ondes gravitationnelles

Structure de l'espace-temps
Structure de l'espace-temps

Ondes se propageant à la vitesse de la lumière en déformant l'espace-temps.

Les ondes gravitationnelles, qui se déplacent à la manière des ondes à la surface de l'eau lorsqu'on y jette une pierre, ont pour origine un événement cosmique d’une extrême intensité (collision de trous noirs, explosion d’étoiles…) se produisant très loin de la Terre (→ Univers). Cependant, l’énergie transportée jusqu’à la Terre est extrêmement faible. En effet, les ondes gravitationnelles sont bien plus faibles que les ondes électromagnétiques (environ 1035 fois plus faibles). De plus, elles interagissent très faiblement avec la matière et sont donc très pénétrantes, c’est pourquoi elles sont si difficiles à détecter.

En fait, elles constituent un type d’ondes particulier appelées « ondes transversales tensorielles », c’est-à-dire qu’elles déforment l’espace-temps selon une polarisation dite « en croix » qui raccourcit les distances dans une direction et les allonge dans l’autre. Ainsi, théoriquement, tout objet qui se trouve sur le trajet d'une onde gravitationnelle voit sa longueur varier : l'espace entre les atomes le constituant se resserre puis se distend. Mais encore faut-il détecter ces variations à la précision subatomique nécessaire.

1. Découverte des ondes gravitationnelles

1.1. Observation indirecte

Avant d’être observées, les ondes gravitationnelles ont été prédites dès 1916 par Albert Einstein dans sa théorie de la relativité générale. Sa prédiction repose sur une analogie entre le champ de gravitation et le champ électromagnétique : si des charges en mouvement accéléré dans un champ électromagnétique produisent des ondes électromagnétiques, l’accélération d’objets massifs (dans certaines conditions) doit produire des oscillations de l'espace-temps, autrement dit des ondes gravitationnelles. Ce phénomène devrait être observé lorsque des étoiles explosent en supernovae de façon non sphérique, ou encore quand deux astres compacts en orbite (comme des étoiles à neutrons ou des trous noirs), forment un système binaire.

Or, c’est exactement ce qu’observent les astrophysiciens américains Joseph Taylor et Russell Hulse en 1974, en étudiant le pulsar binaire PSR B1913+16. La période orbitale du pulsar et de son compagnon décroît légèrement, d’un millième de seconde par an : les deux astres perdent de l’énergie en émettant des ondes gravitationnelles. Il s’agit-là de la première signature indirecte de l’existence de telles ondes, pour laquelle Taylor et Hulse se sont vus décernés le prix Nobel de physique en 1993.

1.2. Observation directe

L'observation historique de 2015 par LIGO et Virgo

C’est finalement un siècle après la prédiction d’Einstein qu’ont été détectées de manière directe sur Terre les fameuses ondes gravitationnelles. L’événement a eu lieu le 14 septembre 2015 − d’où son acronyme : GW150914 (GW pour Gravitational Wave, suivi de la date en anglais) et l’annonce officielle et historique de leur détection a été prononcée le 11 février 2016 par les équipes de l’observatoire américain LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) et de l’observatoire européen Virgo.

L’analyse des données a permis d’estimer que les ondes gravitationnelles avaient été émises par la fusion (ou coalescence) de deux trous noirs de masses respectives de 29 et 36 fois la masse du Soleil, à une distance de 1,3 milliard d'années-lumière de la Voie lactée. Après avoir tourné l’un autour de l’autre pendant des centaines de millions d’années, d’abord lentement puis de plus en plus vite (environ la moitié de la vitesse de la lumière), ils ont fini par ne former qu’un seul gigantesque trou noir de 62 masses solaires en à peine une fraction de seconde (0,2 seconde exactement). Or, celui-ci aurait dû faire 29 + 36 = 65 masses solaires. Ce qui signifie que l'équivalent de 3 masses solaires a été expulsé sous forme d'ondes gravitationnelles selon la célèbre formule d’Einstein E = mc2 (de la masse s’est transformée en énergie).

C’est cette bouffée d’ondes gravitationnelles qui a été observée dans les deux détecteurs de l’interféromètre LIGO et qui s’est manifesté par un écart de 7 millisecondes entre les deux détecteurs. Par ailleurs, bien qu'il n'ait pas été possible de situer précisément la région de la voûte céleste où s'est produit cet événement cataclysmique, l’étude des caractéristiques des signaux mesurés a toutefois permis de dire qu’il s’était produit dans l'hémisphère sud. Une localisation plus précise aurait nécessité des détecteurs supplémentaires, ce qui est dorénavant possible depuis la mise en service d’Advanced Virgo (dix fois plus sensible que la première génération Virgo) en 2017.

Pour leurs contributions au détecteur LIGO qui a permis la détection directe des ondes gravitationnelles, les physiciens Rainer Weiss, Barry C. Barish et Kip S. Thorne se sont vus décernés le prix Nobel de physique 2017.

