Politique économique : annus horribilis

Moral au plus bas, investisseurs tétanisés, budget public étriqué, Premier ministre cassé : 1996 fut une nouvelle annus horribilis pour l'économie française, et un cauchemar pour le gouvernement.

Après les grandes grèves – mal résolues – de la fin 1995, l'année commence tristement. Le chômage dépasse les 12,5 %, et les plans sociaux s'enchaînent : Moulinex, arsenaux, Pechiney, Crédit Lyonnais... Les entreprises sont frileuses, et ont tendance à déstocker au maximum, ce qui retarde la reprise. L'activité recule même au second trimestre ! Tous les oracles de la conjoncture prédisent certes un rayon de soleil pour la fin de l'année. Un optimisme fondé sur la baisse rapide des taux d'intérêts (passés d'octobre à octobre de 7,5% à moins de 4 %).

Mais, si la consommation s'affermit (plus de 2 %), cela ne suffit pas à donner un vrai coup d'accélérateur à l'activité, toujours bridée par la poursuite du mouvement de déstockage des entreprises. Sur l'ensemble de l'année, la croissance avoisine finalement 1,2 % (contre 2,5 % en 1995), alors que, un an plus tôt, le gouvernement avait calé son budget sur une prévision plus de deux fois supérieure (2,8 %).

Sur le front social, la France vit au rythme des retombées de la grande grève de décembre 1995. Certes, le pays ne connaît pas de nouvelle explosion générale. Mais divers conflits, souvent très durs, émaillent l'actualité de l'année. Fin novembre, la France est de nouveau bloquée : la grève des routiers dure 12 jours.

Croissance

La croissance en 1996 n'a pas dépassé 1,5 %. Or, en France, le chômage ne commence à reculer qu'à partir d'un taux de croissance de 1,8 %. En 1996, il a donc mécaniquement continué à gonfler. Pour 1997, l'OCDE prévoyait en novembre une croissance de plus de 2,3 %.

Les chiffres clés du débat budgétaire : en 1997, la hausse des prix devrait se maintenir à 1,5 %, la croissance passer à 2,3 %, les déficits publics à 2,9 % du PIB et la dette publique à 58 % du PIB. Enfin, le taux de prélèvements obligatoires devrait décroître légèrement pour revenir à 45,5 % du PIB.

Commerce extérieur

Malgré une hausse de la facture énergétique (due à l'augmentation du pétrole et du cours du dollar), l'excédent commercial en 1996 a été, comme l'année précédente, très élevé : il devait dépasser les 100 milliards de francs (dont un tiers avec les DOM-TOM). Cela représente 1,3 % du PIB français. Cela tient à la bonne tenue des exportations, mais aussi à la modération des importations liée au marasme français. En novembre, Airbus a remporté le marché du siècle : la compagnie US Air lui a passé 120 commandes fermes et 280 options, pour un montant de 20 milliards de dollars.

L'inflexion de la politique de l'emploi

Malgré la hausse du chômage, le gouvernement a choisi pendant l'été de tailler dans les budgets consacrés aux aides à l'emploi. L'aide à l'emploi des jeunes (Apej) a été supprimée, et le Contrat initiative-emploi (CIE), cette mesure-symbole qui devait aider à réduire la « fracture sociale », a été sérieusement ratiboisé : le montant de l'aide est désormais versé aux chômeurs de très longue durée (deux ans, contre un an auparavant) et il dépend de la durée d'inscription à l'ANPE.

Ces modifications devaient permettre d'économiser quelques milliards. Mais une autre mesure a vite pris le relais : le système de la loi Robien, du nom du député UDF qui a réussi à le faire adopter par le Parlement. Cette loi offre des allégements de charges importants aux entreprises qui, pour pouvoir embaucher ou éviter des licenciements, réduisent le temps de travail. La formule a connu un succès immédiat, à tel point que son coût commence à affoler les fonctionnaires du Budget. Par ailleurs, le système de l'exonération dégressive de charge sociale (pour les emplois payés entre le SMIC et 1,33 fois le SMIC) est entré en vigueur le 1er octobre 1996.

Emploi

En 1996, l'économie n'a pas créé d'emploi. Les emplois diminuent dans l'industrie et dans la construction, mais augmentent dans le secteur tertiaire. Pour 1997, la Direction de la prévision s'attend à un chiffre de 160 000 à 190 000 créations nettes d'emplois salariés marchands, ce qui ne permettra pas de faire reculer le chômage.

La loi Robien, principale innovation sociale de l'année 1996, offre 40 % de réduction des cotisations sociales la première année et 30 % les six années suivantes aux entreprises qui réduisent leur temps de travail de 10 % et augmentent leurs effectifs d'autant. La réduction passe à 50 % (et 40 % les six années suivantes) pour une réduction de 15 % du temps de travail compensée par une augmentation de 15 % des effectifs. Ce sont 800 millions de francs qui sont prévus en 1997 pour financer la loi. Dès 1996, plusieurs entreprises y ont recours : Renafer, les broches Pasquier, WF, Yves Rocher, AXA...

La réforme fiscale en chantier

La chute dramatique d'Alain Juppé dans les sondages ne l'a pas dissuadé de poursuivre ses ambitions réformatrices.