vérité

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin veritas, de verus, « vrai ». En grec, alétheia, de aléthès, « non caché », d'où « vrai ». En allemand, Wahrheit.

Philosophie Générale

Selon la conception classique, qu'adopte également le sens commun, conformité du discours à son objet. Une propriété et une efficacité essentielles du logos (la vérité ou la fausseté) lui viennent alors d'un ordre autre que lui-même.

La vérité archaïque

Avant de s'identifier à un bien commun, dans une rationalité universelle et objective, la notion grecque de vérité naît des pratiques et des représentations magico-religieuses des temps archaïques, qui s'expriment encore chez Homère et Hésiode. La vérité, ou véridiction, y est conçue comme une puissance détenue par des personnages singuliers. Le réel (« ce qui est, ce qui sera, ce qui fut »(1)) n'est pas en libre accès : il est transmis par les muses et manifesté par la mémoire d'un homme, le poète. Dire le vrai, tirer de l'oubli, assurer le souvenir constituent un seul et même acte, réservé à quelques initiés. Autres puissances incarnées par la vérité, la capacité de dire des oracles et de rendre la justice : produire la vérité, c'est voir l'invisible et trancher en son nom, à l'instar du devin aveugle Tirésias. Est réel ce qui est conforme à ou prescrit par cette parole vraie, rare, personnelle et sacrée(2).

La vérité objective

La parole magico-religieuse ne s'autorise donc que d'elle-même, puisqu'elle produit son propre accès au réel. Or, il n'y a pas que du vrai et du faux : faute de critère extérieur, le vrai peut côtoyer le vraisemblable. L'objectivité de la vérité passe nécessairement par sa publicité au sein d'une société d'égaux à la parole égale en droit. Afin de dépasser le relativisme sophistique d'un Protagoras, pour qui « l'homme est la mesure de toutes choses »(3) la commune mesure de la vérité ne sera tirée ni de certains hommes ni d'un imprévisible consensus, mais de l'arbitrage d'un tiers, le réel, l'objectivité. Le réel étant supposé accessible à tous, la vérité est une propriété du discours : « Le discours vrai dit les choses comme elles sont, le faux, comme elle ne sont pas.(4) » La vérité du discours naît d'une adéquation du discours et de la réalité, quelle que soit la personne qui parle. Nous tenons là ce qui deviendra la norme courante de la vérité scientifique. La première difficulté posée par cette définition est la constance de l'objet du discours. Pour Platon, notre âme est certes « née pour désirer le vrai »(5), mais comment l'obtenir si l'index du vrai, le réel tel que nous le percevons, n'est pas en adéquation avec lui-même, mais s'il est changeant et instable ? La problématique épistémologique (qu'est-ce qu'un discours vrai ?) devient problématique ontologique (quelle réalité rend possibles des discours vrais ?) et entraîne une condamnation du sensible, de l'impermanent, au profit des Idées distinctes et éternelles(6). Elles seules sont à même de rendre des discours vrais : le sensible ne tient sa part de vérité que de l'intelligible. Mais, pour une vérité absolue, l'âme doit se tourner vers ces réalités absolues.

Héritière du platonisme, l'approche aristotélicienne est dominée par des considérations logiques et linguistiques. Le vrai et le faux ne sont pas dans les choses ni ne sont un aspect métaphysique de l'Être, mais résident dans la pensée comme simple « affection ». Si penser, c'est relier entre eux des concepts, alors penser vrai, « c'est penser que ce qui est séparé est séparé, que ce qui est uni est uni »(7). Le discours est susceptible d'être vrai s'il n'est pas que discours (prière, souhait, question, etc.)(8), mais s'il affirme ou nie que quelque chose est dans l'objectivité, dans ce qui n'est pas discours. Un des sens du verbe « être » est donc bien « être vrai », mais dans le langage seulement. Les choses elles-mêmes ne sont ni vraies ni fausses, mais juges de la vérité du discours. De même, un mot simple n'est ni vrai ni faux ; seules des propositions le sont (mais une sensation sera, elle, toujours vraie, car elle est une forme d'identité entre le sensible et la sensibilité, et non pas un jugement ou une évidence issus de l'intellect(9)). La théorie aristotélicienne de la vérité suppose donc un isomorphisme des relations entre mots et des relations entre choses. Qu'en sera-t-il alors des vérités ne supposant pas de relations entre deux termes ? Pour les incomposés et les essences simples, l'opposition n'est plus entre vérité et fausseté, mais entre vérité et ignorance. S'il n'y a pas ignorance, il y a nécessairement saisie conforme au réel, donc vérité(10). On ne peut pas penser sans commencer par penser une chose simple et unique(11). La saisie intellectuelle des simples est au fondement de la vérité des propositions. La source de cette « affection de l'esprit » qu'est la vérité est dans une continuité naturelle entre le réel, notre sensibilité et notre intellect.

