De jeunes cinéastes font parler d'eux, mais ils ont du mal à trouver en France un circuit de distribution (Bertolucci, Mingozzi, etc.). Seul, le film de Marco Bellochio, les Poings dans les poches, a été présenté en France.

URSS

Peu de films russes sont sortis cette année sur les écrans français. Au Kinopanorama de Paris, Serghei Bondartchouk tient l'affiche depuis longtemps avec une fresque monumentale : Guerre et paix, d'après Tolstoï, dont les deux premiers volets furent montrés en 1966 et le troisième, Borodino, en 1967. L'œuvre doit comporter au total quatre parties.

Grigori Tchoukrai a montré, dans Il était une fois un vieux et une vieille, de réelles qualités de simplicité et de tendresse. C'est avec une certaine impatience qu'on attend la programmation du dernier film de Mark Donskoi, le Cœur d'une mère, fugitivement présenté lors de la Semaine du cinéma russe au cinéma Ranelagh, à Paris. En fait, l'œuvre la plus séduisante est celle d'un jeune metteur en scène primé à Venise (et au Festival du jeune cinéma à Hyères), le Premier maître, d'Andréi Mikhalkov-Konchalovski.

Plusieurs reprises, dont celles d'Octobre et de la Grève, d'Eisenstein, ont montré s'il en était besoin qu'il était nécessaire de reprendre en circuit commercial les chefs-d'œuvre anciens, et que l'opération n'était pas automatiquement un échec financier.

Europe centrale

L'une des caractéristiques les plus notables de ces dernières années a été l'épanouissement du cinéma dans toutes les républiques d'Europe centrale. Depuis cinq ou six ans, on trouve à chaque palmarès de festival un ou deux films polonais, tchèque ou hongrois.

Ces productions n'avaient jusqu'alors que peu de chances de franchir le cap des distributeurs français, qui n'osaient prendre des risques sur des œuvres réputées peu commerciales. La diffusion des cinémas d'Art et essai et le courage de certains exploitants ont néanmoins permis à plusieurs films d'être récemment présentés en France.

En 1966, le succès du film tchèque les Amours d'une blonde (de Miloš Forman) a montré que parfois les risques étaient récompensés.

Si la Pologne semble marquer le pas, malgré le très curieux film de W. Has, Le manuscrit trouvé à Saragosse, malgré les deux grandes fresques de J. Kawalerowicz, Pharaon, et de A. Wadja, Cendres, malgré les promesses de J. Skolimowski (Walkover, la Barrière, le Départ), la Tchécoslovaquie et la Hongrie nous ont apporté des surprises de taille.

Nous avons pu voir, venant de Tchécoslovaquie, Du courage pour chaque jour d'Evald Schorm, la Solution finale de Zbynek Brynych, et surtout l'éblouissant Éclairage intime d'Ivan Passer.

Les Hongrois, avec les Sans-Espoir (de Miklos Jancso), nous ont peut-être présenté le film le plus passionnant de l'année : Jancso, dont le film précédent, Mon chemin, a été projeté à Paris lors de la Semaine hongroise, a pris place parmi les cinéastes européens dont on peut attendre beaucoup.

Vingt heures de Zoltan Fabri, vainqueur il y a quelques années du Grand Prix de Moscou et remarqué ultérieurement au Festival de Venise, a été présenté à Paris avec un long retard. Film-enquête, touffu et passionné, sur l'évolution d'une communauté villageoise durant ces vingt dernières années, il est malheureusement passé totalement inaperçu à Paris.

Proche de Fabri par le thème, plus proche de Jancso par le style, Dix Mille Soleils, de Ferenc Kosa, qui défendait les couleurs hongroises à Cannes et remporta le prix de la mise en scène, est également à citer parmi les surprises de l'année, comme les œuvres d'Istvan Gall (les Vertes Années), d'Istvan Szabo (l'Âge des illusions), d'Andras Kovacs (Jours glacés).

Quant à la Yougoslavie, son cinéma était jusqu'alors représenté en France par des films de guerre de facture assez académique. L'homme n'est pas un oiseau, de D. Makavejev, et surtout J'ai même rencontré des tziganes heureux, de A. Petrović, laissent présager que le cinéma yougoslave est désormais mûr pour produire des films dont l'audience ne soit pas strictement nationale.

Suède

Après le succès d'estime qui avait accueilli les Amoureux, Mai Zetterling a récidivé dans Jeux de nuit. Au Festival de Venise, le film avait fait scandale, mais à Paris la critique s'est montrée très réservée. Vilgot Sjöman, dans Ma sœur mon amour, traite du problème de l'inceste dans un film d'une beauté glacée qui n'est pas sans rappeler Bergman. Ce dernier a fait sa rentrée — après une absence de deux ans — sur les écrans parisiens avec Persona, où l'on retrouve toutes les qualités qui avaient fait le succès du Septième Sceau et du Silence. Le dépouillement, cette fois, est extrême. Il semble difficile d'aller plus loin.

Danemark

Une très belle adaptation du roman de Knut Hamsun la Faim a attiré l'attention sur un metteur en scène inconnu en France : Henning Carlsen, et surtout sur un acteur : Per Oscarsson, qui a réussi une composition hallucinante.

Allemagne

Le cinéma allemand va-t-il sortir de sa torpeur ? L'espoir d'un renouveau semble se préciser avec les œuvres de plusieurs jeunes cinéastes ambitieux : V. Schlœndorff (qui, après les Désarrois de l'élève Tœrless, a tourné Vivre à tout prix), J.-M. Strauss (Non réconciliés), les frères Shamoni, Alexander Kluge (Anita G.). Mais l'essentiel de la production est partagé entre les films d'espionnage et les westerns (la série des Winnetou, dont le succès est considérable).

Japon

Année creuse pour le cinéma japonais en France. Absent du Festival de Cannes, représenté à Venise par une œuvre de Teshigahara qui ne valait pas sa Femme du sable, le Japon n'a guère fait parler de lui. Rien n'a transpiré des derniers films de Satsuo Yamamoto, Shohei Imamura, Tomu Uchida, Susumu Hani, Mikio Naruse, Kaneto Shindo, qui semblent être actuellement à Tokyo parmi les metteurs en scène les plus réputés.

Brésil

Le cinéma brésilien bouge. Le « cinéma novo » marque des points : l'activité est grande si l'on en juge par les échos qui nous viennent de Rio de Janeiro ou de São Paulo. Le Défi, de P.C. Saraceni, a été présenté à Paris, ainsi que Os Fuzis, de Ruy Guerra, mais c'est Glauber Rocha (le Dieu noir et le diable blond, Terre en transes) qui semble être, avec Nelson Pereira dos Santos (Vidas secas), la personnalité la plus intéressante parmi les nouveaux cinéastes brésiliens.

Le cinéma d'art et essai

En 1957, 412 millions de billets de cinéma étaient vendus en France. En 1966, 240. Amère constatation : le cinéma français a perdu en neuf ans 170 millions de spectateurs. Une analyse plus minutieuse montre qu'au-delà de la baisse indéniable de la fréquentation il y a depuis quelques années une transformation profonde de la mentalité des spectateurs.