Pour protester contre le maintien du carcan linguistique, les socialistes de Bruxelles refusent de participer à ce gouvernement de coalition qui réunit sociaux-chrétiens et socialistes. Or, la réforme de la constitution — souhaitée par le PSC, refusée par les socialistes — requiert une majorité des deux tiers. Cette situation, faite de contradictions, confirme le caractère provisoire du gouvernement, qui pourrait être élargi dans l'avenir.

L'affaire de Louvain

La querelle linguistique a éclaté de nouveau avec la publication, le 15 janvier, du plan d'expansion de la section française de l'université catholique de Louvain (ville flamande). Il prévoit le maintien d'un enseignement français au sein de cette université. Créée en 1425, elle relève de l'autorité de l'Église, mais bénéficie toutefois de subventions officielles.

Cette décision de l'Éducation nationale rompt l'équilibre né d'une équivoque. Les étudiants flamands — ils sont 11 200 sur 21 500 inscrits — pensaient que les Wallons, ne souhaitant pas prolonger cette promiscuité, se transporteraient dans des instituts de Wallonie ou de Bruxelles. Ils ressentent cette décision comme une provocation.

Le 17 janvier, des heurts violents se produisent entre les étudiants des deux bords dans les salles de cours. Des manifestations s'organisent aussi en ville. Un millier de gendarmes interviennent. Bilan de cette journée : un gendarme blessé, 150 arrestations, 100 000 F belges de dégâts à l'université. Le conseil académique de la section flamande décide alors la suppression des cours pendant une semaine pour rétablir le calme. De son côté, l'épiscopat maintient sa position en faveur de la permanence de la section française au sein de l'Université.

Le gouvernement, qui assure énergiquement le maintien de l'ordre, n'est pas, en fait, concerné par cette affaire, mais les extrémistes de tous bords vont politiser l'incident. Les partisans du fédéralisme profitent de l'occasion pour réaffirmer leurs thèses et débordent les défenseurs de l'État unitaire. Le 25 janvier, de violents incidents se reproduisent à Louvain ; 647 arrestations sont opérées. À Bruxelles, la situation nécessite la mise en place d'un service d'ordre. Les abords du palais royal sont gardés.

Les milieux politiques s'agitent. Le principal parti de la majorité : le PSC (sociaux-chrétiens) est profondément divisé par ses deux tendances flamande et wallonne. Les libéraux du PLP (Parti pour la liberté et le progrès) se déclarent contre l'éclatement de Louvain. La crise gagne le gouvernement. Le Premier ministre préconise le maintien de la section française à Louvain, tandis que les ministres du PSC flamands exigent le « déménagement ». Ils estiment que c'est la seule façon de ramener le calme et, du même coup, de régler le problème de l'extension de l'Université.

Le différend s'élargit et englobe bientôt le statut de Bruxelles et la révision des lois linguistiques. Début février, la situation est tendue à l'extrême. L'affaire de Louvain est dépassée. Il s'agit de sauver l'unité du pays. L'aile flamande du PSC somme le gouvernement de Vanden Boeynants de se prononcer sur le principe de l'extension de l'enseignement universitaire et sur les dispositions linguistiques.

À l'issue du conseil des ministres, le 7 février, Vanden Boeynants annonce à la Chambre que les 8 ministres sociaux-chrétiens flamands de son cabinet, composé de 23 ministres, démissionnent, et il se rend chez le roi pour présenter la démission de son gouvernement. La Belgique s'installe dans une crise qui va durer plus de 4 mois.

La forte compression des bénéfices des entreprises de 1966, provoquée par la stagnation de la production et par la très vive hausse des salaires, se pose encore en 1967, mais les perspectives semblent meilleures pour 1968.

Au cours de l'année écoulée, le taux d'accroissement du produit national brut n'a pas dépassé 2,25 %, contre 2,70 % en 1966. Les mesures de relance économique adoptées par le gouvernement n'ont pas amélioré sensiblement la situation, et le ralentissement de la consommation privée amorcé en 1966 s'est encore accentué. Subissant le contrecoup de ce fléchissement général, l'indice de la production industrielle n'a guère marqué de progression. Toutefois, grâce à une politique fiscale favorable aux investissements et à l'assouplissement des mesures monétaires, de nombreuses industries se modernisent.

Le laboratoire du Marché commun

La balance commerciale, nettement déficitaire en 1966, s'améliore considérablement, grâce au développement des exportations vers la France. La balance globale des paiements et les réserves officielles en très bonne situation donnent maintenant à la Belgique la marge de manœuvre qui doit lui permettre une politique expansionniste.