Une autre privatisation tourne mal, celle du CI, filiale bancaire du GAN.

Le gouvernement compte sur la vente de ce réseau de banques régionales pour renflouer l'assureur public. Deux candidats sont sur les rangs : la BNP et la Société générale. Mais, face à la fronde des salariés et des élus locaux (à commencer par le maire de Lyon Raymond Barre), le gouvernement jette l'éponge : vers la mi-novembre, il interrompt la procédure.

Cap sur la flexibilité

Vers la fin de l'année, Alain Juppé explique à qui veut l'entendre que, si la courbe du chômage ne s'inverse pas avant la fin du premier semestre 1998, « nous sommes cuit », politiquement s'entend. Il entend donc s'attaquer à un nouveau tabou : la flexibilité du travail. Trop de petits patrons (artisans, etc.) n'embauchent pas parce qu'ils craignent d'avoir un jour à supporter le coût d'un licenciement. Il y a là un gisement d'emplois inexploité, estime le Premier ministre, qui se prend à imaginer une forme de contrat à durée déterminée facilement renouvelable. Mais M. Juppé n'a plus guère les moyens politiques de s'attaquer à une telle vache sacrée. En novembre, il bat tous les records d'impopularité dans les sondages : deux Français sur trois réclament son départ.

Valéry Giscard d'Estaing crée la surprise en proposant dans l'Express du 21 novembre une dévaluation du franc, dont il estime qu'il est tiré vers le haut par le Mark et que cette surévaluation est « la cause principale des difficultés dans lesquelles se débat l'économie française ». L'ancien président de la République écrit ainsi : « Je donnerai un seul chiffre. Parmi les 27 pays industriels étudiés par la banque américaine Morgan Stanley, la France se classe au troisième rang pour le coût horaire de sa main-d'œuvre dans l'industrie. Alors qu'en 1985 une heure de travail dans ce secteur coûtait 7,52 dollars en France et 13,01 dollars aux États-Unis, dix ans plus tard, la relation s'est inversée : l'heure de travail coûte 19,34 dollars en France, pour 17,20 aux États-Unis. Cela s'explique par la hausse modérée des salaires aux États-Unis, mais surtout par la forte baisse du dollar. D'où ma proposition, à vrai dire prudente, mais nécessaire : il faut fixer un taux d'échange du franc contre l'euro correspondant à une parité actuelle de 5,50 pour 1 dollar ».

Pascal Riché
Journaliste à Libération, coauteur avec Éric Aeschimann de la Guerre de sept ans, histoire secrète du franc fort 1988-1996, Calmann-Lévy, 1996