L'explication qu'il donne ultérieurement de la position de son gouvernement à ce sujet devait, cependant, mécontenter les médiateurs africains. A. Eban, en effet, soutient que toute cession de territoires effectuée d'un commun accord ne peut être considérée comme une annexion et précise que les nouvelles frontières d'Israël, qui se situeraient « quelque part entre les anciennes lignes d'armistice (de 1967) et celles, actuelles, du cessez-le-feu, seront librement négociées » entre les parties concernées. À cette argumentation, le président Senghor rétorque que tout agrandissement territorial obtenu grâce à une négociation conduite à partir de positions de force constitue toujours une annexion.

Nations unies

Le 7 décembre, le porte-parole des sages africains invite l'Assemblée générale de l'ONU à réaffirmer le principe de l'inadmissibilité de l'acquisition de territoires par la force.

Le 13, l'Assemblée adopte, par 79 voix contre 7 et 36 abstentions, une résolution proclamant la nécessité d'un règlement fondé sur la restitution par Israël des territoires arabes occupés, et recommandant la reprise de la mission de médiation de Gunnar Jarring, mise en veilleuse depuis février 1971. Le représentant des Nations unies reprend contact avec les chefs des diplomaties des pays concernés, se rend, en février, successivement en Égypte, en Jordanie et en Israël, mais ne parvient pas à relancer les pourparlers sur le fond du problème.

Le gouvernement de Jérusalem estime que le médiateur de l'ONU devrait renoncer d'abord au préalable qu'il pose, à savoir le retour aux frontières de 1967. Israël, déclare Mme Golda Meir, entend conserver la totalité de Jérusalem, le Golan et Charm el Cheikh (reliée à l'État hébreu par un couloir terrestre). Le Premier ministre précise le 8 avril que ces territoires, étant indispensables à la sécurité de son pays, devront être sous contrôle israélien, même si les États arabes acceptaient de signer des traités de paix avec Jérusalem. Le président Sadate, pour sa part, multiplie les déclarations selon lesquelles le problème israélo-arabe ne pourrait être résolu que par la force.

Plan Hussein

Telle n'est pas l'opinion du roi Hussein, qui met en garde à plus d'une reprise les pays arabes contre un réveil des hostilités. Le souverain jordanien dénonce les « visées expansionnistes » d'Israël, sa politique d'intégration économique et politique de la Cisjordanie occupée, mais il formule néanmoins, le 15 mars, un projet de fédération qui regrouperait la Transjordanie, sur laquelle il règne effectivement, et la Cisjordanie, une fois que celle-ci lui serait restituée, et qu'il voudrait ériger en « province palestinienne ». La future fédération, indique-t-il, aurait deux capitales : Amman et Jérusalem. Il se déclare disposé à reconnaître la partie juive de la Ville sainte comme capitale de l'État d'Israël.

Les réactions au plan du roi Hussein sont négatives dans les deux camps. Dès le 15 mars, Israël qualifie le projet d'« obstacle à la paix », tandis que l'organisation palestinienne El Fath le condamne comme étant « la plus grande conspiration depuis un demi-siècle ». « Les territoires dont le roi Hussein dispose à son gré, déclare Golda Meir le 16 mars, ne sont pas en sa possession et nulle part dans son discours il ne mentionne le nom d'Israël avec lequel il doit arriver à une entente. »

Le 18 mars, l'Union des républiques arabes (Égypte, Syrie, Libye) rejette catégoriquement le plan Hussein. Le 7 avril, Le Caire — suivant l'exemple de Damas, d'Alger et de Tripoli — rompt ses relations diplomatiques avec Amman, en guise de protestation contre la « trahison » du roi Hussein.

Impasse

L'attitude qu'affichent les grandes puissances à l'égard des diverses tentatives de conciliation sont moins tranchées, mais leur rôle dans les coulisses n'en est pas moins actif.

La diplomatie américaine, soutenue discrètement par celle du Royaume-Uni, s'efforce d'amener les antagonistes à régler leur conflit sous son égide et sur des bases acceptables par l'État d'Israël. Les dirigeants soviétiques, dont les vues ne sont pas très éloignées de l'opinion des dirigeants français, favorisent les thèses des Arabes modérés et incitent ces derniers à s'abriter sous leur parapluie et à rechercher une issue dans le cadre des Nations unies, où ils sont en mesure de neutraliser l'influence américaine. D'où les références constantes de la diplomatie soviétique à la mission du Dr Gunnar Jarring, notamment dans les communiqués conjoints publiés à l'issue des visites à Moscou du président Sadate et de Richard Nixon.