Le lendemain, le parti communiste convoque son comité central, qui approuve une tactique d'infiltration dans la majorité, de lente préparation d'un bloc des forces socialistes, y compris celles de la gauche démocrate-chrétienne, qui se considèrent comme telles, mais qui excluent tous les groupes extra-parlementaires. Cette perspective à long terme écarte l'éventualité d'une crise gouvernementale, qui risquerait de se traduire par un tournant à droite ; la stratégie d'exploitation des contradictions internes de la majorité, de coopération avec cette même majorité au sein du Parlement pour la mise au point des réformes, se substituait à la tactique du rapprochement avec la démocratie chrétienne seule. Sans innover, elle mettait l'accent sur la souplesse de la voie italienne au socialisme et laissait de côté les aspirations du PCI à l'hégémonie sur les forces de gauche.

Au milieu du mois de mars 1971, socialistes et communistes réaffirment les mêmes thèmes, dans un dialogue implicite qui n'innove guère. En pratique, aucun des deux partis ne tire les conséquences immédiates de ses choix. Les socialistes ne souhaitent pas plus sortir du centre gauche que les communistes ne se font d'illusions sur la possibilité de le faire éclater : la rupture de la démocratie chrétienne est, pour l'un comme pour l'autre, la condition préalable de tout mouvement.

La démocratie chrétienne tient à son tour son conseil national du 19 au 22 avril : elle exprime son hostilité aux « équilibres plus avancés », refuse nettement toute ouverture vers les communistes, mais ne se prononce pas sur un approfondissement du programme de réformes, comme le réclamaient ses courants de gauche. D'où une désillusion certaine dans les milieux ouvriers qui lui avalent jusqu'alors été attachés, et parmi ses jeunes électeurs, tandis que la fraction la plus modérée de son électorat ne se sent pas rassurée par un tournant à droite, plus marqué dans la polémique de ses adversaires que dans les faits.

Les républicains et les sociaux-démocrates, éléments centraux de la majorité, restent très hostiles à une coopération, même limitée, avec les communistes ; les premiers prennent du champ, en janvier, demeurent dans la majorité, mais retirent leurs représentants du cabinet ; les seconds, au cours de leur congrès de mars, réaffirment leur volonté de maintenir un centre gauche clos sur lui-même et accusent la démocratie chrétienne d'être trop sensible à l'influence de ses courants de gauche.

Les partis abordent dans cette situation les élections partielles du 13 juin 1971. Elles ne concernent que le cinquième du corps électoral, et notamment la Sicile. La démocratie chrétienne subit un recul très net, tandis que le MSI (Mouvement social italien) gonfle ses suffrages, surtout à Rome et en Sicile. Acceptant jusqu'à son congrès de novembre 1970 l'étiquette de néo-fasciste, le MSI, qui ne représente qu'environ 6 % de l'électorat, s'était transformé alors en formation de droite bourgeoise, abdiquant tout lien, tout symbole fasciste, pour rassurer les classes moyennes au nom de l'anticommuniste. Tactique qui, dès juin, s'avère payante.

Sur la gauche de la démocratie chrétienne, deux organismes s'efforcent de polariser les catholiques disposés au choix socialiste : les ACLI, Associations de travailleurs chrétiens comprenant 2 millions de membres, et le Mouvement politique des travailleurs, sorti des ACLI un an auparavant. Désavoué par l'épiscopat italien, qui lui retire, le 6 mai, le droit de se dire mouvement catholique, le premier cherche sa place dans un éventail de groupes et de partis parmi lesquels sa singularité avait été précisément d'être directement patronné par l'Église. Le second prétend opposer « une alternative socialiste » au néocapitalisme et à la gestion « modérée » du pouvoir par la démocratie chrétienne, en rompant l'unité des catholiques autour de ce parti.

Pouvoir syndical

Après les expériences unitaires de l'automne chaud de 1969 et la pause relative du début de 1970, les conseils généraux des trois grandes centrales syndicales, CGIL (socialiste communiste), CISL (démocrate chrétienne) et UIL (social-démocrate), se réunissent à Florence du 26 au 29 octobre 1970. Tous les leaders proclament une même volonté d'aboutir à la réunification en une seule confédération ; une minorité suggère (non sans émettre des doutes) qu'il convient de déterminer si celle-ci serait véritablement indépendante des partis, c'est-à-dire, en fait, du PC.