Les observations suivantes

Depuis cette découverte historique, trois autres détections directes d’ondes gravitationnelles ont été effectuées par les équipes des contributions LIGO et Virgo :

• événement GW151226, correspondant à la fusion de deux trous noirs de masses équivalentes à 14,2 et 7,5 masses solaires, détecté le 26 décembre 2015 (découverte publiée le 15 juin 2016 dans la revue scientifique de référence Physical Review Letters). Lors de cet événement, près d’une masse solaire a été transformée en ondes gravitationnelles ;

• événement GW170104, correspondant à la fusion de deux trous noirs de masses équivalentes à 31,2 et 19,4 masses solaires, détecté le 4 janvier 2017. Lors de cet événement, environ deux masses solaires ont été transformées en ondes gravitationnelles (découverte publiée le 1er juin 2017 dans Physical Review Letters) ;

• événement GW170817, correspondant à la fusion de deux étoiles à neutrons (astres extrêmement compacts résultant de l'effondrement d’étoiles massives sous l'effet de leur propre gravité) de masses équivalentes à 1,1 et 1,6 masse solaire, détecté le 17 août 2017 (découverte publiée le 16 octobre 2017 dans Physical Review Letters). Cette fusion a également été observée par des dizaines d’instruments d’astronomie couvrant pratiquement toutes les longueurs d’onde du spectre électromagnétique. En particulier, un rayonnement électromagnétique de haute énergie (sursaut gamma GRB 170817A) a été détecté par le télescope spatial Fermi, confirmant ainsi l’origine de ce type de rayonnement. Ces multiples observations ont permis de localiser l'événement avec précision dans la galaxie NGC 4993, située à 130 millions d’années-lumière de la Terre.

2. Méthode de détection et instruments

2.1. L’interférométrie laser

La détection d’ondes gravitationnelles repose sur le principe de l’interférométrie laser : un faisceau laser extrêmement stable est envoyé sur un miroir semi-réfléchissant qui le sépare en deux faisceaux. Chacun d'entre eux parcourt l'un des bras perpendiculaires de plusieurs kilomètres à l'extrémité duquel un miroir renvoie le faisceau. Après une série d’allers-retours pour augmenter la précision, le faisceau sort du bras pour croiser l'autre faisceau avec lequel il se recompose au niveau d’un capteur de détection. Les deux faisceaux produisent des interférences lors de leur recomposition.

Si les deux faisceaux ont parcouru la même distance, ils reviennent pile au même moment à l'intersection : les photodiodes ne détectent aucune variation de lumière. Si au contraire on repère un déplacement des franges d’interférence, c’est que la distance parcourue par l’un des faisceaux a varié, ce qui est la signature du passage d’une onde gravitationnelle.

La détection d’ondes gravitationnelles est véritablement une prouesse technologique. En effet, l’ensemble des éléments constituants l’interféromètre (les bras de plusieurs kilomètres, le détecteur, etc.) est placé sous ultravide (10– 12 atm). Le plus grand problème est l’environnement sismique, auquel le système doit être totalement insensible pour détecter une variation de longueur de 10– 19 m (soit un milliardième de la taille d’un atome).

2.2. Les interféromètres LIGO et Virgo

Les principaux instruments de détection directe d’ondes gravitationnelles actuels sont les interféromètres gravitationnels LIGO et Virgo.

L’observatoire américain LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory, ou « Observatoire d'ondes gravitationnelles par interférométrie laser »), est composé de deux interféromètres indépendants de 4 km de longueur, l’un situé à Livingston en Louisiane, l’autre à Hanford dans l’État de Washington. LIGO est un projet conjoint entre les scientifiques du Massachusetts Institute of Technology (MIT), du California Institute of Technology (Caltech) et de nombreuses autres institutions et universités.

L’interféromètre Virgo (du nom de l’amas de galaxies de la Vierge qui constitue la cible principale d’observation) est situé à Cascina, près de Pise, en Italie. Les deux bras perpendiculaires du détecteur font 3 km de longueur. Né d’un projet franco-italien (CNRS-INFN), l’interféromètre est géré par le consortium EGO (European Gravitational Observatory, ou « Observatoire gravitationnel européen ») qui regroupe une collaboration internationale de scientifiques français, italiens, néerlandais, polonais et hongrois.

Depuis 2007, les interféromètres LIGO et Virgo sont liés par un accord de collaboration incluant l'échange et l’analyse conjointe des données enregistrées par leurs différents détecteurs et une politique de publication commune des résultats obtenus.

D’autres pays se lancent également dans la détection d’ondes gravitationnelles, notamment le Japon avec son détecteur KAGRA (Kamioka Gravitational Wave Detector), installé dans la fameuse mine de Kamioka qui héberge déjà le célèbre détecteur de neutrinos Super-Kamiokande.

Par ailleurs, un projet de l’Agence spatiale européenne (ESA) appelé eLISA (Evolved Laser Interferometer Space Antenna) est à l’étude. Il s’agirait d’un détecteur d’ondes gravitationnelles composé d’un ensemble de trois satellites déployés en formation triangulaire et travaillant de façon coordonnée. Un tel système rendrait possible l’étude d’une plus grande variété de phénomènes, ainsi que la détection d’événements beaucoup plus lointains.

3. Applications des ondes gravitationnelles

Tout d’abord, il est important d’évoquer que l’observation directe d’ondes gravitationnelles émises par un système binaire de trous noirs distants a permis de prouver l’existence des trous noirs (dont l’observation directe est impossible car ils n’émettent ni ne diffusent de lumière) et d’accéder à une mesure directe de leurs masses.

Par ailleurs, la découverte des ondes gravitationnelles est bien évidemment une nouvelle confirmation de la théorie de la relativité générale d’Einstein.

Mais surtout, cette découverte a ouvert la voie à une « nouvelle astronomie » : l’astronomie gravitationnelle. C’est-à-dire une astronomie non-photonique, permettant de sonder les milieux extrêmement denses et invisibles par les photons, tels que les trous noirs, les étoiles à neutrons… En effet, contrairement à la lumière électromagnétique, les ondes gravitationnelles ne sont quasiment pas absorbées par la matière. Elles parviennent donc sur Terre en conservant toute l’information sur la configuration des sources qui l’ont engendrée. On peut donc imaginer étudier les conditions qui régnaient avant le découplage matière-lumière qui s’est produit environ 380 000 ans après le big bang, autrement dit sonder les conditions extrêmes des premiers instants de l’Univers.