L'année qui vient de s'écouler a montré qu'ils avaient tort. D'une part, la réussite de réacteurs expérimentaux à sodium, comme Rapsodie en France, a montré que les difficultés d'emploi du sodium avaient probablement été surestimées ; d'autre part, la technique du refroidissement par eau, inspirée de celle des réacteurs à l'uranium enrichi, s'est révélée si décevante que l'Allemagne fédérale, qui avait repris cette idée aux Américains, a fini par l'abandonner.

Premiers succès

La très belle réussite technique qu'est Rapsodie s'est traduite par deux faits principaux. L'expérience se poursuit à une plus forte puissance que la puissance nominale annoncée ; c'est l'opération Fortissimo. Surtout, la construction d'un prototype à l'échelle industrielle, Phenix, a été décidée. À l'étranger, en Angleterre comme aux États-Unis, les résultats sont aussi encourageants et des prototypes de grande taille sont à l'étude. L'URSS fait déjà fonctionner des centrales de puissance à surgénérateurs.

Ces succès augurent bien de l'avenir. Les surgénérateurs au sodium sont désormais favoris, même s'ils ne sont pas encore gagnants.

Leur essor sera toujours freiné par la quantité de plutonium disponible au moment de leur introduction sur le marché. Un surgénérateur exige au départ un fort investissement en plutonium. Or, ce plutonium ne peut être produit que dans des réacteurs nucléaires. Le développement des surgénérateurs demeurera donc subordonné à celui des réacteurs classiques, qui donnent le plutonium comme sous-produit. Ce plutonium, qui, pour l'instant, intéresse peu de gens dans la mesure où ses utilisations sont limitées, deviendrait ainsi brutalement une denrée rare.

Uranium enrichi

C'est pourquoi on envisage, si là réussite des surgénérateurs est complète, de remplacer, au moins pour la première charge, le plutonium par de l'uranium très enrichi. La possibilité d'une telle solution dépendra des disponibilités et surtout du prix de l'uranium enrichi. Or, dans le domaine de la production d'uranium enrichi, des progrès considérables sont en cours.

L'extraction de l'isotope 235 de l'uranium naturel se fait actuellement par la méthode de la diffusion gazeuse. Dans ce procédé, les deux isotopes 235 et 238 sont séparés en jouant sur la différence de leur vitesse de diffusion à travers des parois poreuses. Il en résulte des installations industrielles d'une taille considérable. Pierrelatte est la plus petite usine de ce type dans le monde occidental. Sa production, très coûteuse, n'est utilisable que pour les besoins militaires.

La diffusion gazeuse n'est pas la seule technique que l'on puisse envisager. L'uranium des premières bombes atomiques américaines a été obtenu par spectrométrie de masse dans des calutrons. C'est là un procédé d'un coût particulièrement élevé, ce qui explique qu'il ait été complètement abandonné.

Il n'en est pas de même de l'ultracentrifugation, sur laquelle, souvent en secret, plusieurs pays se sont penchés depuis la guerre. Mais, jusqu'ici, le prix de revient de ce procédé restait très supérieur à celui de la diffusion gazeuse.

Or, à la mi-68, les Hollandais, les Anglais et les Allemands de l'Ouest ont annoncé qu'ils avaient obtenu des progrès considérables. Les experts considèrent maintenant que l'ultracentrifugation était finalement beaucoup plus intéressante que la diffusion gazeuse.

Rôle de la vitesse

Les difficultés de l'ultracentrifugation sont, avant tout, liées à la tenue des matériaux. Il faut faire tourner très rapidement le mélange des deux isotopes, de manière que la force centrifuge agissant un peu plus sur l'isotope le plus lourd, l'uranium 235 et l'uranium 238 se séparent. La réussite de l'opération dépend principalement de la vitesse et du rayon de rotation.

On a intérêt à les augmenter le plus possible l'un et l'autre. Mais si, ce faisant, les forces qui s'exercent sur les deux isotopes croissent, celles qui agissent sur le récipient croissent en même temps. Et c'est sa tenue aux efforts mécaniques qui conditionne le rendement final de l'opération.