalement répartie dans le temps et dans l'espace.

Une fois encore, il faut distinguer les constructeurs japonais et les autres. À partir d'août, les Français, par exemple, n'ont pratiquement plus reçu aucune commande, et leur situation n'est pas différente de celle des autres Européens : en un an, le volume des carnets a généralement chuté de 5 à 15 % (3,7 % pour la France). En revanche, le Japon a continué à augmenter à la fois ses commandes — de 32 % — et sa part relative dans le carnet mondial, qui est passée de 34 à 41 % ; au dernier trimestre de 1971, les Japonais ont tout simplement obtenu 64 % du tonnage commandé.

Puissance japonaise

C'est évidemment paradoxal. Le Japon a payé très cher le règlement provisoire de la crise monétaire. Pourtant, avec son yen réévalué, il semble plus compétitif que jamais. Ses constructeurs n'ont pratiquement pas touché à leurs prix. Ce qui prouverait que les bénéfices pratiqués avant étaient confortables ; mais ils se retrouvent sûrement très faibles aujourd'hui.

Si onéreuse soit-elle, cette course éperdue aux commandes n'a qu'un but : asseoir leur politique de domination totale en matière de construction navale. De 1972 à 1974, et sans parler des simples extensions, neuf grandes formes de construction nouvelles doivent être mises en service au Japon ; la moindre pourra assembler des bâtiments de 380 000 tonnes, les deux plus gigantesques sont prévues pour 1 000 000 et 1 200 000 t. Il s'agit donc de leur assurer du travail dès maintenant. Avantage pour les armateurs : les équipements neufs autorisent des livraisons rapides, tandis que la plupart des chantiers du monde, engorgés par les commandes antérieures, ne peuvent rien promettre avant 1975-76.