Dans son discours au Soviet suprême, quelques jours plus tard, le ministre des Affaires étrangères, Andréï Gromyko, déclarait qu'il ne fallait pas en rester là. Il proposait que l'on mette en route des discussions pour la conclusion d'une convention qui interdirait toute utilisation desdites armes.

Les États-Unis ont commencé à mettre en place leur système de protection antibalistique. Mais ils s'efforcent de rassurer Moscou : ce réseau est dirigé contre les Chinois. Cela ne satisfait qu'à moitié les Soviétiques, qui ne tiennent pas non plus à paraître trop liés aux États-Unis, face à la Chine populaire. C'est pourquoi, toujours en ce mois de juin, ils se disent prêts a parler de ce problème aussi ; ce qu'ils avaient toujours refusé de faire auparavant.

La presse soviétique peut donc continuer à attaquer violemment — de plus en plus violemment — l'intervention américaine au Viêt-nam. L'aide en tout genre, et en particulier militaire, à Hanoi s'accroîtra (les navires soviétiques transporteront en 1968 20 % de plus de fret vers cette destination). L'objectif essentiel, la sécurité de l'URSS, est atteint.

Quelques autres interlocuteurs

L'Allemagne reste le principal abcès de fixation en Europe des divergences entre l'URSS et l'Occident. Les dirigeants soviétiques ont vu dans les progrès électoraux du NPD la confirmation de la justesse de leur dénonciation permanente, obsessionnelle, du danger présenté par « le militarisme et le revanchisme de Bonn ». Ils en ont condamné avec plus de vigueur encore la politique d'« ouverture à l'Est » chère à Willy Brandt.

Quand le gouvernement de Walter Ulbricht institue le système des visas entre Berlin-Ouest et le reste du pays, Moscou admet sans difficulté l'opportunité de cette initiative. Tout en affirmant que cette affaire est du ressort exclusif de l'État souverain de la RDA. l'ambassadeur soviétique à Berlin-Est, Abrassimov, ne fait aucune difficulté pour recevoir longuement W. Brandt... alors qu'à Bonn aussi il y a un ambassadeur de l'URSS.

Ils n'auront sans doute pas eu le temps d'aborder une question dont la presse soviétique fait grand cas : les bonnes relations commerciales entre Bonn et Pékin, la RFA étant devenue, dit-elle, le premier partenaire de la Chine dans le monde capitaliste.

Harold Wilson n'a pas cessé d'être un interlocuteur apprécié à Moscou, qui ne nourrit cependant aucune illusion sur l'influence que Londres peut ou désire exercer sur son allié privilégié, les États-Unis. Mais la révélation des carences des services secrets britanniques a fourni à ceux de l'URSS l'occasion d'une belle revanche. Un journal britannique avait publié voici deux ans des carnets attribués à l'espion Penkovsky. Cette fois, ce sont les Izvestia qui, après l'Observer et le Sunday Times, font une grande publicité à l'« espion du siècle », et officier (anglais) du KGB, en publiant une interview intitulée : « Bonjour camarade Philby ».

Cette mortifiante mésaventure n'empêche pas H. Wilson de venir le mois suivant dans la ville qui a recueilli le « traître pendant trente ans », après ses amis Burgess et Mac Lean. Il n'obtiendra pas de ses hôtes la reconnaissance de l'importance du rôle international joué par son pays.

Verbalement tout au moins, les dirigeants soviétiques accordent cette satisfaction au général de Gaulle, ainsi qu'à G. Pompidou, qui est fort bien reçu dans la capitale soviétique. Il faut attendre la crise de mai 1968 pour que quelques grincements se fassent entendre ou, plutôt, se laissent deviner, à l'analyse du vocabulaire de la Pravda, quand elle rend compte des mouvements de grèves et des élections anticipées.

Si les gaullistes sont parfois violemment pris à partie, leur chef est ménagé. Et les étudiants « gauchistes » français sont l'objet, de la part des Izvestia et de la Pravda, d'attaques au moins aussi dures que de la part du Figaro et de la Nation.

Des jalons dans le tiers monde

L'URSS poursuit prudemment sa politique de présence en Afrique. Les chefs d'État de ce continent viennent tour à tour à Moscou. Le président du Congo-Brazzaville est reçu comme le représentant d'un des îlots progressistes du continent. Cela n'empêche pas le Kremlin de rétablir, au même moment, des relations diplomatiques avec l'autre Congo, celui du général Mobutu. Ce dernier visitera peut-être un jour l'université Lumumba lors d'un séjour dans la capitale soviétique.