Entrant dans sa quatrième année d'existence, depuis le coup d'État militaire du 21 avril 1967, le régime met de plus en plus l'accent sur ses objectifs économiques, le principal étant de porter à 1 100 dollars par an le revenu individuel. En 1970, ce revenu progresse de 8 % par rapport à l'année précédente, dépassant de peu le seuil de 800 dollars, chiffre qui met la Grèce à égalité avec l'Espagne. Dans le même temps, les prix des biens de consommation n'ont augmenté que de 3 % en moyenne, ce qui est un résultat appréciable.

Investissements

Dans son effort pour hâter l'industrialisation nécessaire, le gouvernement Papadopoulos fait un appel pressant aux grandes fortunes du pays. Cet appel est largement entendu. En décembre, Athènes annonce la « mise en œuvre » du plus important investissement jamais réalisé : 600 millions de dollars, qu'Aristote Onassis, le rival permanent de S. Niarchos, s'est fait fort de réunir au moyen de garanties bancaires émises en sa faveur par la First National City Bank de New York. Peu avant, les frères Goulandris, représentants d'une autre puissante famille d'armateurs, signaient avec l'État un contrat de 12 millions de dollars pour la modernisation des chantiers navals de Syros.

Si le capital grec se montre diligent, les investisseurs étrangers ne sont guère moins empressés. Leur part de financement, dans le secteur privé, qui était de 40 %, a tendance à croître (la France occupe la seconde place, après les États-Unis). Renault a signé un protocole d'accord pour une usine de montage à Salonique. Une innovation : le travail d'étude et de prospection des possibilités industrielles effectué par des firmes japonaises. Un groupe nippon a pris contact avec Tom Pappas, en vue de participer à l'extension d'une aciérie lui appartenant.

Le développement notable de l'activité industrielle (au rythme de croissance de 10,5 % pour 1970) explique la poussée des importations. Celles des biens d'équipement augmentent de 30 %, celles des matières premières de 20,5 %, celles des produits semi-manufacturés de 22 %. Le déficit de la balance des échanges, après déduction des recettes invisibles (tourisme, envols des travailleurs émigrés), est d'environ 400 millions de dollars ; il est, en grande partie, compensé par l'afflux de capitaux nouveaux.

Les progrès enregistrés dans le domaine économique ont pu l'être grâce à la stabilité politique d'un régime qui a atteint sa vitesse de croisière. Certes, la reconversion du pouvoir autoritaire dans un sens démocratique est loin d'être acquise, et les vœux des alliés occidentaux de la Grèce restent encore, sur ce point, insatisfaits.

Transferts

On constate pourtant que G. Papadopoulos ne réunit plus qu'à intervalles éloignés le Conseil de la révolution. En fait, il le dessaisit sans bruit pour se réserver, ainsi qu'au gouvernement, les décisions majeures et les grandes orientations. Depuis la mort de Panayotis Pipinellis, le Premier ministre, investi déjà de la Défense nationale, a pris également en charge les Affaires étrangères. S'il considère des élections générales comme prématurées, il crée un organe consultatif, un petit Parlement composé de 56 membres, en partie élus par les organisations socio-professionnelles, en partie cooptés. Plus corporative que politique, cette assemblée commence à fonctionner dès le début de 1970, examinant et discutant les projets de loi qui lui sont soumis.

Bien que la loi sur l'état de siège n'ait toujours pas été levée, de nombreuses affaires sont transférées de la juridiction militaire aux tribunaux civils. Les camps de concentration de l'île de Léros et d'Oropos sont fermés le 10 avril 1971. D'après les chiffres officiels, il n'y aurait plus que 72 personnes assignées à résidence, et 450 en prison frappées de peines diverses.

Manolis Glezos, héros de la résistance grecque et ancien dirigeant du parti communiste, est libéré le 17 juin ; il avait été une des premières personnalités arrêtées en 1967.

Cette légère tendance à la détente est toutefois contrariée par la recrudescence du terrorisme urbain ; 10 attentats à la bombe depuis janvier. L'arrestation et l'inculpation du juge Sartsetakis, qui instruisit, en 1963, le cas de l'assassinat du député de gauche Lambrakis (épisode retracé par le film Z), soulèvent une vive émotion en Europe et suscitent une protestation des magistrats français.