Les plus importantes de ces opérations durant l'hiver ont été la tentative vaine de la Compagnie financière de Suez et de la Banque Lazard pour acquérir le contrôle de la Société de navigation mixte, les prises de contrôle réussies de l'Immobilière marseillaise par la rue Impériale de Lyon, de Tapis et Couvertures par Saint Frères, des Huiles Renault par ELF-ERAP, de la Générale du Maroc par son principal actionnaire, la Banque de Paris et des Pays-Bas.

La hausse française a favorisé les titres classiques les plus représentatifs — donc les plus connus de l'étranger — aussi bien que les valeurs de croissance. Ainsi, au début mai, un dixième des titres cotés à terme avait-il progressé de plus de 30 % par rapport au début de l'année, notamment des banques, des affaires alimentaires, électriques, et même des valeurs sidérurgiques.

Puis la crise de l'Université et des usines et, par-delà, celle de la société de consommation, ont rattrapé le monde qui avait tenu bon. Vers le 12 mai, ce fut le grand plongeon jusqu'à l'arrêt des transactions le 21 mai. En ces quelques jours, la capitalisation boursière fléchit de près de 9 milliards de francs, conservant toutefois un peu plus de 2,2 milliards de plus-value par rapport à la fin 1967. Il s'en fallut de peu que ce solde ne disparaisse au début de juin.

En vase clos

Le marché financier semble avoir repris son sang-froid et ses activités normales — sinon son élan —, mais dans des conditions économiques, financières, psychologiques et monétaires profondément bouleversées. La réinstauration « à titre exceptionnel et provisoire » du contrôle des changes, aboli en décembre 1966, a eu pour effet l'arrêt de l'approvisionnement du marché de Paris en valeurs étrangères. Elles ne sont échangées que dans un circuit en vase clos, ayant suscité une sur-cote de 5 % à 10 % des titres par rapport à leur place d'origine.

Le lingot et les pièces ont atteint des cours très supérieurs à ceux de l'or fin et de l'or monnayé sur le marché de gros de Londres ou sur les marchés de détail allemand et suisse. L'immobilier surtout est redevenu une forme d'investissement faisant une concurrence redoutable aux valeurs, comme il advient dans toutes les périodes troublées où l'investissement-pierre semble offrir une sauvegarde supérieure à l'investissement-papier.

Politique d'expectative

Les milieux financiers opèrent à la Bourse selon leurs critères qui commandent des arbitrages de titres des sociétés employant beaucoup de personnel en faveur de celles qui ont besoin d'une quantité limitée de main-d'œuvre.

Les préférences se manifestent pour les sociétés fabriquant des produits de grande consommation plutôt que pour celles qui produisent des biens d'équipement ou travaillent pour l'armement, préférence aussi — un changement de parité du franc ne pouvant être exclu a priori — pour les sociétés disposant d'actifs réels, minerais et pétrole, et les sociétés de très grandes dimensions pour lesquelles la France ne constitue pas le marché unique, voire le marché principal : Péchiney, Air liquide, Saint-Gobain, Boussois. C'est là une façon constructive de pratiquer une politique d'expectative quand la densité des inconnues de l'avenir interdit des partis pris plus courageux que l'attentisme.

Commerce extérieur

La reprise amorcée depuis septembre s'effondre en juin

Le 30 juin 1968, à 24 heures, au moment où sonnait le premier coup de minuit, disparaissaient les droits de douane résiduels dans les échanges à l'intérieur du Marché commun. Et cela au terme d'une érosion progressive des tarifs qui avait débuté 9 ans et demi plus tôt, le 1er janvier 1959 (Journal de l'année 66-67).

Mais, simultanément, les droits de douane nationaux se sont alignés sur ceux du tarif douanier commun de la CEE à l'égard des importations provenant des pays tiers. Ce tarif a subi, au même instant, les deux premières tranches cumulées des réductions consenties au cours des négociations multilatérales du GATT, le Kennedy round, dont l'Acte final avait été signé juste un an auparavant à Genève.