Dès le début de l'enquête, de lourdes présomptions pèsent sur le notaire de Bruay, maître Pierre Leroy, 37 ans, fiancé à Monique Béghin-Mayeur, en instance de divorce, dont le jardin jouxte le terrain vague. Interrogé comme témoin par le premier juge d'instruction de Béthune, Henri Pascal, le notaire donne cinq versions différentes de son emploi du temps. Devant les contradictions de ses dépositions successives, le juge Pascal décide, le 13 avril, de l'inculper.

Aucune preuve formelle n'existe ; seules de graves présomptions viennent étayer l'inculpation d'homicide volontaire. Devant ce qu'ils estiment des indices aussi peu précis, le procureur de la République et l'avocat de la défense requièrent la mise en liberté de maître Leroy. Le juge Pascal la rejette le 2 mai, et la chambre d'accusation de Douai confirme la prolongation de la détention.

Très vite, à côté du déroulement judiciaire, l'affaire de Bruay prend une dimension sociale. L'inculpation du notaire occasionne une vive surprise. De plus, en arrêtant un notable, le juge Pascal provoque un véritable scandale. La ville se scinde en deux. L'enquête se poursuit dans un climat chaque jour plus passionné. Un comité pour la vérité et la justice est formé. Des milliers de personnes se rendent durant les week-ends sur le fameux terrain vague ; un cahier de pétitions pour soutenir le juge Pascal se couvre de signatures. Monique Béghin-Mayeur est insultée, des pierres sont lancées contre elle.

Le climat de haine qui semble d'un autre siècle repose les grands problèmes de l'indépendance de la justice et du secret de l'instruction. Il pose également dans toute son acuité le problème de la détention préventive car, en tout état de cause, trente-sept ans de respectabilité risquent d'être effacés, même si un non-lieu survient. L'opinion, peu familiarisée avec les subtilités des rouages de la justice, considère comme une condamnation le rejet de la mise en liberté de maître Pierre Leroy par la chambre d'accusation de Douai.

L'ancien SS Klaus Barbie est retrouvé

L'ancien chef de la Gestapo lyonnaise, Klaus Barbie, se cachait depuis la fin de la guerre en Bolivie sous le pseudonyme de Klaus Altmann et sous la fausse personnalité d'un honorable homme d'affaires et père de famille. Cette révélation suscite d'abord un doute, puis une profonde indignation en France. Klaus Barbie, pendant la guerre, s'était montré parmi tous les tortionnaires SS un des plus acharnés et des plus cruels. Parmi les nombreux résistants qui furent ses victimes : Jean Moulin.

En dépit d'une demande d'extradition, appuyée par une lettre personnelle du président Pompidou au chef de l'État bolivien, les autorités de La Paz ne montrent aucun empressement pour livrer Barbie — qui a acquis la nationalité bolivienne — à la justice française. Son arrestation pour dettes fait plutôt figure d'une mesure destinée à le préserver d'un enlèvement... L'ancien SS Barbie commence par nier, puis, tout d'un coup, se montre menaçant : il aurait à faire, dit-il, bien des révélations gênantes pour des personnalités françaises fort en vue.

Chantage gratuit ? Force est de reconnaître que le mérite de l'identification de Klaus Barbie ne revient pas aux services secrets français mais à une jeune Allemande, Beate Klarsfeld. Celle-ci, depuis plusieurs années, s'acharne à dénoncer et à stigmatiser les anciens nazis. Elle s'est rendue célèbre en administrant une gifle au chancelier Kiesinger, à qui elle reprochait son attitude sous le IIIe Reich. Elle dénonce aussi les réseaux d'entraide mis sur pied en Amérique latine par les anciens nazis réfugiés après la défaite de 1945.

À peu près au même moment on apprenait que, le 23 novembre 1971, une mesure de grâce présidentielle avait été accordée à Paul Touvier, l'un des chefs de la milice de Lyon. Condamné à mort après la Libération pour sa participation à l'assassinat de Victor Basch (président de la Ligue des droits de l'homme) et de sa femme, il lui était aussi reproché de nombreuses tortures et des exécutions sommaires.

La catastrophe ferroviaire de Vierzy

Vendredi 16 juin 1972 : il ne reste qu'un amas de ferrailles rouges froissées comme du papier, des wagons déchiquetés, sous le tunnel de Vierzy, près de Soissons, dans l'Aisne. L'autorail Paris-Laon vient de passer en gare de Vierzy et s'engage dans le tunnel long de 1,400 kilomètre. À 500 mètres de l'entrée, un effondrement provoque son déraillement. Il est 20 h 50. Presque au même instant, venant en sens inverse, l'autorail Laon-Paris se jette contre l'amas de pierres et de wagons. Au milieu des cris, de la fumée, en pleine obscurité, des rescapés se précipitent pour chercher des secours. Le plan Orsec sera déclenché à 22 heures. Plus de 500 personnes se trouvaient dans les deux autorails. En grande majorité des gens qui partaient en week-end, des étudiants, des militaires, des employés qui allaient retrouver leur famille. Après des heures et des heures d'efforts, les sauveteurs retireront des cadavres méconnaissables des deux premiers wagons complètement broyés. Un lourd bilan : 107 morts, 88 blessés.

L'explosion de la tour d'Argenteuil

« Fuyez, fuyez ! L'immeuble va sauter ! » À peine les pompiers qui venaient d'être appelés dans une construction moderne d'Argenteuil, une tour de 13 étages où habitaient 200 personnes, eurent-ils le temps de lancer ces cris d'alerte en les ponctuant de coups de sifflet que déjà l'explosion se produisait, brisant les vitres, soufflant les cloisons, disloquant les planchers, anéantissant les escaliers, pulvérisant les meubles dont les débris joncheront le sol à 200 mètres à la ronde. Si la façade du bâtiment est demeurée apparemment intacte, à l'intérieur le saccage s'accompagne du plus sanglant des spectacles : 13 morts, 180 blessés, dont une quarantaine dans un état grave.