Dalibor Frioux

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Hésiode, Théogonie, v. 28.
  • 2 ↑ Sur tout ceci, voir M. Détienne, les Maîtres de vérité dans la Grèce archaïque, Pocket-Agora, 1995.
  • 3 ↑ Voir Platon, Thééthète, 152 a.
  • 4 ↑ Platon, Cratyle, 385 b. Également Sophiste, 263 b et Thééthète, 188 d.
  • 5 ↑ Platon, Philèbe, 58 d.
  • 6 ↑ Platon, Philèbe, 59 c.
  • 7 ↑ Aristote, Métaphysique, Θ, 10 et E, 4 ainsi que De l'interprétation, 1.
  • 8 ↑ Aristote, De l'interprétation, 4.
  • 9 ↑ Aristote, De l'âme, III, 3, 428 a et II, 12.
  • 10 ↑ Aristote, Métaphysique, Θ, 10, 1051 b 18.
  • 11 ↑ Aristote, Métaphysique, Γ, 4, 1006 b 9.

Philosophie Contemporaine, Ontologie

Chez Heidegger, la vérité ne se conçoit qu'en référence au Dasein dans sa relation à l'être.

La vérité est comprise comme vérité de l'être à partir de l'entente grecque de l'aléthéia comme non-voilement. La détermination traditionnelle de la vérité comme adéquation de la chose et de l'intellect demeure dérivée par rapport à l'être-vrai comme être-découvert de l'étant. En tant qu'il se caractérise par son ouverture comme projet jeté déchu dans la préoccupation quotidienne, le Dasein est d'abord dans la non-vérité. Aussi la vérité comme être-découvert doit-elle être arrachée à l'étant : elle est cette ouverture du Dasein à qui appartient la découverte de l'étant intramondain. L'être-vrai n'est donc possible que sur la base de l'être-au-monde. Or, l'ouverture du comportement qui fonde la conformité se fonde lui-même sur la liberté. L'essence de la vérité est ainsi la liberté, qui ne fonde la possibilité de l'adéquation que parce qu'elle reçoit son essence de l'essence la plus originelle de la vérité. La liberté est donc liberté à l'égard de ce qui est manifeste au sein de l'ouvert.

Concevoir l'essence de la liberté à partir de l'essence de la vérité s'avère être une ex-position à l'étant en tant qu'être-dévoilé, la liberté étant abandon ek-sistant au dévoilement de l'étant comme tel. Or, si la vérité est liberté, en laissant être l'étant il est également possible de ne pas le laisser être en ce qu'il est, de sorte qu'il soit travesti. L'apparence surgit comme non-essence de la vérité, vérité et non-vérité s'appartenant mutuellement. Il s'agit de penser la vérité à partir de la non-vérité et non l'inverse : la non-vérité est première et positive, alors que la vérité est privative. Est vrai ce qui est soustrait au voilement de ce qui est d'abord voilé, le dévoilement de la vérité procédant du voilement de la non-vérité. Aussi faut-il distinguer la non-vérité authentique ou le mystère propre à l'essence de la vérité, l'oubli inévitable du mystère, et l'errance de l'existence inauthentique comme conséquence de cet oubli, ouvrant l'espace de l'erreur. Conçue comme mystère la non-vérité ne perturbe pas la vérité, et la dissimulation de l'étant dans son ensemble fonde la manifestation de tel ou tel étant. La présence voilée de l'étant en sa totalité est ainsi une présence rebelle à la représentation et n'est possible que par le voilement de l'être lui-même. La liberté ek-sistante du Dasein est donc à la fois voilante et dévoilante, se référant à la vérité voilée de l'étant en sa totalité et, de manière encore plus originelle, au voilement de la vérité de l'être constituant le mystère proprement dit.

Jean-Marie Vaysse

Notes bibliographiques

  • Heidegger, M., Sein und Zeit (Être et Temps), § 44, Tübingen, 1967.
  • Heidegger, M., Vom Wesen der Wahrheit (De l'essence de la vérité), Frankfort, 1976.

→ ekstase, être, historial, parole, retrait

Philosophie Cognitive

Relation logique entre ce qui est vrai et ce qui rend vrai et / ou réalité métaphysique par laquelle est vrai ce qui l'est.

