Il faut mentionner une intéressante tentative des Anglais K. Brownlow et A. Mollo, qui ont fait de l'anticipation à rebours dans En Angleterre occupée, en imaginant ce que serait devenu leur pays envahi par les nazis.

Italie

Une très importante partie de la production italienne est partagée entre les films d'espionnage et les westerns à l'européenne, œuvres généralement financées par coproduction (Espagne, Allemagne, parfois France) et tournées avec l'aide d'acteurs encore peu connus.

L'espionnite est depuis plusieurs années la maladie majeure du cinéma. Elle commence, certes, à lasser les spectateurs, mais elle est encore très virulente chez certains producteurs, qui pensent pouvoir tirer encore quelques pépites de cette mine d'or. Mais n'est pas James Bond qui veut, et il faut bien avouer que la plupart de ces œuvrettes mises en scène par des réalisateurs de second ordre n'offrent que peu d'intérêt, sinon celui de nous entraîner parfois dans un pays plus ou moins exotique.

Le titre même de ces productions est à lui seul tout un programme : Agent Z7, X 1 Top secret, Istanbul carrefour de la drogue, Super 7 appelle le Sphinx, Fureur sur le Bosphore, L'agent secret se déchaîne, AO 3 Opération requin blanc, Objectif Hambourg Mission 003.

Un raz de marée

Quant aux westerns, leur soudaine popularité a fait l'effet d'un véritable raz de marée. Pour faire plus authentique, les auteurs comme les acteurs américanisent leur nom, et il est parfois surprenant de découvrir sous un pseudonyme à la résonance très yankee un metteur en scène de renom... comme Carlo Lizzani, par exemple. Le triomphe de Pour une poignée de dollars, qui avait certes des qualités (violence et cynisme des personnages, bonne reconstitution des décors et utilisation intelligente des paysages), a conduit les Italiens à donner des suites aux aventures périlleuses de leurs nouveaux héros.

La recette s'est assez rapidement édulcorée : le mot dollar a néanmoins (si l'on peut dire !) fait fortune : voici le Dollar troué, Trois dollars de plomb, Et pour quelques dollars de plus, 100 000 dollars pour Ringo, etc. On le voit : les titres, comme les films, d'ailleurs, sont plus ou moins interchangeables.

Quant au peplum, le genre qui jusqu'à présent était une spécialité italienne incontestée, il tend quelque peu à diminuer : où sont les Hercule, Thésée, Maciste et Ursus d'antan ? Ces superproductions — du moins dans leur apparence extérieure (en fait tournées et retournées dans des décors souvent identiques) — étaient parfois poétiques en raison de leurs naïvetés et de leurs anachronismes.

En France, nous n'avons guère vu que Maciste et les filles de la vallée, ce qui, avouons-le, est plutôt maigre.

Les expatriés

La comédie de mœurs, pantalonnades ou vaudevilles, satire grinçante ou simple bouffonnerie, ne franchit pas toujours non plus les limites de l'Italie, et si Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi sont connus chez nous, on ne voit pourtant d'eux que le tiers environ des films qu'ils tournent régulièrement. La descendance de Divorce à l'italienne et de Séduite et abandonnée est cependant assurée par Pietro Germi dans Ces messieurs-dames (grand prix de Cannes, très abusif, en 1966) et Beaucoup trop pour un seul homme.

Parmi les grands cinéastes italiens, beaucoup se sont momentanément expatriés. Michelangelo Antonioni a tourné Blow-up, mais à Londres ; Vittorio De Sica, qui a pris d'ailleurs la nationalité française, a réalisé Un monde nouveau à Paris avant d'entreprendre Sept Fois femme. Luchino Visconti poursuit à Alger les prises de vues de l'Étranger, d'après Albert Camus, avec Marcello Mastroianni dans le rôle principal. Roberto Rossellini a fait une rentrée remarquée en tournant pour la Télévision française une œuvre étonnante : la Prise du pouvoir par Louis XIV.

Alberto Lattuada, dans la Mandragore, a adapté assez librement la comédie de Machiavel et V. Zurlini, dans Des filles pour l'armée, le roman d'Ugo Pirro ; Elio Pietri, après la Dixième victime, où l'on voyait Ursula Andress et M. Mastroianni respectivement chasseur et gibier dans une inquiétante tragi-comédie à peine futuriste, s'est attaqué dans À chacun son dû à un problème ambitieux (la corruption des milieux politiques locaux en Sicile). Vittorio De Seta a dérouté ceux qui avaient été séduits par son premier film, Bandits à Orgosolo, en réalisant une œuvre beaucoup plus concertée : Un homme à moitié, où Jacques Perrin fait une création remarquable.