Avec ESSA 2, lancé le 28 février 1966, il est devenu possible à toute personne ou organisme disposant d'un récepteur simple de recevoir tous les jours des images des masses nuageuses de toute la contrée. Depuis le mois de septembre 1966, les États-Unis et l'URSS échangent chaque jour un choix de photographies.

Des photographies que l'on n'échange pas, et pour cause, sont celles que de nombreux satellites espions ramènent au sol pour le compte des forces armées. On estime à 40 % la part des engins militaires dans l'ensemble des lancements de ces dix années. Leurs activités sont très variées : détection de missiles et d'explosions nucléaires, reconnaissance, photographie d'autres satellites, etc.

Les militaires ont aussi leurs propres réseaux de télécommunications — dont un, l'IDCSP américain, ne comporte pas moins de 18 satellites — et d'aides à la navigation (permettant aux avions et aux navires de faire le point avec précision).

Des retombées payantes

Tout aussi payantes que les sondes et les satellites utilitaires sont les retombées des budgets spatiaux sur l'industrie.

La NASA et l'Académie des sciences de l'URSS ont des organismes chargés de mettre à la disposition de l'industrie, de la recherche scientifique, de la médecine et autres utilisateurs potentiels, des idées, des méthodes (programmation, planning, etc), des recettes, mises au point par et pour la recherche spatiale dans des domaines tels que : gaz liquéfiés à de très basses températures, accumulateurs électriques légers, étanches, de haute capacité, piles à combustible, composants et circuits électroniques miniaturisés, programmateurs, antennes à haut gain, plastiques résistant aux radiations ionisantes, instruments supportant de très grandes variations de température, alliages spéciaux, fils métalliques épais d'un dix-millième de millimètre, etc.

La recherche spatiale, en 1957, ne disposait que des missiles balistiques prêtés par les militaires. Ayant franchi rapidement sa crise de croissance (29,4 % de lancements réussis aux États-Unis en 1959, et 95 % en 1967), la voici promue à la condition d'adulte, se rendant utile à la science, aidant à prévoir le temps, offrant des relais aux télécommunications, des progrès technologiques aux industriels.

Elle aura comblé ceux qui avaient su lui faire confiance. On attendait d'elle un pamplemousse de 3 livres, et c'est un Spoutnik de 84 kg qui apparut, sifflotant, dans l'espace. On lui accordait le temps d'une génération pour permettre à l'homme de fouler la Lune, et la Lune n'aura attendu son sort que pendant la moitié du temps prévu.

Mort de Youri Gagarine

Youri Gagarine, le premier homme à avoir fait le tour de la Terre en satellite, trouve la mort aux commandes de son Mig-15 le 28 mars 1968. Il était père de deux enfants, Hélène et Galina.

Né dans un kolkhoze en 1932, ouvrier fondeur et étudiant en technique industrielle, il choisit le métier de pilote en 1957 et deviendra cosmonaute. L'exploit du 12 avril 1961 fait tout naturellement de cet homme un héros.

La conquête du cosmos avait été ternie en 1967 par deux accidents qui coûtèrent la vie à trois astronautes américains et à un cosmonaute soviétique. Si l'on ajoute à ces victimes les cinq astronautes (4 Américains et 1 Soviétique) morts en cours de vols d'entraînement ou de déplacement, l'aventure spatiale aura déjà été payée de neuf vies humaines.

Les pertes de ces dix années restent, froidement analysées, bien inférieures aux holocaustes auxquels donnaient lieu les grands voyages d'autrefois. Pour faire sur mer ce que Gagarine a accompli avec son Vostok, un premier tour complet de la Terre, Magellan était parti avec 264 hommes. Il n'en revint que 18.

L'exploration lunaire : bond prodigieux des connaissances

Gravitant à quelques centaines de milliers de kilomètres seulement de la Terre — éloignement qui reste dans l'ordre de grandeur des distances terrestres — et dépourvue d'atmosphère, la Lune n'a jamais soustrait à la curiosité de l'astronome rien de ce que recèle la surface de son hémisphère visible.