Toute l'histoire de la philosophie constitue une réflexion sur la notion de vérité, vraisemblablement à partir d'une interrogation sur la différence entre réalité et apparence (Platon). Dans cette histoire, on peut dégager quelques constantes. On s'est interrogé sur ce dont on peut dire que c'est vrai : une phrase, une proposition, une pensée, une croyance, ou une autre entité, linguistique ou mentale ? Également, sur ce qui rend vrai ce qui l'est : la réalité, le fait, la situation, l'état de choses – quelque chose auquel ce qui est vrai correspond (Aristote) ? Ou bien, rien qui soit indépendant de ce qui est vrai, mais la cohérence entre tout ce qui l'est, comme le pensent les philosophes (Kant, par exemple) pour lesquels nous n'avons pas accès à une réalité qui serait indépendante de la représentation que nous en avons. On a pu penser aussi (comme Descartes) que la vérité n'est pas une relation, mais la propriété intrinsèque de ce qui est vrai, par exemple l'idée claire et distincte. Enfin, on peut être tenté de considérer que la vérité n'est ni une propriété ni une relation : le concept de vérité est, sinon inutile, du moins redondant (F. P. Ramsey(1)).

Le sens commun définit la vérité par la correspondance : penser et dire la vérité, c'est penser et dire les choses comme elles sont. Une telle conception se heurte pourtant à une difficulté radicale : si l'on peut identifier indépendamment d'une carte les caractéristiques d'un territoire que cette carte indique (routes, ponts, églises, etc.), comment identifier les caractéristiques de la réalité indépendamment de nos pensées ou de nos énoncés les concernant ? Comment pouvons-nous être sûrs qu'il y a bien deux choses qui se correspondent ?

Dans une définition de la vérité par la cohérence, dire ce qui rend une pensée vraie ou un énoncé vrai, c'est exprimer une pensée ou faire un énoncé. Dès lors, c'est une pensée ou un énoncé qui en rend vrai une autre ou un autre(2). Est donc faux ce qui ne « cohère » pas avec ce qui déjà est tenu pour vrai. Cependant, prenez la totalité des énoncés contingents vrais et niez-les tous, vous avez un autre système consistant (sans contradiction). Certains philosophes (Spinoza ou Hegel) présentent alors toutes les vérités comme nécessaires. Dès lors, elles ne peuvent plus être niées sans inconsistance. Mais comment distinguer alors vérité et nécessité ?

Pour Ramsey, s'il n'y a que deux valeurs de vérité, vrai et faux, alors la proposition « p » et « p est vraie » sont équivalentes, puisqu'elles ont la même valeur de vérité. Quand on dit que p est vrai, on aurait toujours pu simplement dire p. On n'ajoute rien à une proposition en disant qu'elle est vraie : la vérité est redondante. Cependant, cette conception, aussi puissante soit-elle, ne permet pas vraiment de donner un statut à notre conception intuitive de la vérité » – selon laquelle, la vérité est une chose d'une certaine importance – et pas plus au statut du mot vérité dans un énoncé comme : « Tu dois me dire la vérité ! »

Dans sa théorie, Tarski(3) utilise l'exemple suivant, devenu célèbre : « La neige est blanche » est vrai si et seulement si la neige est blanche.

Dès lors, nous savons a priori que la phrase « la neige est blanche », utilisée selon les règles du français, identifie l'état de choses déterminé, quel qu'il soit, qui rend vrai la phrase « la neige est blanche ». On peut ainsi parler d'une définition « minimaliste » de la vérité.

La théorie tarskienne permet de fixer l'enjeu de la réflexion philosophique sur la vérité. Si on fait du prédicat « être vrai » un prédicat de décitation, nous permettant de passer des mots cités aux mots utilisés, et si nous comprenons que c'est cela la fonction de la vérité, on se prive d'une conception substantielle ou métaphysique de la vérité, de la réponse à la question de savoir pourquoi nous devrions la rechercher et en quoi elle est une valeur. Mais en revanche, nous parvenons à une conception beaucoup claire et distincte de la vérité(4).

Roger Pouivet

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Ramsey, F. P., « On Facts and Propositions » (1931), in S. Blackburn et K. Simmons, Truth, Oxford University Press, Oxford, 1999.
  • 2 ↑ James, W., Pragmatism : A New Name for Some Old Ways of Thinking, trad. le Pragmatisme, Flammarion, Paris, 1968.
  • 3 ↑ Tarski, A., « Le concept de vérité dans les langages formalisés », in A. Tarski, Logique, sémantique, métamathématique, t. 1, A. Colin, Paris, 1972.
  • 4 ↑ Engel, P., la Vérité, Réflexions sur quelques truismes, Hatier, Paris, 1998.

→ convention, validité, vérification




théorie pragmatiste de la vérité

Métaphysique

Théorie qui n'assimile pas le vrai à l'utile, mais à ses effets pratiques possibles au sein d'un savoir cohérent.

