Au mois de janvier, le procès d'Alexandre Guinzbourg et de ses trois amis, accusés d'avoir coopéré avec les organisations d'émigrés antisoviétiques, mais poursuivis surtout pour avoir mené une activité littéraire clandestine et tenté d'organiser un mouvement de solidarité en faveur des écrivains Siniavski et Daniel (condamnés deux ans auparavant), provoque une profonde émotion dans la jeunesse intellectuelle de Moscou. Peu après, la vague de libéralisation qui déferle sur Prague crée la panique au Kremlin comme à Varsovie et à Berlin-Est, et les non-conformistes soviétiques deviennent l'objet de l'attention encore plus vigilante des services d'Andropov.

Une réunion plénière du Comité central du parti, au mois d'avril, donne le signal d'une vaste campagne contre ceux qui favorisent consciemment ou inconsciemment le « travail de sape de l'impérialisme ». Bien entendu, la pierre de touche est la remise en cause de la politique idéologique et artistique du parti. Le président de l'Académie des sciences, Keldych, patron de tous les savants soviétiques, demande aux intellectuels de se montrer sans indulgence non seulement envers des gens comme Guinzbourg, mais envers « ceux qui prennent leur défense ».

Si la privation de son poste ne fait pas reculer le jeune mathématicien Pavel Litvinov, petit-fils d'un ancien ministre des Affaires étrangères, beaucoup d'écrivains réputés libéraux évitent, cette fois, de se compromettre en défendant les condamnés. Quand il sera violemment attaqué, au mois de juin, Soljenitsyne ne trouvera pas, lui non plus, beaucoup de défenseurs.

L'affaire Soljenitsyne

C'est un des plus grands, peut-être le plus grand des écrivains russes vivants. Il est aussi celui dont un des chefs de file de la tendance progressiste parmi les écrivains tchèques a dit : « Soljenitsyne est notre frère. » Depuis son célèbre livre Une journée d'Ivan Denissovitch, Soljenitsyne n'a cessé d'être l'objet de mesures vexatoires et répressives. Au mois de décembre 1967, la revue Novy Mir n'a pas reçu l'autorisation de publier sa nouvelle œuvre le Pavillon des cancéreux. Loin des coteries littéraires de Moscou, Soljenitsyne vit retiré dans la province de Riazan, où, pour garder un minimum d'indépendance à l'égard des maisons d'édition, il avait préféré exercer le métier de professeur de physique. Quand, au mois de juin, la parution à l'étranger de certaines de ses œuvres interdites a été annoncée, l'Union des écrivains la violemment attaqué, en le dénonçant comme un calomniateur de son pays. Rescapé des camps staliniens, il est gravement malade.

Les loisirs des jeunes et des vieux

On nie vigoureusement l'existence d'une crise de la jeunesse (« il n'y a pas et il ne peut pas y avoir chez nous de conflit de générations »), mais les dirigeants manifestent une préoccupation croissante devant le manque de conscience politique des moins de vingt-cinq ans. L'action du Komsomol, l'organisation de la jeunesse communiste, ne semble pas être, à cet égard, très efficace.

Son chef, depuis neuf ans, Serge Pavlov, est relevé de ses fonctions au mois de juin. Son successeur, Evgueni Tiajelnikov (40 ans), ne semble pas disposer de meilleurs atouts : il a été directeur d'une école normale d'instituteurs, puis secrétaire d'une organisation régionale du parti en province.

E. Tiajelnikov a pour mission de mener dans la jeunesse une action qui combine plus efficacement la promotion de loisirs « sains » avec une meilleure formation marxiste-léniniste et patriotique. Il doit faire admettre aux jeunes que le modèle de l'homme soviétique reste, par exemple, Youri Gagarine, le premier homme de l'espace, qui s'est tué, le 27 mars, aux commandes de son avion d'entraînement. E. Tiajelnikov sera secondé dans sa tâche par les officiers de l'Armée et de la Marine.

La semaine de cinq jours

La nouvelle loi sur le service militaire, tout en réduisant le temps de présence sous les drapeaux (deux ans au lieu de trois, un an même pour les diplômés de l'enseignement supérieur), abaisse l'âge d'appel à dix-huit ans. De plus, les activités de l'organisation chargée de la préparation militaire permanente seront étendues ; les professeurs et les instituteurs coopéreront davantage avec les militaires.