Chez les giscardiens, quelques grincements, parfois de légers grognements de la base parlementaire contre l'autorité du président du mouvement. Les clubs Perspectives et Réalités se multiplient. La cohésion du parti sera sans failles. C'est bien nécessaire, ainsi que la reprise en main de l'UD Ve, puisque au Palais-Bourbon, par le jeu des élections partielles et des départs, la coalition gaullistes-giscardiens a perdu la majorité absolue et ne compte plus que 242 députés (au lieu de 244). Il n'y a pas de menace immédiate, quelques non-inscrits et le cas échéant une partie des centristes faisant l'appoint, mais ce n'est pas sain.

Entre deux pôles

Le centre est tiraillé entre deux pôles, entre deux leaders : son porte-drapeau de 1965 dans l'élection présidentielle, Jean Lecanuet, président du Centre démocrate, et son chef d'état-major parlementaire, Jacques Duhamel, président du groupe Progrès et Démocratie moderne (PDM) à l'Assemblée. La création d'un Comité d'entente, en juillet 1967, a maintenu un lien fragile. Des assises du Centre démocrate à Nice en novembre accentuent la séparation. L'élection de Jean Lecanuet comme maire de Rouen, au printemps 1968, puis la nécessité de faire front commun dans les élections de juin détendront le climat, jusqu'à un spectaculaire baiser de paix, fin juin, entre les deux chefs d'une armée décimée.

Mais c'est surtout dans la gauche que l'évolution amorcée par la naissance de la Fédération et son accord avec le parti communiste, au moment de l'élection présidentielle de 1965, ont engagé un processus nouveau et intéressant. Deux problèmes dominent tous les débats intérieurs des familles fédérées : le rythme et les modalités de leur propre entente jusqu'à la fusion ; la forme et les conditions de leur alliance avec les communistes.

Le Congrès socialiste de Suresnes, au début de juillet 1967, voit s'affronter une fois de plus la thèse defferriste de la « grande Fédération » alliant la gauche non communiste aux « républicains de progrès » du centre, voire du centre droit, et les défenseurs de la Fédération mitterrandiste, ainsi que celle de l'autonomie des familles fédérées, groupées derrière Guy Mollet. Une fois de plus, aussi, ce dernier l'emporte, mais la Convention des Clubs le presse d'aller plus vite et plus hardiment vers la fusion, plus avant dans l'alliance avec le PC.

Les élections cantonales de l'automne n'apportent guère d'éléments nouveaux : elles voient, comme les législatives du printemps, le double succès de la gauche et du gaullisme, aux dépens du centre et des modérés non gaullistes. Les accords entre la Fédération et le PC ne débordent guère le cadre local et font peu de difficultés, les communistes ayant de faibles positions dans les conseils généraux. Toutefois, dans les nouveaux départements de la région parisienne, chacun trouvera sa place : communistes et fédérés, gaullistes et centristes se répartiront, en deux camps, les présidences et les responsabilités.

C'est le 15 novembre qu'au terme de longs pourparlers l'accord est enfin conclu au sein de la Fédération pour la mise en place de nouvelles structures et l'ouverture de négociations programmatiques avec les communistes. Le principe de la parité de la représentation des trois familles dans les organismes directeurs de la FGDS est abandonné au profit d'un système pondéré qui tient compte de l'importance réelle de chaque groupe. La création d'assemblées départementales de la Fédération, toutes tendances confondues, est admise comme un pas vers la fusion, réclamée et redoutée en même temps par les uns et par les autres. Tour à tour, les Congrès du parti radical à Toulouse en décembre, de la SFIO à Suresnes en janvier et la Convention des Clubs à Meulan en février ratifient ces arrangements et donnent lieu aux premières démonstrations de caractère vraiment fédéral.

L'accord Fédération-PC

Avec les communistes, l'entente est plus difficile. Un groupe de travail a été mis en place dès juillet 1967 ; il piétine. Dans l'affaire d'Israël, au sujet du Québec même, l'Humanité a polémiqué avec le Populaire. Quand l'idée d'exiger la convocation d'une session extraordinaire du Parlement est lancée en janvier, la Fédération propose pour thème la politique européenne et singulièrement la demande d'adhésion anglaise au Marché commun, et le PC ne veut entendre parler que de la ratification – c'est-à-dire, pour lui, de l'abrogation – des ordonnances sur la Sécurité sociale.