L'image reçue de la théorie pragmatiste de la vérité est qu'elle identifie le vrai à l'utile, ce qui est encouragé par certaines formulations de W. James(1) : « le vrai est ce qui marche de manière satisfaisante au sens le plus large du terme », ou « le vrai n'est qu'un expédient pratique ». Ainsi comprise sous cette forme « vulgaire », elle se heurte à des objections évidentes : tout ce qui est utile n'est pas vrai, et tout ce qui est vrai n'est pas utile. Mais, à ses origines chez Peirce(2), la conception pragmatiste de la vérité n'est pas contenue dans l'équation vrai = utile, mais dans une maxime au sujet de la signification des concepts et sur la nature de la croyance : le sens d'un concept est mesuré par ses effets possibles, et la croyance est une habitude d'action. Peirce lui-même ne définit pas la vérité comme utilité, mais comme cohérence avec l'ensemble du savoir à la limite (idéale) de l'enquête scientifique. Il s'agit donc d'une théorie à la fois correspondantiste et cohérentiste du vrai, qui insiste néanmoins sur les liens essentiels de la connaissance et de l'action, et sur l'idée que nos efforts pour connaître transforment la réalité. Quant aux effets pratiques, ou à l'utilité, la plupart des pragmatistes les conçoivent, en un sens idéaliste, comme des effets utiles pour le savoir lui-même, ou pour le savoir en tant qu'il est au service des besoins de l'humanité en général, et jamais comme des effets relatifs et subjectifs dépendant des individus et de leurs désirs. Certaines formes contemporaines du pragmatisme, néanmoins, comme celle de Rorty(3) qui insiste sur le caractère antimétaphysique de cette doctrine, n'évitent pas ses associations avec le relativisme.

Claudine Tiercelin

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ James, W., le Pragmatisme, Flammarion, Paris, 1914.
  • 2 ↑ Peirce. C. S., Collected Papers (8 vol.), Harvard University Press, 1931-1958.
  • 3 ↑ Rorty, R., Conséquences du pragmatisme, trad. Seuil, Paris, 1985.
  • Voir aussi : Russell, B., Essais philosophiques, trad. PUF, Paris, 1997.

→ cohérence, correspondance, pragmatiste (maxime), pragmatisme




vérité de raison / vérité de fait

Philosophie Générale

Distinction qui recouvre chez Leibniz celle de la nécessité et de la contingence.

La distinction des classes de vérité (vérité nécessaire et vérité de fait) se comprend selon une articulation de fondé à fondant :

« Il y a aussi deux sortes de vérités, celles de raisonnement et celles de fait. Les vérités de raisonnement sont nécessaires et leur opposé impossible, et celles de fait sont contingentes et leur opposé est possible. Quand une vérité est nécessaire, on en peut trouver la raison par l'analyse, la résolvant en idées et en vérités plus simples, jusqu'à ce qu'on vienne aux primitives(1). »

On distingue ici un plan logique et un plan ontologique. Du point de vue logique, contrevenir à une vérité de raisonnement, c'est dire l'impossible. La logique leibnizienne des essences repose sur la formulation, qui précède Dieu, d'un univers des possibles. Ces possibles sont tous recueillis dans (et non créés par) l'entendement divin, où ils forment le point de départ d'un calcul : celui des structures mêmes du monde. Les vérités de fait n'impliquent pas contradiction. Leur actualisation relève essentiellement du calcul de la compossibilité en Dieu. Ce calcul repose en son fond sur l'évaluation de la perfection, c'est-à-dire de la meilleure compossibilité, celle qui rassemble tout à la fois le maximum d'essences actualisables dans le même monde. Les vérités de fait sont elles-mêmes intégrables, c'est-à-dire que leur production peut toujours être assignée à une chaîne d'actualisation des possibles par l'entendement divin. Il y a une trace du comput infini qui conduit des essences à la racine même de la contingence, mais cette activité de la contingence renvoie à la transcendance comme à un point aveugle, origine d'une série qui ne se confond pas avec elle mais en donne la raison, au sens mathématique du terme.

Fabien Chareix

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Leibniz, G.W., Monadologie, Paris, Delagrave, 1880, § 33

→ contingence, nécessité




Toute vérité est-elle bonne à dire ?

