En 1966, fait sans précédent, il y eut quatre lauréats :
– L'Américain Paul Cohen, qui a tranché un problème célèbre concernant l'hypothèse sur la puissance du continu ;
– L'Américain Stephen Smale, qui a résolu un problème de topologie différentielle formulé par Henri Poincaré, et qui donne, par exemple, une méthode pour retourner une sphère creuse, comme un gant, sans déchirure ni pli ;
– Le Britannique d'origine libanaise M. Atiyah, créateur de plusieurs théories nouvelles ;
– Le professeur Alexandre Grothendieck, d'ascendance russe, qui travaille à l'Institut des hautes études scientifiques de Bures-sur-Yvette et qui a créé une théorie des schémas rénovant la géométrie algébrique.

L'impression générale qui s'est dégagée du congrès de Moscou est celle d'une tendance à l'unification de la mathématique, fruit pour une bonne part de l'effort poursuivi depuis trente ans en France par Nicolas Bourbaki. (On sait que ce mathématicien est immortel, puisque son nom est celui d'une équipe qui se renouvelle par cooptation).

Un président français

Le congrès a porté à la présidence de l'Union internationale des mathématiciens un Français, le professeur H. Cartan, assisté du Soviétique Lavrentiev et de l'Américain Montgomery. Le professeur Cartan est l'un des fondateurs de Bourbaki — tout comme le professeur J. Dieudonné, qui recevra à Nice les participants au prochain congrès.

Chimie

La synthèse des protéines

Aux laboratoires de recherche de Saint-Louis, dans le Missouri, des protéines ont été directement synthétisées à partir d'acide cyanhydrique.

Les protéines constituent, avec les acides nucléiques, les éléments essentiels de la matière vivante. Ce sont des molécules très lourdes formées par des chaînes d'acides aminés. Les théories les plus généralement répandues quant à l'origine de la vie sur la Terre admettent que les acides aminés se sont formés en premier lieu au sein de l'Océan primitif ; les molécules d'acides aminés se seraient ensuite polymérisées en protéines.

« Briques élémentaires »

Le chimiste américain Matthews et ses collaborateurs ont proposé un schéma différent. Des protéines non vivantes se seraient constituées directement à partir d'acide cyanhydrique, composé abondant dans l'atmosphère terrestre primitive.

Au contact de l'eau, elles se seraient ensuite dissociées en acides aminés, dont la recombinaison aurait donné la première matière biologique : à partir de ces briques élémentaires que sont les acides aminés, les organismes vivants auraient construit leurs protéines spécifiques.

L'adénine

C'est pour vérifier sa théorie que Matthews a entrepris une importante série d'expériences qui ont été couronnées de succès.

Sa méthode a consisté à reconstituer en laboratoire l'atmosphère terrestre primitive et à la soumettre à des agents physiques divers, dont la décharge électrique. Il a recueilli des mélanges de protéines et de divers acides aminés, parmi lesquels l'adénine (qui est aussi un constituant des acides nucléiques).

La firme japonaise Ajinomoto s'apprête à produire chaque mois une tonne d'adénine. Elle a pris des brevets dans plusieurs pays, dont la France. L'adénine est utilisée dans le traitement des leucémies.

Dans une phase ultérieure, on envisage la synthèse industrielle de protéines alimentaires.

La possibilité de fabriquer des aliments à partir de substances inorganiques ouvrirait des perspectives étonnantes à la lutte contre la malnutrition. Elle rendrait moins redoutable l'échéance qui obsède les démographes : les 7 milliards d'hommes de l'an 2000.

Sciences de la vie

Biologie, biochimie

Une découverte fondamentale en génétique : les répresseurs

L'année écoulée a été témoin d'une étape décisive dans le développement de la génétique. Pour la première fois, un répresseur a été isolé et étudié par des moyens biochimiques.

En 1858, le moine morave Gregor Mendel se mettait avec une patience infinie à hybrider des plants de pois dans le jardin de son monastère, et tirait de ses observations les lois fondamentales qui régissent l'hérédité de tous les êtres vivants. Ces lois restent vraies, mais que de progrès réalisés dans la connaissance et le mode d'action de ce que Mendel — faute d'un autre terme — appelait les facteurs déterminant les différents caractères héréditaires et que nous appelons les gènes (il existe, par exemple, un gène commandant la couleur des yeux, un autre pour la couleur des cheveux, etc.).