Amérique

Déception chez tous les partenaires de l'Organisation des États américains

Les rapports entre les États-Unis et les pays latino-américains n'ont cessé de se détériorer durant toute l'année 1966. À quelques exceptions près, les dirigeants d'Amérique latine se sont inquiétés de voir le chef de la Maison-Blanche renouer avec une politique d'interventions militaires (Saint-Domingue), enliser plus profondément les États-Unis dans le conflit vietnamien et se soucier de moins en moins de la situation économique dramatique des nations sœurs du continent.

L'Alliance pour le progrès, qu'avait lancée John Kennedy pour tenter de sortir l'Amérique latine du sous-développement en dix ans, est un échec. Un échec officiellement reconnu. Washington paraît beaucoup plus empressé de lutter contre la subversion castriste que de favoriser une réforme du contexte économique et social qui alimente et permet la diffusion des thèses castristes.

Le principal projet des États-Unis, à la fin de l'année, n'est-il pas de faire établir par l'Organisation des États américains (OEA) une force armée permanente destinée à détruire dans leur première phase toutes les tentatives de lutte armée sur le continent ?

C'est dans une ambiance tendue que s'ouvre, le 12 avril 1967, à Punta del Este, station balnéaire uruguayenne, une conférence inter-américaine au sommet. Le président Johnson tente pendant trois jours de présenter sous un nouvel aspect sa politique latino-américaine ; à la surprise générale, des sujets comme la guerre du Viêt-nam ou la lutte contre-révolutionnaire sont soigneusement laissés de côté au bénéfice de discussions d'ordre économique.

Mais les États-Unis, en dépit d'un changement de ton, ne veulent faire aucune concession d'ordre commercial, L. Johnson s'était laissé lier les mains par la commission sénatoriale des Affaires étrangères (peu avant Punta del Este, elle refusait l'autorisation d'engager des crédits en faveur de l'Amérique latine). La conférence se termine dans un climat proche de la déception.

La seule mesure adoptée concerne la création d'un Marché commun latino-américain à partir de 1970, qui regrouperait les deux communautés économiques existantes à l'heure actuelle : le Marché commun de l'Amérique centrale et la zone de libre-échange d'Amérique latine. Les rapports de ce nouvel ensemble avec les États-Unis — y auraient-ils accès ? Quelle serait exactement leur influence sur ces mécanismes ? — ne sont pas abordés ouvertement.

Pour protester contre ces lacunes, qui laissent dans l'ombre les « principales nécessités d'un pays dans une étape de développement », le président de l'Équateur, Otto Arosemena, refuse de signer la déclaration finale.

S'il n'est pas question du problème cubain à Punta del Este, il devait l'être quelques jours après la clôture de la conférence, quand des maquis commencent à faire leur apparition en Bolivie. Dans un très long discours, le 13 mars 1967, Fidel Castro avait, en effet, pris position une nouvelle fois en faveur de la lutte armée sur le continent.

Quelques semaines plus tard, après l'arrestation sur le sol vénézuélien d'instructeurs révolutionnaires cubains, le parti communiste de La Havane va encore plus loin et proclame sa « solidarité » avec les guérilleros latino-américains, donnant ainsi des arguments aux défenseurs de la création d'une force armée inter-américaine permanente — essentiellement l'Argentine et le Brésil — avec l'appui des États-Unis.

Saisissant la balle au bond, le Conseil de l'OEA confie, le 5 juin, aux ministres des Affaires étrangères de l'Organisation l'examen de l'« intervention cubaine dans les affaires intérieures des États américains ».

Au mois d'avril, d'autre part, les autorités de La Havane avaient donné une grande publicité à un message de Che Guevara adressé à l'Organisation de solidarité des peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud (issue de la Tri-continentale de 1966) et incitant à la création d'un ou plusieurs Viêt-nam en Amérique latine.