Or, la majorité du Synode la repousse si totalement qu'elle paraît même un moment reprocher au pape un trop grand libéralisme en la matière Finalement, après des débats aussi complexes que vifs, majorité et minorité se comptent sur deux textes. Le plus restrictif, qui dispose que « le droit du Saint-Père demeurant toujours sauf, l'ordination sacerdotale d'hommes mariés n'est pas admise, pas même dans des cas particuliers », obtient 107 voix. 87 évêques, par contre, admettent qu'« il appartient au souverain pontife seul, dans des cas particuliers, en raison des nécessités pastorales et compte tenu du bien de l'Église universelle, de permettre l'ordination sacerdotale d'hommes mariés, d'âge mûr et d'une probité éprouvée ». Il y a deux abstentions et deux bulletins nuls. Le Synode apparaît donc nettement divisé.

Il l'est beaucoup moins sur le second thème de ses débats : la justice dans le monde. Les évêques surprennent nombre d'observateurs par la netteté de leurs interventions, dénonçant les situations d'injustice, le sous-développement, la course aux armements, le racisme.

Le cardinal espagnol Enrique y Tarancon, chargé de présenter le rapport sur ces questions, explique pourquoi l'Église y attache un tel intérêt : « Certes, la libération qu'Elle doit annoncer est avant tout la libération du péché. Mais parmi les péchés d'aujourd'hui, il faut inclure un grand nombre de réalités sociales, comme le colonialisme, la domination culturelle et économique, l'oppression. » Au terme de leurs travaux, les évêques adoptent quasi unanimement un texte qui reprend les thèmes essentiels de la lettre apostolique de Paul VI sur les questions sociales, publiée le 14 mai précédent.

Ces délibérations et le texte final sur la justice dans le monde, pourtant, ne parviennent pas à effacer les impressions fâcheuses laissées par le débat sur les prêtres. Certes, les positions adoptées en la matière apportent des satisfactions à la fraction la plus conservatrice du catholicisme. Mais beaucoup d'évêques, même parmi ceux qui sont hostiles aux innovations, regrettent que le Synode n'ait pas réussi à produire un texte qui renouvelle la foi des prêtres du monde en l'importance de leur mission.

Les bilans

À l'heure des bilans, c'est donc la déception qui domine. Un doute est né sur l'efficacité de l'institution synodale elle-même (celle-ci, il est vrai, est encore jeune : sa première réunion avait eu lieu en 1967, et une session extraordinaire avait été convoquée en 1969). Plus grave : beaucoup d'évêques ont paru être inspirés surtout par un sentiment de peur à l'égard des incertitudes et des difficultés du présent. Enfin, un fait nouveau retient l'attention : en devenant plus universelle, et en se décentralisant quelque peu depuis le Concile, l'Église romaine a perdu de sa cohésion. Les difficultés de compréhension apparues entre Asiatiques, Africains, Américains des deux hémisphères, Européens de l'Est et de l'Ouest sont de nature à provoquer quelque inquiétude.

Dans le monde

France

Soixante-dix-neuf pour cent des Français considèrent qu'on peut être à la fois chrétien et socialiste, 74 % chrétien et libéral, 40 % chrétien et communiste, et 24 % seulement chrétien et fasciste. 62 % pensent que les prêtres et les évêques doivent prendre position à propos d'une guerre comme celle du Viêt-nam, mais 67 % des Français leur refusent encore à notre époque la possibilité d'intervenir dans les campagnes électorales.

Tels sont les principaux résultats d'un sondage de la SOFRES, publié le 12 juillet 1971 en prélude à l'émission télévisée À armes égales, qui oppose Mgr Haubtmann, recteur de l'Institut catholique de Paris, à Michel Poniatowski, secrétaire général des Républicains indépendants, présenté à cette occasion comme « homme politique catholique inquiet de l'évolution de l'Église ». L'émission a un profond retentissement. Cette année encore, en effet, l'évolution politique des catholiques et de l'Église et, partant, les rapports de celle-ci avec l'État dominent l'actualité religieuse. Elles suscitent la réflexion de l'épiscopat, dont l'Assemblée plénière de Lourdes, en octobre 1972, doit étudier trois jours durant un rapport de Mgr Matagrin, évêque de Grenoble, sur Foi et politique.