La question étant tirée du proverbe, c'est par lui qu'il faut commencer. « Toute vérité n'est pas bonne à dire » : conseil de retenue dans l'usage social de la parole, qui repose sur une constatation empirique selon laquelle il y aurait des vérités qui nuisent à ceux qui les disent et à ceux auxquels on les dit. Il y aurait des vérités mauvaises à dire. On notera d'abord l'indétermination et le pluriel. Ils nous invitent à écarter d'emblée toute position essentialiste et dogmatique : par vérité on entendra simplement ce que les locuteurs potentiels considèrent comme vrai. Notre interrogation sera ainsi relative et située : et d'abord nous admettons que la question n'a pas le même sens pour tous, en tout lieu et en tout temps, voire qu'elle a pu ne pas en avoir, tellement la réponse semblait évidente. C'est, d'ailleurs, en partie le cas aujourd'hui. Il y a, autrement dit, une histoire à considérer, pour informer une analyse critique de la situation contemporaine.
La réponse semble, en effet, aujourd'hui réglée ; pourtant, l'opinion qui s'y exprime n'est pas sans contradiction. Pour ce que l'on peut appeler l'idéologie de la transparence généralisée, toute vérité est bonne à dire : les hommes, en toutes circonstances, ont droit à ce qu'on leur dise la vérité. La vérité leur est due ; qu'il s'agisse des affaires de la cité, de leur santé ou de leur vie de famille. La rétention de la vérité, c'est-à-dire le secret, est d'abord perçue comme un mal, pour ceux qui lui sont soumis, mais aussi pour ceux qui la pratiquent, un mal entendu d'abord au sens médical du terme, une pathologie. Le secret fait mal à la société, à l'entreprise, à la famille, à l'individu, et de nombreux spécialistes se proposent de le dissiper par l'exercice tous azimuts de la communication. Pourtant, le contempteur du secret est aussi prêt à soutenir avec la plus grande fermeté qu'il y a des vérités qu'il ne doit aucunement au public, des vérités privées qu'il lui appartient de réserver jalousement ou de révéler s'il le veut, et à qui il le veut. Notons cependant que, par là, il ne voudra pas affirmer que ces vérités ne sont pas bonnes à dire, absolument parlant : bonnes à dire, il estimera sans doute qu'elles le sont, dans son propre intérêt, pour son équilibre, son bien, sa santé, mais sous la protection éthique et juridique de dispositifs reconnus, cette fois, comme légitimes : confidentialité de l'amitié, secret professionnel, etc. La contradiction est patente entre une dénonciation globale du secret et son exigence ponctuelle, et l'appel à la distinction du public et du privé, dont la ligne de partage devient plus que jamais poreuse et labile, ne parvient plus à la surmonter. Certains médias offrent, d'ailleurs, une solution radicale par l'abolition spectaculaire du secret privé : la déclaration et l'exposition publique « totale » (ou, du moins, présentée et vendue comme telle) des vérités privées (télé-réalité...).

Mensonge et dissimulation

Le meilleur témoin de la dévalorisation du secret comme tel est, sans doute, son identification ou, plutôt, sa confusion spontanée avec la trahison et avec le mensonge. P. Ekman, psychologue américain spécialiste de la détection du mensonge, fait de l'« omission » l'une des deux formes principales du mensonge aux côtés de la « falsification » : « Dans la première le menteur se contente de garder pour lui certaines informations sans rien dire de faux. Dans la seconde, au contraire, il présente des contre vérités comme si elles étaient vraies » (Menteurs et Mensonges)(1). Celui qui omet de dire la vérité est un menteur, parce qu'il trahit la confiance qu'autrui est en droit d'avoir en lui. Aussi dit-on facilement de celui qui se tait qu'il vit dans le mensonge. Or, si cette dévalorisation coexiste avec des dispositifs visant à protéger le secret privé (sans lesquels on ne voit pas comment un seul droit individuel pourrait être garanti), c'est que celui-ci est le fruit tardif d'une longue tradition morale de distinction entre le secret et le mensonge, la dissimulation de la vérité et sa falsification.

Augustin d'Hippone, dont l'apport est décisif, présente les cas les plus embarrassants produits par ceux qui soutiennent l'existence de mensonges bénéfiques (mensonges officieux) ; des questions brutales auxquelles tout homme, en toute société, peut se voir confronté. Un homme poursuivi par des meurtriers se réfugie chez vous, allez-vous dire la vérité à ses poursuivants ? Un malade très gravement atteint pose des questions : « Oseras-tu dire le vrai et perdre cet homme, ou te taire, plutôt que de l'aider par un mensonge honorable et compatissant ?(2) » Pour Augustin, et sa position deviendra celle-là même de l'Église jusqu'à nos jours, aucune forme de mensonge n'est licite, tout mensonge est mal en lui-même, qui oppose la langue et le cœur, mais toute vérité n'en devient pas pour autant bonne à dire, loin de là ; il est des vérités inutiles, importunes, voire tout à fait criminelles. Augustin dit très simplement : « Cacher la vérité n'est pas la même chose que dire un mensonge. Tous ceux qui mentent veulent cacher la vérité, mais tous ceux qui cachent la vérité ne sont pas des menteurs ; et nous occultons souvent la vérité non seulement en mentant mais en nous taisant » (Contre le mensonge). Or, cacher la vérité est souvent légitime et même moralement contraignant. Dans le cas de l'innocent persécuté, si se taire revient à le livrer, alors il faut dire, quoi qu'il puisse en coûter : « Je sais où il se trouve, mais je ne vous le dirai pas. » Les casuistes modernes chercheront à adoucir la doctrine, mais leurs solutions, presque toujours, reconduiront la notion d'un secret légitime, parce que non mensonger. On parlera en ce sens, au xviie s., d'une « dissimulation honnête » qui « n'engendre pas le faux, mais concède quelque repos au vrai, que l'on pourra montrer à son heure »(3).

