Les séries fossilifères de l'Omo ont une épaisseur d'environ 600 m. En 1967, les trois équipes, dans des camps établis à quelques dizaines de kilomètres les uns des autres, avaient déjà obtenu des résultats remarquables : du côté français, une mandibule présentant les caractères d'un australopithèque massif et primitif, provisoirement baptisé Paraustralopithecus, et une dent appartenant sans doute à un être assez voisin, mais plus petit et plus gracile. Les Américains avaient trouvé plusieurs autres dents venant de ce petit hominidé.

D'après toutes ces trouvailles, le paraustralopithèque devait être plutôt végétarien, son petit-cousin plutôt omnivore.

Les résultats de la campagne 1968 ont été annoncés à l'Académie des sciences le 23 décembre par Yves Coppens. Les trouvailles sont beaucoup plus abondantes et montrent toujours la présence de deux groupes distincts d'hominidés. Du paraustralopithèque, les Américains ont trouvé une demi-mandibule et une mandibule avec des dents usées, ainsi que des dents ; les Français ont dégagé une nouvelle mandibule, particulièrement épaisse, des prémolaires et des molaires ; l'équipe du Kenya a recueilli, près des rives mêmes du lac Rodolphe, deux demi-mandibules et un palais dépourvu de dents. D'autre part, Américains et Français ont découvert un assez grand nombre de dents provenant du petit hominidé à régime omnivore.

Ainsi se trouve confirmée la coexistence de deux groupes d'hominidés dans cette région à la fin du tertiaire et au début du quaternaire. Cette coexistence avait déjà été constatée en Afrique du Sud et à Oldoway. Il reste évidemment à préciser les caractères des deux groupes retrouvés en Éthiopie. De plus, aucun outillage n'a encore été découvert.

Mais les fouilles ne font que commencer. Mandibules et dents ont été trouvées au sommet comme à la base des 600 m de couches fossilifères. Comme des dates par la méthode du potassium-argon ont été obtenues, on sait que la coexistence des deux formes d'hominidés a duré au moins 2 millions d'années.

En effet, le sommet peut être daté d'environ 1,8 million d'années et la base de 3,7 millions. Du même coup, c'est un record d'ancienneté qui se trouve battu pour ces deux groupes d'hominidés : les plus vieux fossiles d'Oldoway, dont la datation avait fait sensation en 1961, ne dépassaient pas les 2 millions d'années. Le gisement de l'Omo multiplie ce chiffre presque par deux.

En Australie

Ce vieillissement général n'a pas épargné les régions où l'homme est arrivé le plus tard. Des nouvelles surprenantes sont ainsi venues d'Australie pendant l'été 1968. À l'université de Sydney, le professeur Mac Intosh a pu authentifier et dater un crâne découvert en 1886 à Talgaï, dans le Queensland. Le professeur Mac Intosh a obtenu deux dates : 13 000 et 30 000 ans. Il pense que celle de 30 000 ans s'accorderait mieux aux autres données archéologiques. Le crâne de Talgaï serait ainsi le plus ancien reste humain de ce continent. De plus, son examen a permis de remarquer des ressemblances curieuses avec les pithécanthropes qui vivaient à Java 500 000 ou 600 000 ans auparavant. Ces remarques tendraient à appuyer l'hypothèse de l'anthropologiste Weidenreich, selon laquelle les pithécanthropes de Java auraient évolué localement pour donner d'abord des hommes de type néandertalien, ensuite des hommes de type moderne : les aborigènes australiens.

En Amérique

Quant au Nouveau Monde, il est en train de se découvrir plus ancien qu'on ne le croyait.

Les Olmèques du golfe du Mexique sont à dater de 1200 à 600 av. J.-C. Ils ont donc été contemporains des Assyriens. D'autre part, la vallée d'Oaxaca, au sud de Mexico, a révélé au préhistorien K. V. Flannery que le haricot, la courge et le maïs étaient cultivés entre 7000 et 6000 av. J.-C. Mille ans plus tôt qu'on ne le pensait !

Pour beaucoup de spécialistes, cette invention de l'agriculture a dû se faire de façon indépendante, sans influence de l'Ancien Monde.

Le peuplement de l'Amérique reste à l'ordre du jour. Un site appartenant à la culture de Clovis a été découvert en Alaska. Jusqu'alors cette culture paraissait confinée au territoire des États-Unis. Le site de Driftwood Creek a été daté d'environ 13 000 ans av. J.-C. Peut-être représente-t-il un jalon sur les chemins venus d'Asie.