Le 12 août 1970, elle a obtenu un succès non négligeable en signant un traité avec l'Allemagne de l'Ouest. Pour la première fois depuis 1945, l'Union soviétique semble s'être ainsi rapprochée de son but essentiel, à défaut d'être ouvertement avoué : faire reconnaître le statu quo en Europe. Le texte élaboré par les deux parties reconnaît en effet comme « inviolable » les frontières de « tous les États européens ». Ce qui veut dire que Bonn a accepté sans contrepartie visible et la ligne Oder-Neisse avec la Pologne et la ligne de l'Elbe avec l'Allemagne de l'Est. L'absence significative dans ce traité de toute référence à une reconnaissance de l'Allemagne de l'Est montre à quel point l'Union soviétique, attachée à la défense de ses propres intérêts en Europe, s'est peu préoccupée des revendications de son alliée est-allemande. Signe supplémentaire : après la signature du traité, l'agence officielle Tass a censuré un passage d'un communiqué est-allemand qui affirmait que le traité rendait « nécessaire » l'établissement de relations diplomatiques entre les deux Allemagnes. C'est une concession que l'Allemagne de l'Ouest s'est refusée à faire et pour laquelle la diplomatie soviétique n'a apparemment pas beaucoup insisté ; la reconnaissance des frontières lui apparaissant déjà, et à juste titre, comme un succès suffisant.

Berlin

En échange de sa compréhension, la République fédérale a obtenu un dégel psychologique qui lui permet d'espérer de voir un jour l'immense marché soviétique s'ouvrir à ses produits et aussi une promesse, plus ténue semble-t-il : une amélioration du statut de Berlin. Cette question, les Russes ont eu à la traiter directement avec les trois autres puissances occupantes, les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne. Les conversations des ambassadeurs des quatre pays ont ainsi continué à se tenir à intervalles réguliers dans l'ancienne capitale allemande, mais sans que les Russes fassent preuve d'une souplesse particulière (ils exigent toujours que le contrôle des accès à la ville soit accordé à l'Allemagne de l'Est), ce qui a fait que le Parlement ouest-allemand s'est montré peu pressé de ratifier le traité de Moscou.

Autre pays auquel l'Union soviétique s'est beaucoup intéressée : la France. Du 6 au 13 octobre 1970, le président Georges Pompidou a séjourné à Moscou dans une ambiance plus que chaleureuse et entouré d'égards exceptionnels. Les inquiétudes qu'on avait pu avoir après le traité soviéto-allemand du 12 août quant à un éventuel et nouveau Rapallo ont été vite effacées. Le protocole d'accord signé entre la France et l'Union soviétique a parlé de coopération économique « privilégiée » entre les deux pays et a mis au point un système de consultations réciproques prévoyant des rencontres (au moins deux fois par an) entre les ministres des Affaires étrangères français et soviétique.

À chaque reprise, que ce soit dans ses contacts avec la France ou avec l'Allemagne de l'Ouest, l'URSS a rappelé son désir de réunir une conférence sur la sécurité européenne. Dans ce domaine, elle n'a pas, semble-t-il, avancé : elle s'est toujours heurtée aux réticences des Occidentaux, qui attendent d'elle un geste sur Berlin. Avec les États-Unis, l'autre grande super-puissance, le dialogue s'est poursuivi sans grands progrès, les dirigeants soviétiques n'ayant pas voulu prendre d'initiative à propos des deux conflits chauds : Indochine et Moyen-Orient. Ils n'ont pas voulu non plus rompre avec les Américains et n'ont réagi que mollement aux positions prises par Washington. Ainsi, pour l'Indochine, l'intervention des forces américaines au Cambodge, puis, par Sud-Vietnamiens interposés, au Laos, ne s'est heurtée qu'à des dénonciations vigoureuses de Moscou, dénonciations qui n'ont pas été suivies d'effets. Les Soviétiques ont enregistré, sans plus. Ils ont agi de même au sujet du conflit israélo-arabe. Dans ce domaine, l'initiative a appartenu aux Américains, qui, en dehors d'une concertation à quatre peu efficace, ont lancé le plan Rogers pour tenter de prolonger le cessez-le-feu. L'Union soviétique s'est contentée d'exercer certaines pressions sur ses alliés arabes, en faveur d'ailleurs d'une acceptation du plan, mais n'a pas proposé de solutions de rechange. La visite du ministre américain des Affaires étrangères dans les capitales arabes, en mai 1971, a confirmé ce relatif manque de dynamisme de la diplomatie soviétique.