Dire la vérité en temps et lieu

L'idée centrale, toujours répétée, est que, s'il faut taire souvent la vérité, c'est au nom de la vérité elle-même, soit pour mieux la révéler à son heure, soit parce qu'elle peut être inutile et dommageable, ou encore pour ne pas l'avilir en la disant à ceux qui en sont indignes ou incapables. Campanella place la vertu de véracité entre deux vices : le mensonge et la manie de dire la vérité en toute circonstance, qu'il désigne par le néologisme vericidium, « véricide », ou meurtre de la vérité. Pour celui qui est pourtant l'auteur de la Cité du soleil, s'il fallait dire la vérité en toute occasion, la société « serait occupée tout le jour à punir les fautes, et ne pourrait pas se consacrer aux autres tâches. Il n'y aurait aucun bonheur, mais seulement des larmes et de la tristesse » (Questions politiques). Bacon stigmatise la parrhésie, ou le parler vrai intempestif, allégorisé par Cassandre : elle prédisait toujours la vérité, mais personne ne la croyait. C'est toute la tradition rhétorique que convoque le chancelier d'Angleterre : il est des esprits obstinés qui refusent de considérer « le ton grave ou léger à adopter dans un discours, les différences d'auditoire, plus ou moins savant ou vulgaire, et encore le moment opportun de parler ou de se taire ». Ceux-là « peuvent bien être francs et prudents, et donner des conseils justes et avisés, ils ne parviennent cependant presque jamais à persuader par trop d'impétuosité et [...] hâtent plutôt la perte de ceux auxquels ils s'adressent »(4).

Ces remarques concernent au premier chef la vie civile et l'activité politique, mais elles valent aussi pour la communication de la philosophie et de la science, qui préoccupe tout autant l'auteur du Novum Organum. Leo Strauss a parlé d'un art d'écrire des philosophes, pratiqué tout au long de l'histoire, à la fois pour échapper aux persécutions, mais aussi pour des raisons de transmission et d'éducation(5). La ciguë de Socrate, l'exil d'Aristote, le bûcher de Bruno montrent assez que la vérité qui s'écarte des vérités d'opinion, et, en premier lieu, de celles de la religion, n'est certes pas toujours bonne à dire pour le philosophe. Mais, pour la tradition philosophique, au moins jusqu'au xviie s., toute vérité n'est pas non plus bonne pour tous, en tout lieu et à tout moment : beaucoup ne sont pas capables d'accéder aux vérités premières, et, pour les autres, il y faut une préparation, une éducation et donc une pédagogie qui impliquent une découverte progressive des vérités pour et par le disciple. Certains élaborent soigneusement des textes à plusieurs entrées : « Que chacun cueille [...] les fruits qu'il peut cueillir selon la capacité de son propre récipient.(6) » Cela suppose la transmission de plusieurs niveaux de vérité en fonction des divers publics, et non nécessairement, comme tend à le dire Strauss, la tromperie du plus grand nombre, au profit de la seule élite sachant lire entre les lignes. Il est vrai, en tout cas, que, pour tout un courant de pensée étroitement associé au retour des philosophies anciennes, il est très bon que le plus grand nombre n'ait aucun accès à certaines vérités, au premier rang desquelles celles qui mettent en évidence que la religion est une imposture ; car cette imposture est nécessaire sans laquelle aucun gouvernement ne serait possible. À ce niveau, d'ailleurs, de l'exercice du pouvoir politique, si l'on discute bien de la licéité du mensonge, la question de la légitimité du secret ne se pose même pas : un prince qui mettrait un point d'honneur à dire la vérité à ses sujets ne le resterait pas longtemps, et cette constatation est tout aussi vraie pour les plus grands contempteurs de Machiavel et du machiavélisme, que pour Machiavel lui-même. « Si par malheur la vérité se montrait telle qu'elle est, tout serait perdu », disait Fontenelle, à qui on attribue encore la formule suivante : « J'aurais la main pleine de vérité, je ne l'ouvrirais pas pour le peuple. »

