L'actrice Melina Mercouri et le secrétaire de la Ligue hellénique des droits de l'homme figurent sur la liste des personnalités déchues de leur nationalité (depuis, l'actrice parcourt les capitales et se fait le porte-parole des opposants au régime). L'armée, elle aussi, est touchée. Quarante officiers généraux et supérieurs sont mis à la retraite. Les fonctionnaires sont tenus de faire des déclarations écrites de loyauté.

Deux îles vont très vite devenir célèbres : Léros et Yaros. En novembre - décembre, en effet, près de 4 000 personnes y seront passées pour y effectuer des peines de déportation. Celles-ci purgées, les déportés doivent signer un acte de renonciation à leurs idées et activités « communistes » ou « subversives ». Mikis Théodorakis, député d'extrême gauche et compositeur de la célèbre musique du film Zorba le Grec, est arrêté le 23 août pour insultes à la famille royale. Ses œuvres sont interdites. Il fera cinq mois de captivité.

Les épurations

Les épurations se multiplient : dans la marine, dans la police. À la mi-août, une ordonnance publiée au Journal officiel accroît les pouvoirs du colonel Papadopoulos, qui devient l'homme fort du régime.

Georges Papandréou et son fils Andréas sont aussi touchés par la répression. Le père est assigné à résidence, remis en liberté et à nouveau, en avril 1968, placé sous surveillance. Le fils quitte la Grèce après sa libération et se lance dans une tournée des capitales européennes pour « établir des institutions démocratiques en Grèce sur des bases permanentes ». Il prend la direction du Mouvement de libération pan-hellénique (PAK).

Renversé lors du putsch militaire du 21 avril, l'ancien Premier ministre Panayotis Canellopoulos, leader du parti de droite l'Union nationale radicale, qui est resté en Grèce, prend parti contre les colonels à plusieurs reprises. Début octobre, il est assigné à résidence. Hélène Vlachou, propriétaire de deux grands journaux grecs, est également placée en résidence surveillée.

Nouvelle constitution

Le 6 octobre, après le ralliement à la junte de Panayotis Pipinellis, leader de la droite considéré comme le pilier de la monarchie, les rumeurs d'un remaniement du gouvernement grec se multiplient. On parle aussi d'une épreuve de force imminente entre le roi et l'armée. Le 21 octobre, l'avant-projet de la nouvelle constitution est rendu public. Il prévoit un système bi-partisan, où les pouvoirs du roi et du Parlement seront réduits. Une épreuve entre le roi et les colonels, lors du remaniement du Cabinet de la fin octobre, se termine par une victoire du roi : quatre ministres civils ne seront pas remplacés par des militaires.

Le mois de novembre est marqué par de nombreuses arrestations, tandis que la tension monte au sujet de Chypre. Une guerre entre la Grèce et la Turquie est évitée de justesse.

Le journal Expressen, de Stockholm, annonce dès le 1er décembre que le roi Constantin prépare un « contrecoup d'État », en accord avec Georges Papandréou et Panayotis Canellopoulos. Le souverain aurait repris le contrôle de l'armée lors la crise gréco-turque.

La fuite du roi

Dans la matinée du 13 décembre, le roi quitte discrètement son palais et gagne Larissa. Il laisse au commandant en chef des armées grecques une lettre pour l'informer qu'il prend la direction du pays et celle des forces armées. Il s'entretient avec plusieurs chefs militaires à Kohitini et Kavolla.

Le souverain lance alors un message radiodiffusé au peuple grec sur les ondes de Radio-Larissa. Il flétrit le régime totalitaire, tout en affirmant que l'armée, la marine et l'aviation sont à ses côtés. Ces allégations se révéleront fausses. La majorité des militaires ne le suivra pas. La population, qui pressentait depuis longtemps cet événement, ne se laisse pas convaincre et ne réagit pas.

La réplique ne se fait pas attendre. Le général Papadopoulos se fait nommer Premier ministre, en remplacement de C. Kollias, qui a accompagné le roi dans sa fuite. Le général Zoïtakis prend la régence et donne immédiatement l'assurance que le régime grec n'a pas changé et qu'il demeure une monarchie couronnée.