Liu Shao-chi, 70 ans, président de la République depuis 1958. Cible principale des Gardes rouges, accusé d'être l'inspirateur de la ligne bourgeoise anti-maoïste. Ami de jeunesse de Mao Tsé-toung, il fut l'organisateur du mouvement ouvrier durant la Révolution avant la prise du pouvoir.

Peng Chen, 68 ans, destitué de ses fonctions de maire de Pékin dès juin 1966, arrêté cinq mois plus tard par la Garde rouge. Ami de longue date de Liu Shao-chi, militant de la première heure, il fut secrétaire de la Commission permanente du bureau politique, la plus haute instance du parti.

Tao Chu, 61 ans, limogé en décembre 1966, après avoir occupé le poste de responsable de la culture et de la propagande depuis le début de la Révolution culturelle. Accusateur acharné de Liu Shao-chi, la Garde rouge lui reproche d'avoir créé sa propre milice et fomenté des troubles dans le Sud.

Lo Jui-ching, 61 ans, chef d'état-major de l'armée, limogé en décembre 1966, comme complice de Peng Chen. Un désaccord avec Lin Piao sur la réforme de l'armée serait, en réalité, à l'origine de la disgrâce de ce vétéran de la Longue Marche, général depuis 1955, combattant révolutionnaire depuis 1930.

Sédition organisée

Ces diversions ne cachent pas à Mao la précarité de sa victoire. Pour endiguer l'anarchie, il décide de rouvrir les écoles dès février-mars, mais le vrai danger vient d'ailleurs.

À peine deux mois après son retour en force, le premier moment de surprise passé, certaines couches de la population réagissent contre les brutalités des Gardes rouges. Abandonnant la politique des salaires réduits, certains directeurs d'usine augmentent considérablement les rétributions « pour attirer les masses dans la ligne révisionniste », affirment les officiels. À Chang-Hai, que Mao croyait bien tenir, des grèves éclatent. À Nankin, des bagarres sanglantes. À Canton, une rébellion organisée. Derrière cette sédition du Sud, l'ancien gouverneur de la province, Tao Chu, nouveau chef de la propagande depuis août, mais qu'on devra limoger en décembre parce qu'il a, dit-on, retourné sa veste.

Mao riposte : le Comité central dissout, le 27 décembre 1966, la direction des syndicats (autrefois organisés par Liu) et ordonne l'extension de la Révolution culturelle aux usines et aux campagnes. Après les étudiants, c'est l'appel aux masses ouvrières et paysannes contre la bureaucratie et le révisionnisme qui minaient le parti. Ce mode révolutionnaire original n'obtient pas partout le même succès.

De plus, le général Hiver gêne les communications au moment où Mao sent de grands pans de son immense pays lui échapper. Au Tibet, jamais bien pacifié, un général aurait pris la tête de la rébellion. Travaillées par les Soviétiques, les provinces frontières s'agitent : Mandchourie, Mongolie et Sinkiang, repaire des installations atomiques.

Comme un poisson

Alors Mao sort son atout maître : fin janvier, il fait appel à l'armée, cette armée dont il a écrit, autrefois, qu'elle doit « vivre dans le peuple comme un poisson dans l'eau ».

Lin Piao ordonne à tous les militaires de regagner leurs unités avant le 20 février, d'y lutter contre l'anarchie qui menace de s'installer et d'aider, sur le plan local, les 500 millions de paysans auxquels Mao lance un appel pressant pour que ne soient pas retardées les semailles de printemps. Tout en n'oubliant pas la « préparation à la guerre » : « Il faut, dit-il, tenir le fusil d'une main et la houe de l'autre. »

Cela est précisé, le 18 mars, dans une « lettre aux travailleurs » du Comité central du parti, qui prêche le retour à la discipline et au travail, et la soumission au contrôle de l'armée sous le signe de la « Triple alliance » : armée, masses et cadres révolutionnaires. Directives apparues comme nécessaires alors que cette armée elle-même, pilier du régime, subit les contrecoups des divisions du pays.

Dans les provinces, les généraux maoïstes luttent, avec plus ou moins de succès, contre les militaires anti-maoïstes, et, à la tête, il faut continuer l'épuration : dès février, le maréchal Chu Teh, vétéran octogénaire que les affiches des Gardes rouges traitent de « vieil imbécile », est éliminé de la Commission militaire du Comité central, où entre Hsiao Hua, fidèle de Lin Piao. Deux mois plus tard, le maréchal Chen Yi quitte, à son tour, la Commission et, même, dit-on, son poste de ministre des Affaires étrangères, après avoir publiquement reconnu ses erreurs.