Ces affrontements reflètent les divergences entre les forces de gauche.

Les mêmes conflits se reproduisent quelques mois plus tard au congrès du SNES (fin mars à Poitiers). Ils opposent cette fois les militants d'Unité et action aux représentants des tendances gauchistes sur le thème du rôle et de la finalité de l'école. Les premiers, toujours soucieux de ne pas séparer les réformes pédagogiques de la nécessaire amélioration des conditions de travail des enseignants, mettent l'accent sur les aspects libérateurs de l'école. Les seconds dénoncent la manière dont l'école perpétue l'ordre social actuel et proposent de la détruire.

Un nouveau bureau

Cette même question est l'objet des débats du congrès que tient à la fin mars 1972 à Reims le SGEN (Syndicat général de l'éducation nationale, affilié à la CFDT), deuxième organisation de personnel de l'enseignement public. Parmi ses adhérents, les uns soutiennent, avec Charles Pietri, secrétaire général sortant, que le système scolaire, aussi inique et insuffisant qu'il soit, doit être protégé comme service public à la fois contre les groupes de pression économiques et le sabotage délibéré. Les autres entendent, avec François Garrigue, nouveau secrétaire général, mettre en question l'institution elle-même, qui tend à reproduire, selon eux, les inégalités sociales et non pas les détruire.

Ce clivage se manifeste encore à propos de la lutte contre la répression, menée trop prudemment, selon les opposants, par la direction sortante, sur les modalités de l'action syndicale et sur l'attitude à l'égard de la CFDT, dont les thèmes nouveaux tels que l'autogestion inquiètent les partisans de l'ancienne direction.

Ces désaccords apparaissent comme un nouvel épisode du conflit, amplifié par les événements de mai 1968, entre les tenants d'un socialisme moderne, proches de certains courants du nouveau parti socialiste ou de la direction du PSU, et les représentants de la gauche révolutionnaire. Cependant, à la différence de ce qui s'est passé dans les syndicats de la FEN, au SGEN ce sont les gauchistes qui l'ont emporté.

La reprise en main dans les lycées

Un certain raidissement des pouvoirs publics à regard des lycéens caractérise l'année 1971-72, après la période d'agitation de l'hiver précédent.

La circulaire Guichard

Il semble que, dès la fin de l'année scolaire 1970-71, les administrations des établissements secondaires aient utilisé tous les moyens dont elles disposaient pour exclure les élèves les plus contestataires. En outre, la représentation des élèves (et des professeurs) au sein des commissions permanentes des conseils d'administration s'est trouvée réduite par décret ministériel, au profit de celle de l'administration.

Le premier trimestre commence partout dans le calme, et tout le monde s'accorde à reconnaître la disparition ou l'affaiblissement des principaux signes de perturbation (absentéisme, désordres, chahuts) quand éclate l'affaire de la circulaire Guichard.

Dans cette note confidentielle adressée en octobre aux chefs d'établissements du second degré, le ministre, rappelant que « le droit de grève n'appartient qu'aux salariés », précise qu'« en aucun cas la présence d'élèves refusant d'assister aux cours ne doit être tolérée dans l'enceinte scolaire » et ajoute : « Si des mouvements de ce genre se produisent, le chef d'établissement doit interdire toute assemblée générale et inviter immédiatement les élèves à rejoindre leurs classes en s'abstenant de toute discussion avec eux sur des revendications éventuelles. Dans l'hypothèse où le grand nombre de refus rendrait difficile l'application de mesures individuelles, les recteurs pourront prononcer, après consultation de la commission permanente, la fermeture temporaire de l'établissement. » Le texte invite, d'autre part, les professeurs à « procéder au contrôle des absences » et les inspecteurs généraux à faire « toutes les vérifications utiles à cet égard ».

Bientôt connue et diffusée par la presse, la circulaire provoque une protestation de la Fédération de l'éducation nationale contre ces « solutions autoritaires, automatiques et simplistes [...] préconisées a priori », et de la Fédération des Conseils de parents d'élèves des écoles publiques (Cornec), qui craint que l'application de ces instructions n'ait pour effet d'« aggraver les malaises ».