Un renouveau du marché national risque aussi de détourner des marchés extérieurs nos industriels, qui, selon Hubert Roussellier, directeur général du Centre national du commerce extérieur, qui travaille à la promotion des exportations, « ont tendance — schéma malheureusement classique —, à considérer les exportations comme des opérations d'appoint à une activité normale qui est celle de fournir en premier lieu le marché intérieur, l'objet de leur sollicitude ».

La crise de mai vient casser le redressement du commerce extérieur. Dès lors, les risques deviennent grands d'une dégradation de la compétitivité des produits français. L'accroissement du déficit des échanges extérieurs apparaît difficilement évitable.

Prix et revenus

Une progression modérée

Nettement ralentie depuis le plan de stabilisation de 1963, la hausse des prix et des revenus était restée modérée en 1987. Comme si c'était abuser d'une trop longue patience, une flambée inattendue s'est produite en mai-juin 1968, à l'occasion du plus grand mouvement de grève que la France ait connu depuis 1936.

Faible croissance

En 1967, le revenu brut de l'ensemble des ménages avait progressé un peu moins vite qu'en 1966 : 7,5 %, contre 7,8 %. Les salaires avaient même enregistré le taux de croissance le plus faible depuis plusieurs années : leur masse s'était accrue de 7,2 % seulement, contre 8 % en 1966, 7,4 % en 1965, 11,5 % en 1964 et 14,9 % en 1963.

Plusieurs raisons expliquaient ce phénomène : augmentation modérée des taux de salaires (5,8 %) ; développement du chômage ; ralentissement de la durée du travail ; augmentation moins forte du nombre des salariés. Les salaires individuels n'avaient progressé, en valeur réelle (c'est-à-dire déduction faite de la hausse des prix), que d'environ 3 %.

Les revenus des entrepreneurs (industriels, commerçants, agriculteurs) s'étaient mieux comportés : + 5,8 % en 1967, contre + 4,9 % en 1966. Compte tenu de la diminution régulière du nombre d'entrepreneurs, l'augmentation par tête était même supérieure.

Il conviendrait toutefois, là aussi, d'en déduire la hausse des prix (environ 3 %) pour obtenir l'amélioration réelle du pouvoir d'achat, finalement comparable à celle des salariés. Si l'on considère seulement l'agriculteur, 1967 avait été une année moins bonne que 1966, puisque le résultat brut d'exploitation dans ce secteur avait augmenté de 5,2 %, contre 5,9 % en 1966.

Les prestations sociales, amputées à la fin de l'année par la réforme de la Sécurité sociale, avaient moins progressé en 1967 que durant les années précédentes (mais, tout de même, plus que les autres revenus) : 9,5 %, au lieu de 10,3 % en 1966, 9,6 % en 1965, 12,4 % en 1964 et 18,7 % en 1963.

Un phénomène important avait affecté favorablement le revenu des Français en 1967 : le retard volontaire du prélèvement fiscal et l'abattement de 100 F sur les impôts directs décidés à l'automne. Il en avait résulté une progression très modérée des versements au fisc, au titre de l'impôt sur les revenus : 3,5 %, contre 7,1 % en 1966. Mais ce n'était qu'un délai.

Les impôts différés en 1967 devaient être payés en 1968. Si le revenu réellement disponible avait donc augmenté en 1967 à peu près autant qu'en 1966, cela résultait d'un artifice fiscal, le report en 1968 de versements qui auraient dû avoir lieu plus tôt. Correction faite de ce décalage, le revenu disponible aurait moins augmenté en 1967 qu'en 1966.

Politique délibérée

À cette progression modérée des revenus avait correspondu une augmentation du coût de la vie apparemment identique, en 1967, à celle de 1966 : 2,7 %. Mais cette moyenne dissimulait des différences sensibles selon les produits et selon les périodes de l'année : faible sur les produits alimentaires et industriels, la hausse avait été plus forte sur les services (augmentation des loyers de 10 % et des tarifs publics de 3 %, contre 1,8 % en 1966) ; de même, modérée au premier semestre, elle s'était nettement accélérée au second.

Cela résultait d'une politique délibérée du gouvernement, qui avait augmenté les frais médicaux à la charge des assurés sociaux, pour réduire le déficit de la Sécurité sociale, et relevé les tarifs des chemins de fer (5 à 6 %), du métro et des autobus parisiens (30 %), du gaz (1,85 % et de l'électricité (4,80 %). Les journaux, de leur côté, avaient augmenté de 33 % à l'automne.