« Pour les croyants de notre peuple, la liberté de conscience est toujours absente et l'Église sujette à persécution » : cette phrase, extraite d'une pétition de 17 054 catholiques lituaniens à Leonid Brejnev — pétition publiée dans les pays occidentaux en mars 1972 —, dépeint une situation qui se répète dans la plupart des États socialistes. Fermetures d'églises, arrestations ou déplacements de prêtres, interdictions d'associations ou de journaux se multiplient, surtout en Tchécoslovaquie, en Roumanie et en URSS. Une exception : la Pologne, où le gouvernement Gierek, qui souhaite l'appui de l'Église, a fait adopter par la Diète une loi remettant à l'Église la propriété de quelque 4 700 églises et chapelles et d'environ 2 000 bâtiments annexes, biens qui avaient été nationalisés au lendemain de la guerre.

Les mesures contre les Églises s'expliquent peut-être par la persistance des croyances religieuses dans ces pays. En effet, la revue soviétique Nauka i Religya constate, en janvier, que le nombre des jeunes Soviétiques — dans les campagnes, mais aussi parmi les étudiants — qui ont la foi et pratiquent est « inquiétant ». Toutefois, la Pravda manifeste une certaine tolérance : tout en souhaitant le développement de la propagande antireligieuse, elle indique, le 21 janvier, que l'interdiction de la religion « ne ferait qu'exaspérer le fanatisme religieux ».

Du côté de la Chine, l'Église se heurte aux mêmes difficultés. Ses tentatives de prises de contact — y compris le voyage du pape Paul VI en Asie du Sud-Est à l'automne 1970 — n'ont eu pratiquement aucun écho jusqu'ici. (Journal de l'année 1970-71)

Le cardinal Mindszenty à Rome

L'Osservatore Romano, organe officieux du Vatican, annonce l'arrivée à Rome du cardinal Jozsef Mindszenty, primat de Hongrie, qui vivait depuis 1956 enfermé dans l'ambassade américaine de Budapest où il avait trouvé refuge après l'échec de l'insurrection qui l'avait sorti de prison. Il avait toujours refusé de quitter l'ambassade depuis, à moins que le gouvernement hongrois lui permette de demeurer dans le pays. Cette condition n'ayant jamais été acceptée, c'est finalement le pape lui-même qui, dans une volonté d'apaisement, demande au cardinal de quitter la Hongrie. Dans une interview accordée en janvier à l'agence américaine NC News Service, Mgr Mindszenty ajoute une autre explication : « Ma présence [à l'ambassade] était peut-être devenue une gêne, un obstacle au fonctionnement régulier des relations américano-hongroises ! » Dans la même interview, il manifeste un profond scepticisme quant à l'avenir des rapports entre l'Église et les pays de l'Est : « Sept ans ont passé depuis les premières tentatives de rapprochement. Pendant ces sept années, on n'a constaté aucune amélioration visible à l'intérieur des régimes communistes. »

Irlande

« La foi chrétienne doit convaincre tous ceux qui sont concernés que la violence n'est pas une solution acceptable pour les problèmes de l'Irlande », écrit le pape Paul VI, le 6 mars 1972, dans un message au cardinal irlandais Conway. Bien que ce texte laisse par ailleurs transparaître une certaine préférence pour les positions des catholiques, le pape se refuse officiellement à prendre position sur le fond. Mais il n'est guère écouté, pas plus que le cardinal Conway lui-même, dont les appels à la non-violence sont considérés par certains catholiques comme une sorte de trahison. Par contre, un manifeste signé le 1er novembre 1971 par 400 prêtres (75 % du clergé irlandais du Nord), dénonçant les tortures subies par des personnes arrêtées en vertu de la loi sur les pouvoirs spéciaux, connaît un grand retentissement.

Pays-Bas

Un incident significatif montre que la contestation s'apaise dans l'Église : le 22 janvier 1972, le Vatican désigne comme évêque de Roermond un prêtre conservateur, l'abbé Jan Gijsen ; cette nomination — comme celle de l'évêque de Rotterdam, Mgr Simonis, un an plus tôt — est faite contre le vœu du chapitre diocésain. Or, contrairement à ce qui s'était passé l'année précédente, l'attitude du Vatican ne suscite que des protestations mesurées. C'est que de nombreuses organisations et personnalités semblent avoir renoncé à s'intéresser aux problèmes des structures ecclésiales. L'apaisement traduit une perte de vitalité.

Amérique latine

Parlant au synode de Rome, Mgr Eduardo F. Pironio, secrétaire général du CELAM (Conseil épiscopal latino-américain), brosse en termes vigoureux le visage qu'il souhaite pour l'Église : « Une Église qui se sent poussée par l'Esprit à apporter la Bonne Nouvelle aux pauvres et la libération pleine et entière aux opprimés. » Il reflète ainsi l'esprit du premier Congrès catholique interaméricain, ouvert à Caracas (Venezuela) le 22 août, dont les deux thèmes dominants ont été : transformation de la société et conscientisation (c'est-à-dire prise de conscience par le peuple de la nécessité de sa libération). Cette orientation provoque de nombreux conflits avec les pouvoirs. Ainsi, en Bolivie, l'évêque de Santa Cruz excommunie des policiers qui avaient perquisitionné le 15 octobre dans un couvent de carmélites pour y rechercher, disaient-ils, « des communistes et de la littérature subversive ». Au Brésil, les incidents (arrestations de militants catholiques, expulsions de prêtres étrangers) sont toujours aussi fréquents. Au Paraguay, le conflit persiste entre l'épiscopat et le gouvernement, accusé de violer les droits fondamentaux de la personne humaine. Par contre, au Chili, où des catholiques collaborent avec le président marxiste Allende, les évêques se préoccupent plutôt — tout en marquant leur loyauté à l'égard du régime — de mettre en garde contre toute tentative de conciliation idéologique entre christianisme et marxisme.