La réforme a d'abord été introduite dans les facultés et dans quelques grandes écoles, puis dans les classes préparatoires aux concours d'entrée de ces écoles. Elle a touché ensuite les classes secondaires. Enfin, le Syndicat national des instituteurs a mis la question à l'ordre du jour de son congrès de 1967.

Il s'agit d'une révolution intellectuelle et pédagogique, qui ne va pas sans susciter des controverses, et même souvent un certain désarroi dans l'esprit des élèves, des parents et des enseignants.

L'expression « mathématiques modernes » ne signifie évidemment pas que les mathématiques classiques aient perdu toute valeur. Le théorème de Pythagore n'est pas moins vrai aujourd'hui qu'hier !

Le même processus

Mais l'évolution de la pensée mathématique a conduit à un nouvel arrangement des connaissances acquises, plus général et plus cohérent, logiquement construit à partir d'axiomes bien choisis. Il se trouve que les principes qui ont présidé à cette reconstruction des mathématiques rejoignent ceux des méthodes actives de la pédagogie moderne. Il y a là davantage qu'une coïncidence.

Ainsi que l'écrit Gilbert Walusinski, secrétaire général de l'Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public : « L'action du mathématicien se déroule selon un cycle : observer, abstraire, déduire, appliquer, observer... Ce mécanisme de la pensée peut être plus complexe dans le cerveau du savant que dans celui de l'enfant, mais le processus est le même dans les deux têtes. »

Les difficultés

À quoi faut-il attribuer les difficultés auxquelles se heurte la réforme de l'enseignement des mathématiques ?

Il semble qu'elles tiennent à deux causes principales. La première est que la réforme a été introduite au sommet, elle a d'abord touché des élèves formés à l'enseignement traditionnel. Il eût été préférable de faire le contraire, en commençant par l'école maternelle.

La deuxième source de difficultés provient du manque d'enseignants capables de comprendre et d'appliquer la réforme. À mesure que celle-ci descendait à des niveaux plus élémentaires, on a vu se poser de façon toujours plus aiguë la nécessité de ce qu'on a appelé un recyclage des professeurs de mathématiques. Le terme n'est sans doute pas des plus heureux, car il évoque une sorte de cure de rajeunissement qui serait accomplie une fois pour toutes, alors qu'une réforme véritable de l'enseignement des mathématiques appelle une formation continue des maîtres.

Les IREM

C'est du moins la position prise par Lichnerowicz, professeur au Collège de France, qui préside, depuis le 1er janvier 1967, une commission ministérielle chargée de l'étude de la réforme. Cette commission, qui comprend des inspecteurs généraux et des professeurs de l'enseignement secondaire ou supérieur, propose de créer, dans chaque faculté des sciences, un Institut de recherche sur l'enseignement mathématique (IREM). Cet organisme assurerait la formation continue des maîtres à tous les niveaux, et dirigerait des essais dans des classes expérimentales.

Pourquoi ces classes expérimentales ? Parce que la réforme ne consiste pas en une simple refonte des programmes. Il faudra que ces programmes soient adaptés aux possibilités pédagogiques : les classes expérimentales permettront non pas tant de retrancher ou d'ajouter, que de « formuler, à partir de classes réellement vécues, des instructions utiles pour tous les maîtres ».

Éviter les faux pas

C'est justement parce que la réforme est urgente qu'il convient de prendre son temps avant d'en généraliser l'application, de manière à éviter les faux pas au départ.

Pour que les enseignants puissent se perfectionner, chercher des méthodes nouvelles, il faudrait alléger leurs horaires (déjà lourds) et diminuer les effectifs de leurs classes (déjà pléthoriques). Cela exige des crédits. L'absence de crédits est, semble-t-il, l'obstacle auquel se heurte actuellement la création des premiers IREM (à Paris, Lyon et Strasbourg).

L'exemple des IREM pourrait d'ailleurs être valable dans d'autres disciplines. Les IREM s'intégreraient alors dans de plus vastes Instituts de recherche sur l'enseignement (IRE). L'évolution rapide des connaissances, le progrès des méthodes pédagogiques appellent une adaptation constante des enseignants, sous peine de dépassement.

Philosophie

Le structuralisme

Bénéficiant d'une mode intellectuelle comparable à celle qui fit jadis la fortune du bergsonisme, le terme de structuralisme s'est répandu, en peu de mois, dans un large public.