Peut-être serons-nous moins déçus par les informations que nous transmettront les deux sondes chargées par les Américains de l'exploration de Mars. Mariner 6 est parti de Cap Kennedy le 25 février 1969, et Mariner 7 un mois après, le 24 mars. Jusqu'ici les Américains n'ont jamais tenté un atterrissage en douceur de leurs sondes planétaires. Aussi, les deux Mariner se contenteront-ils de survoler la planète rouge. Comme l'atmosphère de Mars, tout à l'opposé de celle de Vénus, est extrêmement raréfiée et limpide, les photographies qui seront transmises apporteront sans doute d'intéressantes précisions sur le sol martien.

La première de ces deux sondes, Mariner 6, devait survoler la planète Mars le 30 juillet à 14 h 18.

Succès et problèmes de l'Europe spatiale

Les deux organismes européens qui construisent respectivement des satellites (ESRO) et des lanceurs (ELDO) ont traversé une crise dont il n'était pas encore certain, au printemps 1969, qu'ils avaient réussi à sortir.

L'Italie avait refusé, en avril 1968, de voter les crédits supplémentaires de 100 millions de francs nécessaires au développement du plus important projet de l'ESRO, les deux satellites TD destinés à l'observation des étoiles et des particules solaires. Les décisions devant alors être prises à l'unanimité, le projet fut abandonné.

Dès le mois de juillet 1968, l'ESRO élaborait un programme de remplacement, qui tentait de conserver une partie des expériences prévues sur les satellites TD, afin de ne pas trop léser les équipes scientifiques européennes qui s'intéressent à la recherche spatiale.

Esro 1 et 2

En même temps, les succès remportés avec les premiers tirs orbitaux des programmes déjà en cours achevaient de remettre l'organisme sur la bonne voie.

Les deux premiers satellites de l'ESRO, Esro 2 et Esro 1, qui pesaient environ 80 kg, furent lancés respectivement le 17 mai et le 3 octobre 1968. Tous deux placés, par des fusées américaines, sur des orbites polaires allongées, ils emportaient sept expériences britanniques, une hollandaise, trois norvégiennes, une suédoise et une française. Esro 2, le premier lancé, était destiné à étudier les radiations solaires, les rayonnements cosmiques, et aussi les particules piégées dans la première ceinture de radiations entourant la Terre.

Esro 2 connut rapidement des défaillances — trois appareils britanniques cessèrent de fonctionner au bout de quinze jours. Esro 1, par contre, fonctionnait encore normalement au mois d'avril 1969, après plus de six mois de vie opérationnelle. La mission de ce satellite était de mesurer l'énergie et la direction des particules qui viennent du Soleil et aboutissent dans les régions polaires, tant en période calme qu'en période d'orages magnétiques et d'aurores boréales.

Heos 1

Ces deux satellites furent suivis, le 5 décembre 1968, d'un troisième, assez différent des deux premiers : la sonde spatiale Heos 1. D'un poids de 108 kg, cette sonde fut placée sur une orbite très allongée, allant jusqu'à 223 000 km d'altitude. Offrant pour la première fois à des scientifiques européens la possibilité d'explorer l'espace interplanétaire, Heos 1 étudie le champ magnétique de la Terre et la manière dont ce champ est comprimé et modelé par les particules que le Soleil émet en permanence : le vent solaire.

L'orbite de la sonde était suffisamment allongée pour qu'à certains moments elle sorte même de la magnétosphère. On appelle ainsi la région qui entoure la Terre et où le champ magnétique de notre planète est confiné par le vent solaire. Le champ magnétique terrestre empêche une grande partie des particules solaires d'atteindre la Terre ; la magnétosphère est donc une sorte de cavité protégeant notre planète.

Un long cigare

Le champ magnétique de la Terre est, comme celui d'un aimant, formé de deux demi-sphères, symétriques par rapport à la ligne joignant les deux pôles. Ces deux demi-sphères sont déformées par le vent solaire ; du côté du Soleil, la demi-sphère est aplatie et comprimée, et la magnétosphère ne dépasse pas 80 000 km d'altitude. La sonde Heos dépasse donc largement cette limite et pénètre loin dans l'espace interplanétaire. Du côté opposé au Soleil, l'autre demi-sphère s'étire, en revanche, jusqu'à plusieurs millions de kilomètres, comme un long cigare.