Le droit à la vérité

Un grand bouleversement se produit à cet égard, dont nous sommes les héritiers, avec l'avènement des Lumières, qui vont abondamment discuter ces mots de Fontenelle, et se demander sérieusement « s'il est utile pour le peuple de le tromper » (question de l'académie de Berlin, 1780)(7). D'Alembert, à l'origine de ce sujet de dissertation, affirmait à Frédéric II, qui ne le pensait nullement, qu'« on doit toujours enseigner la vérité aux hommes et qu'il n'y a jamais d'avantage réel à les tromper », reconnaissant, toutefois, que cet enseignement prend du temps et exige de la méthode (il faut ouvrir les doigts l'un après l'autre, et, d'abord, parce qu'on coupe le poing à ceux qui ouvrent la main trop brusquement). Helvétius réfutait le vieux lieu commun selon lequel la divulgation des vérités par les philosophes pût avoir des conséquences politiques et morales désastreuses : « La révélation de la vérité n'est funeste qu'à celui qui la dit », car, « quelle que soit l'époque, elle ne fut [...] jamais la cause des troubles et du soulèvement. La connaissance du vrai, toujours utile aux opprimés, l'est même aux oppresseurs » (De l'Homme). Le droit naturel moderne avait préparé théoriquement un tel bouleversement en forgeant la notion d'un droit à la vérité, fondée sur un pacte tacite de véridicité qui lierait les hommes en société dans l'usage commun du langage (Grotius)(8).

Toute vérité devenait-elle pour autant bonne à dire ? Certes pas. Un tel droit à la vérité ne saurait être inconditionnel ; d'abord, parce que d'autres pactes, comme celui qui m'attache à une autorité, ont le pouvoir de suspendre ce droit (le général ne doit pas la vérité à ses troupes, etc.) ; et, ensuite, ce droit est perdu, quand les raisons d'être du pacte de vérité (la possibilité même de la vie sociale) sont bafouées – c'est, par exemple, le cas du meurtrier qui me demande si celui qu'il cherche se trouve chez moi. L'idée qui se fait jour, contre laquelle s'élèvera Kant avec véhémence (mais il faut noter que l'extrémisme moral de Kant, qui conduit à dire la vérité au meurtrier, n'alla jamais jusqu'à mettre en cause l'existence d'un bon usage du secret)(9), c'est que la vérité n'est pas bonne à dire pour elle-même et en elle-même ; elle l'est pour les bienfaits qu'elle apporte, de sorte qu'il n'y a aucune bonne raison de la dire lorsqu'elle est dommageable. On parlera alors de vérités bénéfiques ou nuisibles, utiles ou inutiles. D'Holbach écrit que la « véracité n'est une vertu que lorsqu'elle découvre aux hommes des objets nécessaires à leur bonheur, à leur conservation, à leur félicité permanente ; elle cesse d'être utile, et devient même un mal, quand elle les afflige sans profit, ou lorsqu'elle nuit à leurs intérêts réels »(10). C'est dans ce contexte que le mensonge est redéfini à partir du secret, comme le fait de « taire une vérité qu'on doit » (Helvétius, qui l'attribue à Fontenelle). Mais alors, comme le remarque Rousseau, « il suit bien de cette définition que taire une vérité qu'on n'est pas obligé de dire n'est pas mentir »(11).

La position d'Helvétius est à cet égard décisive, qui distingue entre l'intérêt public, lequel exige la publicité de la vérité, et l'intérêt privé, qui requiert la réserve et la discrétion. À l'égard du privé, dire la vérité est souvent inutile et nuisible : « Un homme sort du lit d'une femme, il en rencontre le mari : D'où venez-vous ? lui dit celui-ci. Que lui répondre ? Lui doit-on la vérité ? Non [...] parce qu'alors la vérité n'est utile à personne.(12) » Par contre, la vérité utile est due aux hommes, et c'est sur cette base qu'Helvétius réclame la plus entière liberté de la presse, mais il jette du même coup des bases pour une protection efficace des secrets privés, et, entre autres, à l'égard des indiscrétions de la presse.

On voit que l'ambiguïté contemporaine, où le culte de la transparence communicationnelle reste malgré tout associé à l'exigence de protéger la vérité privée, est une fille oublieuse des Lumières. Remarquons d'abord que, malgré les déclarations de principe, il existe toujours des limites à la publication des vérités qui intéressent le public, dont il faut bien dire que certaines sont inhérentes à la fonction gouvernementale : existence de secrets d'État (militaires, policiers, diplomatiques, etc.), nécessité de ne pas divulguer intempestivement d'importantes décisions politiques (une dévaluation de la monnaie, par exemple), etc. On touche à la redoutable question du pouvoir, si redoutable qu'on ne la discute plus. La revendication d'une transparence publique sans limite conduit à mettre en évidence la contradiction inévitable entre exigence de vérité et légitimité du pouvoir : si l'impératif de transparence, dans le domaine politique, allait jusqu'au bout de lui-même, il conduirait à l'affirmation de l'illégitimité même du pouvoir, car tout pouvoir, quel qu'il soit, pour des raisons tout aussi bien symboliques que techniques, ne peut s'exercer sans une capacité effective de réserver des vérités et à la fois de donner efficacement à croire qu'il en réserve.

