La presse tchécoslovaque ne laisse pas ignorer que le fugitif avait bâti toute sa carrière sur l'amitié qui le liait au fils de Novotny. Le pays apprend aussi que ce gardien de l'orthodoxie avait pour autre face un prévaricateur ; on l'accuse même d'avoir, en janvier, mobilisé la division blindée de Prague pour tenter de secourir son protecteur.

Un mois après l'ouverture de l'enquête sur ses détournements, Sejna a pu quitter le pays avec un passeport diplomatique. Le procureur général, les ministres de la Défense et de l'Intérieur sont compromis. L'affaire atteint surtout Novotny.

Sa démission est réclamée de tous côtés. Il la donne le 22 mars. Son dernier acte présidentiel est la grâce accordée à Jan Benès, l'écrivain naguère condamné.

Désapprobation à Dresde

Le lendemain même, Dubcek, à Dresde, s'efforce de rassurer Ulbricht et les dirigeants d'autres pays socialistes. De Varsovie, où l'on craint la contagion, il n'obtiendra qu'une attitude de raide désapprobation, de Pankow d'aigres admonestations qui frôleront l'incident diplomatique. Moscou exprimera, par la voix de Brejnev, la crainte que des éléments antisocialistes tirent parti du processus de démocratisation.

Dubcek rejette les pressions extérieures avec souplesse. En affirmant que sa politique étrangère doit « répondre pleinement aux intérêts nationaux et internationaux de la Tchécoslovaquie socialiste », il contient l'ouverture à l'Ouest dans les limites que tracent la géographie, l'économie et le pacte de Varsovie.

Svoboda et la liberté

Svoboda, mot qui signifie « liberté », connaît en ce printemps à Prague une extraordinaire floraison. C'est aussi le nom de l'homme qui, à 73 ans, symbolisera la continuité nationale, à la magistrature suprême.

Peu après son élection à la présidence de la République, il va s'incliner sur la tombe de Thomas Masaryk, le fondateur de la Tchécoslovaquie moderne.

Les autres postes clés sont occupés par des amis politiques de Dubcek : Smrkowsky à la présidence de l'Assemblée nationale, Cernik à la tête du gouvernement.

La nouvelle équipe s'engage à respecter la liberté d'expression et la liberté religieuse, à assurer l'égalité des Tchèques et des Slovaques, les droits des minorités. Elle renoue avec les traditions nationales, crée un « parlement étudiant », un conseil économique pour développer la participation des citoyens. Elle répare les torts passés à l'égard des personnes injustement condamnées.

Ludovik Svoboda

Ludovik Svoboda est un général paysan, contemporain de Masaryk et de Benès. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il participe avec l'armée soviétique à la libération de l'Ukraine. Ministre de la Défense en 1945. il n'a pas, après la révolution, malgré son adhésion au parti, la confiance de Staline et en subit les conséquences.

Initiatives et manœuvres

L'opinion tchécoslovaque veut davantage. Elle réclame la création d'un parti d'opposition.

En avril, Moscou s'irrite et s'inquiète à nouveau. Le parti communiste tchécoslovaque va-t-il se laisser déborder par le flot qu'il a libéré ?

Dubcek doit mettre un frein à la démocratisation, amener la presse à plus de modération, affirmer le maintien du parti communiste dans sa position dirigeante. À la fin de mai, Novotny est exclu du comité central et, en juin, le Parlement approuve la suppression de la censure ; mais Dubcek accepte la présence des troupes alliées sur son sol, pour les manœuvres du pacte de Varsovie. Au même moment, il s'opposera aux initiatives proposées par des progressistes radicaux dans l'appel dit des « Deux mille mots ».

Après la campagne de défoulement vient la période de consolidation. Il s'agit, pour les dirigeants tchèques, de préserver les nouvelles libertés malgré l'opposition de l'URSS et de plusieurs membres du camp socialiste, d'achever la déroute des novotnystes et de poursuivre la réforme économique.

URSS

233 180 000. 10. 1,6 %. Consomm. énergie (*65) : 3 611 kg e.c.
Transport. Rail (*65) : 201 600 M pass./km, 1 950 000 M t/km. Mar. march. : 9 492 000 tjb.
Information. Journaux 639 quotidiens ; tirage global : 69 948 000. Récepteurs radio : 73 800 000. Téléviseurs : 15 700 000. Cinéma (63) : 131 600 salles ; fréquentation : 4,3 MM.
Santé (64). 467 400 médecins.
Éducation (64). Prim. : 37 581 000. Sec. et techn. : 7 508 000. Sup. 3 608 400.
Institutions. Fédération de républiques socialistes. Constitution de 1936. Président du Présidium : Nicolai Podgorny ; succède à Anastase Mikoyan. Président du Conseil : Alexei Kossyguine. Premier secrétaire du Parti : Leonide Brejnev. Parti unique : Parti communiste.

Durcissement idéologique vis-à-vis des pays de l'Est et sur le plan intérieur

Événement considérable de la vie soviétique, on a fêté, début novembre 1967, dans toutes les Républiques, le 50e anniversaire de la révolution d'Octobre. Toutes les énergies ont été polarisées pour l'occasion ; celles des ouvriers métallurgistes comme celles des sculpteurs, celles des historiens chargés de glorifier les héros déguenillés de l'an I de la Russie rouge, comme celles des dessinateurs de mode, qui avaient pour tâche d'occidentaliser — prudemment — la tenue vestimentaire de leurs héritiers.