Sur le plan des traitements, l'événement de l'année concerne une des formes les plus redoutables de leucémie, la leucémie aiguë lymphoblastique de l'enfant. Il y a une dizaine d'années, la maladie était mortelle dans un délai de quelques semaines après l'apparition des premiers symptômes cliniques. En conjuguant diverses thérapeutiques physiques (transfusion, irradiation) et chimiques (drogues antitumorales, de plus en plus actives et qu'on sait de mieux en mieux alterner et doser), on obtient maintenant des survies s'exprimant en mois et parfois en années.

Il est possible, désormais, de traiter ces malades, quand on ne peut plus rien espérer des thérapeutiques classiques, grâce à une technique originale d'immunothérapie mise au point par le professeur Georges Mathé, de l'Institut de cancérologie et d'immunogénétique de Villejuif, et ses collaborateurs, les docteurs Jean-Louis Amiel et Léon Schwartzenberg.

Vaccins anti-leucémie

Il s'agit d'exalter les défenses de l'organisme pour l'aider à maîtriser ses cellules malignes dont des traitements préalables ont réduit le nombre au minimum possible. Deux procédés de vaccination y parviennent. L'un utilise comme vaccin des cellules provenant de patients atteints de la même maladie : il s'agit d'une immunothérapie spécifique. L'autre méthode consiste à exalter de façon générale les défenses de l'organisme grâce à une vaccination non spécifique, en l'occurrence le BCG, qu'on répète à intervalles réguliers.

Les malades qu'on a traités par ces méthodes (encore en expérimentation) sont en vie et en bonne santé au-delà du terme normalement fatal pour leur forme de leucémie.

Quant à l'espoir de vaincre enfin le cancer par un remède spécifique, il pointe à l'horizon de cette année 1969. Deux noms qui ont fait beaucoup parler d'eux en 1968 viennent en tête : l'asparaginase et les chalones.

Nouveaux remèdes

L'asparaginase est une enzyme qui bloque la fabrication de l'asparagine, aliment indispensable à la croissance de la cellule cancéreuse. On l'obtenait jusqu'ici à grand-peine à partir du sang des cobayes, ce qui permettait seulement des essais thérapeutiques limités. Devant les résultats de ces essais, plus qu'encourageants, plusieurs firmes pharmaceutiques se sont intéressées au problème.

Des moyens importants sont actuellement mis en œuvre pour obtenir de l'asparaginase en quantité suffisante et suffisamment pure pour élargir son emploi thérapeutique. On saura bientôt si ce nouveau médicament anticancéreux, dont l'action a le mérite de reposer sur une base physiologique, le mécanisme vital de la cellule cancéreuse elle-même, a l'efficacité qu'on lui suppose.

Les travaux sont moins avancés au sujet des chalones. Il s'agit de substances fabriquées par l'épiderme des mammifères et qui empêchent les mitoses — c'est-à-dire la reproduction — des cellules vivantes. Elles maintiennent l'équilibre entre la production et la destruction des cellules de l'épiderme. On a d'abord montré une diminution de la production des chalones au niveau de certaines tumeurs chez l'animal. D'où l'idée qu'on pourrait peut-être stopper la progression d'une tumeur en fournissant à l'organisme ces substances inhibitrices de la reproduction cellulaire.

Les premiers essais effectués avec des extraits de peau de porc, riches en chalones (qu'on ne sait pas encore isoler), ont, en effet, réussi à faire régresser des tumeurs transplantées chez la souris. D'autres expériences s'imposent toutefois pour préciser cet espoir.

Victoire décisive sur l'incompatibilité Rhésus

Une méthode simple, susceptible de sauver chaque année des milliers de nourrissons, constitue sans doute l'acquisition thérapeutique la plus importante de 1968. Elle apporte la solution définitive à un problème dont les étapes ont été franchies progressivement en trente ans : celui des bébés Rhésus.

Anémie grave

Jusqu'en 1939 on n'avait aucune idée de l'origine de l'affection redoutable qui menaçait à sa naissance un enfant sur dix, et qu'on appelait l'« ictère grave du nouveau-né » ou « ictère familial ». La maladie se manifestait par une anémie grave. Le bébé naissait gonflé d'œdèmes, le teint jaune, le foie et la rate hypertrophiés. L'affection était souvent mortelle ou elle laissait des infirmités graves.