Les éditions Bordas prennent le contrôle des éditions Dunod et, à travers elles, des éditions Gauthiers-Villars, tandis que les éditions Montsouris passent sous le contrôle du groupe belge Standaard-Périodica-Mirax.

Les éditeurs français se plaignent d'une limitation abusive de leurs activités au Québec.

Enfin, le syndicat des éditeurs se transforme en syndicat de l'édition et l'année apporte sa traditionnelle moisson de démêlés judiciaires : 5 inculpations sont prononcées la même semaine contre F. Maspéro, directeur du Seuil ; P. Flamand est poursuivi pour la publication de l'ouvrage de Me Langlois Les dossiers noirs de la police française ; E. Losfeld se retrouve devant les tribunaux pour des articles de la revue surréaliste Coupure, tandis que la Librairie Plon voit rejetée sa demande en référé pour la saisie de l'ouvrage d'A. Passeron De Gaulle, 1958-1969.

Si l'Année internationale du livre n'apporte pas aux éditeurs toutes les satisfactions qu'ils étaient en droit d'en attendre, la décision de remettre à chaque couple de jeunes mariés six chefs-d'œuvre de la littérature française sera-t-elle pour eux une consolation ?

Émotion de l'opinion devant les scandales de l'ORTF

« Sous le couvert d'agences de publicité ou de relations publiques, la corruption s'organise de façon méthodique, systématique, scientifique (...). Un état d'esprit de vénalité et d'affairisme se développe (...). Les faits sont patents. »

Tels sont les termes de la condamnation de l'ORTF que prononce André Diligent le 29 novembre 1971 à la tribune du Sénat. Condamnation implacable qui, jusqu'à l'été 1972, occupe une grande place dans les journaux parce que l'impéritie, le mépris du public, le refus des responsabilités crèvent depuis trop longtemps l'écran. Entre les Français et leur télévision, la rupture est profonde : ce sont les structures mêmes de l'institution qui doivent être changées pour qu'elle retrouve sa place dans la vie du pays.

La publication, par la presse écrite, d'une note émanant de l'agence Havas Conseil-Relations publiques révèle la possibilité d'introduire la présentation de produits de marque dans des émissions populaires. Dès cet instant, la mèche de la bombe qui va éclater est allumée. Au sein même de l'Office, on tente de limiter les dégâts : on crée une commission d'enquête sur les différents procédés de publicité clandestine. Cette commission aura également l'avantage d'esquisser des réformes permettant d'éloigner celles préconisées par le rapport Paye (v. Journal de l'année 1970-71).

Gangrène

Mais c'est une goutte d'eau emportée par un raz de marée : le 17 décembre 1971, le Sénat décide la constitution d'une mission d'information de 12 membres (président : Henri Caillavet, rapporteur : André Diligent) et, le 22 décembre, à son tour, l'Assemblée nationale crée une commission de contrôle de 21 membres (président : Alain Griotteray, rapporteur : Joël Le Tac).

Lorsque le directeur général de l'ORTF rend compte des résultats de sa commission d'enquête le 7 mars, peut-il raisonnablement penser que l'annonce de 18 sanctions suffiront à calmer tous les remous ? Tout se passe comme si l'on voulait rester entre gens de bonne compagnie. Un seul objectif : minimiser l'affaire. Aussi, la publication des 239 pages du Rapport Diligent, le 25 avril, est-elle d'autant plus accablante pour l'ORTF que l'on prend conscience de l'ampleur du mal. C'est la mise à nu d'une gangrène « où l'affairisme confine à la vénalité, où la morale se dilue dans la recherche du profit maximal ».

L'enquête de la commission sénatoriale est sérieuse, impartiale, fortement argumentée. Les téléspectateurs passent de la consternation à la colère lorsqu'ils apprennent comment ils ont été bernés. Ici, c'est la présence d'une firme produisant du matériel de ski dans un feuilleton ; là, c'est le passage à l'antenne de commerçants dans une émission normalement réservée aux collectionneurs — et cela malgré de nombreuses mises en garde. Ici, c'est une proposition éhontée faite au PDG d'une grande marque de champagne pour citer son nom — et par conséquent sa marque — à l'occasion d'un documentaire. Ce qui ne réussit pas avec un vin de Champagne sera réalisé avec un fabricant de cirage par le truchement d'une émission sur l'industrie du cuir. Là, c'est la défense d'intérêts corporatifs (séquence sur les transporteurs routiers) ou la promotion de stations balnéaires ou de ski. Ici encore, c'est une compétition de golf — sport éminemment populaire en France, comme chacun sait ! — qui, rebaptisée du nom d'une marque de parfum, bénéficie de la bagatelle de 2 h 27 minutes d'antenne. Là encore, c'est un journal hippique dont le principal animateur a des démêlés avec la justice qui peut s'offrir, à la faveur d'émissions, un lancement somptueux dans 17 stations régionales. Tout paraît permis : le responsable de la station régionale de l'Île-de-France a une notion tellement extensive et commode de l'actualité qu'il n'hésite pas à accepter la diffusion d'une présentation de mode parisienne à Corfou. Les professionnels du tourisme ne sont pas seuls à être intéressés par ce film : comme par hasard le nom d'une firme de blue-jeans apparaît sur l'écran.

Chasse gardée

Pour faire bonne mesure, la commission dénonce le cartel des jeux : il s'agit d'un véritable monopole que quelques producteurs et réalisateurs ont établi à leur profit sur les jeux télévisés. Cette chasse gardée est tellement puissante qu'on découvre avec stupéfaction que certains jeux passent à l'écran sans avoir reçu l'accord préalable du Service central des textes et projets d'émissions. L'un d'eux a même fait l'objet d'un avis de rejet : cela n'entrave nullement sa carrière.