Une autre direction de recherche, l'immunologie, s'ouvre sur les réactions concernant l'organisme tout entier. Ce domaine semblait propice aux plus grandes espérances lorsque les premières expériences de greffe de tumeur firent croire à l'existence de phénomènes d'immunisation apparemment susceptibles de merveilleux développements thérapeutiques.

Une expérimentation plus précise montra que les échecs de transplantation tenaient seulement à des incompatibilités entre animaux donneurs et receveurs, ce problème étant du même ordre que ceux qui se posent lors des greffes d'organes, dont on sait toute la complexité.

En biologie, il est possible d'obtenir des souches d'animaux d'expérience pourvus du même patrimoine génétique (souches pures). Entre animaux appartenant à ces souches, les transplantations de tumeurs sont pratiquement toujours possibles.

Après un retour en arrière découragé, les travaux sur l'immunologie du cancer se sont cependant poursuivis, et il est apparu qu'en fait tout développement tumoral s'accompagne d'un certain degré de résistance spécifique et que cette résistance est bien de nature immunologique. C'est ce qui a été montré, en particulier, par M. Georges Klein (Suède).

La limite d'efficacité

La cancérisation de certaines cellules dans notre organisme est sûrement une éventualité très fréquente. Mais le cancer lui-même n'apparaît, ne se développe, que dans une proportion limitée de cas. Il est probable que ce développement correspond au fléchissement des défenses immunologiques que l'organisme oppose spontanément à toute tentative d'invasion par ces éléments étrangers que sont les cellules malignes.

La période de latence est celle de la vigilance à la limite de l'efficacité ; la période d'invasion correspond à la rupture de l'équilibre entre l'hôte et la tumeur.

Telle ou telle circonstance dont le rôle apparaît favorisant, et non déterminant, peut enfoncer la barrière naturelle et ouvrir la voie à la prolifération cellulaire. Au cours même de l'évolution de l'affection maligne, la protection immunologique intervient encore. Des rémissions s'observent dans le déroulement des leucémies : elles apparaissent comme des états d'équilibre instable, mais provisoirement retrouvé, entre aptitude à la prolifération maligne et défense de l'organisme. Il existe aussi de rares, mais incontestables observations de cancers parvenus à un stade avancé et qui ont spontanément guéri.

Seulement au début

Tout se passe comme si l'organisme réussissait, en ces cas, à développer une défense suffisante pour enrayer le cancer en fabriquant des substances efficacement antagonistes des cellules malignes, acquérant une immunité à leur égard, comme il est capable de l'acquérir contre certains microbes ou virus.

On conçoit que cette capacité de défense contre l'invasion tumorale puisse indiquer une voie thérapeutique. Il faudrait renforcer la réponse immunologique de l'hôte pour qu'il se trouve en mesure de stopper la tumeur à son stade tout initial. Ce processus de victoire totale sur la maladie ne paraît en effet promis à quelque efficacité que si le cancer en est à son début (sauf les cas exceptionnels mentionnés plus haut) ; les réponses immunologiques sont facilement débordées par les grosses masses cellulaires.

D'où l'intérêt des interventions locales d'extirpation, même lorsque le cancer correspond à un processus général. En prévenant les risques de diffusion massive, on permet à l'organisme de recouvrer ses aptitudes à la défense contre une agression limitée.

Les processus immunologiques sont donc susceptibles de fournir un renfort thérapeutique en consolidant sur le plan général l'effet des méthodes dirigées contre la tumeur elle-même.

Cancer et hormones

La confluence de multiples disciplines au bénéfice de la recherche cancérologique est encore attestée par l'importance des études consacrées aux relations entre cancer et glandes endocrines. Huggins, qui a partagé avec Rous le prix Nobel de médecine 1966, a particulièrement étudié les cancérisations induites par des agents chimiques, et il a démontré que les tumeurs ainsi provoquées évoluaient sous la dépendance de certains facteurs hormonaux. Ces découvertes ont une conséquence thérapeutique directe : la nécessité actuellement admise d'associer au traitement local du cancer du sein, par exemple, des interventions sur certaines glandes endocrines en vue de modifier les conditions métaboliques générales de l'environnement.

Géographie du cancer

La répartition géographique des différentes variétés de cancers pose le problème des conditions d'apparition de la maladie sous le double aspect des données génétiques et des circonstances réalisées par l'alimentation, le mode de vie ou tout autre facteur spécifiquement local.