Accident, le dernier film de Joseph Losey (dont Modesty Blaise avait déçu), décrit les antagonismes secrets de cinq ou six personnages, un moment réunis et que la mort de l'un d'entre eux dispersera à nouveau. Analyste lucide d'un état de crise, Losey a signé une nouvelle œuvre brillante, aidé par deux de ses acteurs favoris : Stanley Baker et Dirk Bogarde.

Karel Reisz, dans Morgan, conte la vie mouvementée d'un farfelu qui se prend pour King-Kong. Sous un aspect de comédie, cette œuvre cache certaines préoccupations sociales et même philosophiques. Un autre film de Reisz, la Force des ténèbres, « remake » d'un ancien succès, n'a en revanche rencontré aucune faveur du public.

Peter Watkins, dans la Bombe, a réalisé un stupéfiant document que l'on n'espère pas prémonitoire. Son dernier film, Privilège, présenté hors compétition au Festival de Cannes, est une inquiétante parabole sur le façonnement et la destruction d'une idole de la chanson yé-yé, mais surtout sur le conditionnement des foules et l'exploitation à des fins religieuses, idéologiques ou seulement mercantiles d'une vedette de l'actualité.

Quant à Charlie Chaplin, sa dernière œuvre a suscité partout où elle a été présentée des commentaires peu amènes. On a eu l'impression qu'une partie de la critique (anglaise et américaine) se servait d'un prétexte tout trouvé pour régler des comptes avec celui qui fut Charlot. À dire vrai, si l'on juge la Comtesse de Hong-Kong d'un œil objectif, il semble que le film ne soit rien d'autre qu'une œuvrette, un peu démodée certes, mais parfois drôle. La déception vient peut-être de ce qu'on en attendait trop.

Vérité introuvable

Michelangelo Antonioni aurait-il pu tourner Blow-up dans une autre capitale que Londres ? Rien n'est moins sûr. Fascinante histoire que celle de ce jeune photographe de mode victime (mais rien n'est moins sûr ?) de son illusion. Blow-up, c'est un terme qui s'applique à la photographie (l'agrandissement), mais cela peut aussi être pris dans le sens plus large d'éclatement, de révélation (et en même temps d'incertitude de la révélation).

Blow-up, c'est « l'histoire de vingt-quatre heures dans la vie d'un jeune photographe londonien. C'est aussi l'histoire de sa recherche d'une vérité qu'il ne trouvera pas ».

L'incapacité de l'homme à distinguer l'illusion du réel, voilà la préoccupation majeure d'Antonioni dans un film dont l'un des nombreux mérites est de ne pas se servir de la couleur comme simple flatterie pour l'œil, mais comme élément décisif, vital de l'action. À propos de ses essais sur la couleur, qu'il avait déjà expérimentée dans le Désert rouge, Antonioni a déclaré : « Je crois que grâce à la couleur on pourrait faire comprendre ce qui se passe dans l'esprit d'un personnage sans qu'un mot soit prononcé. »

François Truffaut, lui, dans Fahrenheit 451, a réussi à mener à bien un de ses anciens projets : la description d'une société (à peine future) où les pompiers brûlent les livres. La nouvelle de Bradbury était-elle un peu trop mince pour permettre au réalisateur de s'exprimer pleinement ? Le film divisa le public, comme la critique.

L'arme favorite

Roman Polanski, après Répulsion, se laisse aller, dans Cul-de-sac, à son arme favorite : l'humour noir. Le film tourne un peu en rond, mais la joie de filmer et d'égratigner est visible dans chaque plan de ce film délicieusement fou et subtilement méchant.

Le nom de John Schlesinger était connu depuis un certain temps de par le monde, mais ce n'est qu'avec plusieurs années de retard qu'on a pu voir en France Billy le menteur (avec Tom Courtenay), encore influencé par le mouvement dit « Free Cinema », et Darling, dont le succès est dû surtout à la présence de Julie Christie, qui en quelques films accéda à la gloire et que devait couronner le Docteur Jivago.

Les metteurs en scène des James Bond ont provisoirement abandonné leurs héros : Guy Hamilton, pourtant, ne s'est pas éloigné du genre (Mes funérailles à Berlin, qui fut néanmoins inférieur à l'intéressant Secret du rapport Quiller de M. Anderson), tandis que Terence Young était appelé à diriger de nombreuses vedettes dans Opération opium, puis dans Triple Cross.