En septembre, il a donc annoncé la refonte de l'impôt sur le revenu promise par le candidat Chirac. Premier axe : l'élargissement de la tranche à taux zéro et la suppression de la « décote », une modification qui avantage surtout les familles nombreuses modestes. Second axe : suppression de multiples avantages fiscaux, à commencer par les 30 % d'abattement sur le revenu imposable dont jouissent les VRP, les journalistes, les artistes, ou les personnels navigants des compagnies aériennes. Troisième axe : la baisse de toutes les tranches du barème, étalée pendant cinq ans. Ce cadeau, qui ne profitera pas aux ménages français les plus modestes (puisqu'ils ne payent pas l'impôt), porte sur un total de 75 milliards de francs.

Pouvoir d'achat

À cause des nouveaux impôts et de la baisse de certaines allocations, il a stagné en 1996 (après une hausse de 2,6 % en 1995). Le revenu disponible par habitant a été négatif pour la première fois depuis 1984. Cela n'a pas empêché la consommation d'augmenter de plus de 2 % : les Français ont puisé dans leurs bas de laine.

Dernier arrêt avant Maastricht

Pour participer à la monnaie unique en 1999, la France doit afficher un déficit public de moins de 3 % à la fin de l'année 1997. La préparation du budget a donc été un casse-tête effroyable. Accélérer brutalement la purge financière, c'était prendre le risque de casser la maigre reprise économique ; laisser filer le déficit, c'était remettre en cause tout le processus de Maastricht. Le gouvernement a trouvé la parade : France Télécom, à l'occasion du transfert des retraites de ses agents vers l'État, lui a versé un acompte de 37,5 milliards de francs. La monnaie unique valait bien cette grosse ficelle... Pour autant, le budget n'est pas laxiste, loin de là : pour la première fois depuis la Ve République, les dépenses publiques sont même gelées ; et 5 600 postes sont supprimés dans la fonction publique...

Mais, côté recette, les Français verront leurs impôts sur le revenu amorcer une baisse : 25 milliards de francs au total.

La baisse des impôts ne profite, par définition, qu'à ceux qui en payent, c'est-à-dire aux plus aisés. En direction des autres, le gouvernement décide de faire une petite fleur : le remboursement anticipé des primes d'État aux détenteurs de PEP (Plan épargne populaire). À chacun de ceux qui avaient souscrit un PEP dès 1990, le Trésor s'engage à verser 9 000 F en moyenne : une injection de 15 milliards de francs programmée pour janvier 1997.

Le plan Sécu au forceps

Le projet de réforme du système d'assurance maladie en France a résisté au grand mouvement social de l'hiver 1995, et, quelques mois plus tard, les Français en ont testé la concrétisation symbolique à travers l'un de ses éléments, le « carnet de santé ». La mise en musique du plan Juppé s'avère difficile. La CFDT, qui soutient le plan, a ravi la direction de la CNAM (Caisse nationale de l'assurance maladie) à Force ouvrière, qui le combat sans relâche. Mais le gouvernement se heurte vite à une autre résistance, celle du corps médical. Face à cette grogne, il se résigne à plusieurs reculs (ambulanciers, tarif des consultations de nuit...). Les médecins libéraux se battent surtout contre le projet de maîtrise des dépenses de santé, qui prévoit des sanctions financières en cas de dépassement.

Les fonds de pension

En novembre, le Parlement a introduit dans le droit français une petite révolution : la création de « fonds de pension à la française », présentée comme le « troisième étage » du système de retraite, les deux premiers étant le régime général et les régimes complémentaires. Il ne s'agit pas de redistribuer des cotisations à des retraités, mais de favoriser l'épargne-retraite. Au passage, on favorise une épargne longue qui permet de renforcer les finances des entreprises.

La constitution des fonds est décidée par les entreprises. Les versements des employeurs sont exonérés des cotisations sociales, ceux des salariés sont déductibles de l'impôt jusqu'à 5 % du salaire brut.

La privatisation controversée de Thomson

Le 16 septembre, Jean Arthuis, ministre de l'Économie et des Finances, annonce que c'est au groupe Lagardère (Matra) que l'État a décidé de vendre pour un franc symbolique le groupe électronique Thomson, spécialisé dans la défense et les appareils audiovisuels. C'est une énorme surprise, tout le monde étant persuadé qu'Alcatel Alsthom emporterait le morceau. La décision a été instruite dans le plus grand secret de l'Élysée, ce qui ne manque pas de susciter une furieuse polémique. D'autant que le gouvernement prévoit d'injecter 11 milliards de francs dans l'affaire avant de la céder. Matra, qui ne s'intéresse qu'à la partie « défense » de Thomson, projette de confier Thomson Multimedia (les téléviseurs) au coréen Daewoo, dont la réputation en matière sociale est plus que mauvaise. Début décembre, le gouvernement devra suspendre l'opération de privatisation, la Commission de privatisation (créée par la loi du 19 juillet 1993 et présidée par le conseiller d'État Pierre Laurent) ayant refusé d'émettre un avis favorable.