Dans une certaine mesure, on peut dire que ces expériences d'intégration contenu par contenant sont limitées par la dispersion des industriels et des commerçants de l'alimentation. En revanche, il est certain, pensent les experts, que les concentrations qui s'effectuent actuellement entre fabricants vont modifier les forces en présence et qu'à échéance de quelques années il est probable que les accords d'intégration du type BSN seront de plus en plus nombreux.

Vers la polyvalence

D'une façon plus générale, au niveau des leaders de l'alimentation, on assiste surtout à une tendance de plus en plus grande à la diversification des activités et à la polyvalence.

Le groupe Lesieur, qui, à la suite de son accord avec le second huilier français, la société Unipol, contrôle environ 65 % du marché de l'huile de marque, poursuit, à cet égard, une politique très significative. Soucieux de concentrer ses efforts dans le secteur alimentaire, Lesieur s'est pratiquement dégagé (en concluant un accord avec la firme allemande Henkel) du marché des détergents en poudre. Mais, en revanche, le groupe joue à fond l'alimentation moderne et contrôle Bretagne-Provence et Garbit, spécialistes du plat cuisiné, branche qui connaît une expansion bien supérieure à celle de la traditionnelle conserve appertisée. De même, Lesieur a investi beaucoup dans l'alimentation du bétail, misant à la fois sur l'industrialisation de l'élevage et sur la faim en protéines nobles des consommateurs.

Un autre exemple caractéristique est celui de Gervais-Danone. Première entreprise laitière dans les produits frais (yaourts, petits-suisses, prêts à glacer), Gervais-Danone ne cesse d'étendre ses ramifications dans les secteurs voisins, voire même éloignés, de son activité originelle. Ainsi, le groupe a rassemblé sous sa houlette des firmes aussi différentes que les rillettes Lhuissier, la société de pâtes alimentaires Milliat et les conserveries Petitjean, l'une des plus anciennes entreprises spécialisées.

Cette marche vers la polyvalence, inspirée visiblement de la stratégie de croissance des firmes géantes américaines (General foods, Borden, General Mills, etc.), donne lieu à des accords particulièrement originaux et qui feront sans doute école dans l'industrie alimentaire. À cet égard, il faut noter en particulier la prise de participation majoritaire que Gervais-Danone, la Générale sucrière (troisième sucrier français) et la Compagnie du Nord (groupe Rothschild) ont effectuée dans la Générale alimentaire, entreprise elle-même extrêmement polyvalente, puisque ses activités (pour un chiffre d'affaires de l'ordre de 350 millions de francs) vont des condiments au foie gras, en passant par la confiserie et le pain d'épice. Dans l'esprit de ses partenaires, la Générale alimentaire doit jouer le rôle de pôle de regroupement d'activités nouvelles pour eux, par exemple les surgelés et la viande.

Les mois à venir devraient confirmer cette tendance à la diversification et à la concentration. De même que s'accentuera encore le décalage entre les entreprises de tête et leurs suivantes. Jacques Duhamel, ministre de l'Agriculture, ne cache d'ailleurs pas que son souci est maintenant d'aider à la constitution de grands groupes pilotes susceptibles de résister à la concurrence internationale et de s'implanter à l'étranger. Les aides traditionnelles que l'État accorde pour les investissements dans l'industrie alimentaire auront un caractère de plus en plus sélectif. La consigne est d'aider peut-être moins d'entreprises, mais de les aider mieux.