Beaucoup ont pu croire, il y a une dizaine d'années, que notre satellite n'avait guère de secrets pour nous. N'a-t-on pas dit que le télescope géant du Mont-Palomar permettait de voir sur la Lune un objet grand comme un autobus, que l'étude de la polarisation de la lumière par la surface lunaire révélait la structure du sol, que l'albédo en indiquait la nature, que le radar montrait l'épaisseur de la couche superficielle ?

9 ans de tirs lunaires

Si l'on s'en tient aux connaissances irréfutables, l'astronomie n'était, en fait, pas à même, en 1958, d'éclairer les organisateurs des futurs vols spatiaux sur des points aussi importants que la nature et la consistance du sol lunaire ; la radio-activité du terrain ; le magnétisme de ce globe (pourrait-on s'y orienter avec la boussole ?) ; l'hémisphère invisible (certaines théories le concevaient très différent de celui qui nous était connu), etc. Telle était la situation à l'aube de l'ère spatiale.

Les Américains, en 1958, prennent pour cible la Lune. En fonction des moyens techniques dont ils disposaient à l'époque, c'était faire preuve d'un grand optimisme ; les quatre lancements de Pioneer faits cette année-là se soldent par des échecs.

L'année 1959 commence par deux tirs réussis, mais les trajectoires manquent de précision : Luna 1 soviétique passe à 7 500 km de la Lune et Pioneer 4 à 60 000 km. Puis, coup sur coup, les sondes soviétiques réussissent deux exploits : Luna 2 heurte la Lune de plein fouet et devient le premier objet que l'homme ait fait parvenir — certes, trop violemment — sur un autre monde ; Luna 3, satellite terrestre dont l'orbite enserre la Lune, passe derrière cet astre, et nous transmet les premières photographies de l'hémisphère invisible.

En novembre, enfin, les Américains tentent la satellisation autour de la Lune, mais le lancement de leur Pioneer échoue. Il en sera de même lors des deux tentatives qu'ils feront en 1960.

Les Soviétiques, après leurs succès de l'année 1959, marquent une longue pause qui se prolongera jusqu'en 1963. Les Américains, par contre, tentent en 1962 une nouvelle expérience : cette fois, il s'agira des Ranger, qui, d'une part, doivent transmettre des photographies du sol lunaire prises en vol et, de l'autre, tenteront de déposer des instruments sur le sol même du satellite. Ranger 3 (en fait, le premier qui fut réellement lancé vers la Lune) passe à 36 800 km du satellite terrestre ; Ranger 4, lancé sur une mauvaise trajectoire, caméras et émetteurs en panne, s'est, semble-t-il, écrasé sur l'hémisphère invisible. Enfin, Ranger 5 passe à 725 km du satellite.

Exploration par photos

En 1963, il n'y a qu'un seul tir lunaire. Les Soviétiques essaient un nouveau matériel en vue de l'atterrissage en douceur d'une sonde lunaire, mais, la trajectoire n'ayant pu être corrigée, Luna 4 passe à 8 500 km du but.

Entre-temps, le projet Ranger a été rendu moins ambitieux. La mission de ces sondes se limitera à transmettre des photographies du sol lunaire à mesure qu'elles s'en approcheront et jusqu'à ce qu'elles s'y écrasent ; elles n'essaieront plus de déposer des instruments sur la Lune. En 1964, les lancements sont repris. Ranger 6 échoue par suite d'une panne des circuits électriques, mais, en juillet, Ranger 7 réussit brillamment sa mission en transmettant 4 308 photographies.

Au cours de l'année 1965, les deux derniers Ranger de la série transmettent, à leur tour, des milliers de photographies. Puis c'est la reprise des tentatives soviétiques d'atterrissage en douceur. Luna 5 s'écrase sur la Lune. Luna 6 passe à côté du satellite ; Luna 7 et Luna 8, tout en améliorant pas à pas leur technique, atterrissent encore trop brutalement.

Atterrissage en douceur

L'année 1966 est particulièrement fructueuse. Sur neuf lancements de sondes lunaires, huit se soldent par des succès. C'est d'abord la belle performance des fuséologues soviétiques, qui, coup sur coup, réussissent le premier atterrissage en douceur sur notre satellite, avec leur Luna 9, et la première satellisation autour d'un astre autre que la Terre, celle de Luna 10, placée sur une orbite lunaire.