Mais la question de la réserve des vérités dans l'exercice du pouvoir politique ne peut être confondue avec celle de l'opportunité d'une réserve dans l'expression publique de la vérité. Ne dois-je pas, à chaque fois, me demander si ma vérité, dans la forme d'expression choisie, est ici et maintenant opportune ou inopportune ? Cette question est indépendante du droit, conquis de haute lutte et toujours menacé, à l'expression publique des opinions. Elle repose sur la très ancienne constatation dont témoigne notre proverbe : une très bonne vérité peut avoir de très mauvais effets. Il y a là une responsabilité que les diseurs de vérité, ou ceux qui se prétendent tels, se refusent trop souvent à assumer. Le modèle de l'intellectuel moderne présente, en effet, une éthique de l'engagement, pour laquelle ne semble compter que le courage de dire la vérité. Sartre écrit dans Situations II : « Chaque parole a des retentissements. Chaque silence aussi. Je tiens Flaubert et Goncourt pour responsables de la répression qui suivit la Commune parce qu'ils n'ont pas écrit une ligne pour l'empêcher. Ce n'était pas leur affaire dira-t-on ? Mais le procès de Calas, était-ce l'affaire de Voltaire ? La condamnation de Dreyfus, était-ce l'affaire de Zola ? » On pourrait citer d'autres engagements beaucoup plus problématiques, et de Sartre lui-même, par exemple, en faveur de régimes totalitaires. Et, pourtant, bien des raisons qui ont poussé à ces adhésions pouvaient et peuvent encore aujourd'hui légitimement revendiquer un statut de vérité. On ne peut reprocher à ces diseurs d'avoir dit leurs vérités, mais on le peut sans doute de l'avoir dite pour cautionner l'exercice d'un pouvoir tyrannique, au nom de ces vérités mêmes. On en revient, par le biais de l'engagement, aux vieilles questions de la tradition rhétorique : du comment, du quand, du pour qui, et en faveur de qui, questions que le diseur de vérité ne peut pas ne pas se poser, à moins de la plus complète cécité ou mauvaise foi. Et le constat selon lequel le discours ou l'œuvre, une fois publiés, échappent à l'auteur n'est lui-même qu'un argument de mauvaise foi. Terminons par un exemple : supposons qu'un philosophe ait acquis la conviction que les droits de l'homme sont, dans leurs principes théoriques, une pure fiction idéologique qui relève d'une religion laïque de l'homme, supposons encore qu'il soit tout aussi convaincu que cette croyance est dans les faits, partout où elle s'impose, le seul rempart contre le déchaînement de l'horreur. Jugera-t-il sa vérité bonne à dire ? Et, si oui, n'est-il pas de sa responsabilité de prendre toutes les précautions nécessaires ?

Jean-Pierre Cavaillé

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Ekman, P., Menteurs et Mensonges. Comment les détecter, Belfond, Paris, 1986.
  • 2 ↑ Saint Augustin, le Mensonge, trad. J.-Y. Boriaud, in Augustin d'Hippone, Œuvres, Gallimard, « La Pléiade », 1999.
  • 3 ↑ Accetto, T., De l'honnête dissimulation, trad. M. Blanc-Sanchez, Verdier, 1990.
  • 4 ↑ Bacon, F., la Sagesse des Anciens, trad. J.-P. Cavaillé, Vrin, 1997.
  • 5 ↑ Strauss, L., la Persécution et l'Art d'écrire, trad. E. Pattard, in E. Cattin, B., Frydman, L., Jaffro, A., Petit, éd., Leo Strauss. Art d'écrire, politique, philosophie, texte de 1941 et études, Vrin, Paris, 2001.
  • 6 ↑ Bruno, G., Expulsion de la bête triomphante, trad. J. Balsamo, in Œuvres complètes de Giordano Bruno, t. V, 1-2, Les Belles Lettres, Paris, 1999.
  • 7 ↑ Krauss, W. (éd.), Est-il utile de tromper le peuple ? Ist der Volksbetrug von Nutzen ?, Akademie-Verlag, Berlin, 1966.
  • 8 ↑ Grotius, H., le Droit de la guerre et de la paix..., trad. Jean Barbeyrac, Amsterdam, 1724, III, 3.
  • 9 ↑ Kant, E., D'un prétendu droit de mentir par humanité, texte et traduction in Boituzat, François, Un droit de mentir ? Constant ou Kant, PUF, 1993.
  • 10 ↑ D'Holbach, P.-H., Thiry, Morale universelle, 1776, sec. II, chap. 14.
  • 11 ↑ Rousseau, J-J., les Rêveries du promeneur solitaire (1782), 4e promenade éd. B. Gagnebin, « Le livre de poche », 1983.
  • 12 ↑ Helvétius, De l'esprit (1758), t. I, discours 2, chap. 6.