L'année 1995 est une étape essentielle de la renaissance du PS. La personnalité de son candidat, le score du 1er tour et le bon résultat des municipales le relancent un an après le désastre des européennes. Les 47,6 % du second tour font de L. Jospin le leader incontesté de l'opposition. Les militants votent sur l'orientation et l'organisation du PS (octobre). Cette consultation, très suivie (66,27 % de participants), permet à L. Jospin d'être élu premier secrétaire avec 97,83 % des voix à la convention du parti (octobre).

La bonne campagne présidentielle de R. Hue ne parvient pas à cacher l'affaissement du PCF, qui, pour conserver ses bastions, est obligé de faire liste commune avec le PS dès le premier tour des municipales. Au mois d'août, les déclarations de R. Hue sur l'« opposition constructive » à J. Chirac sèment le trouble.

Les 15 % de J.-M. Le Pen et la conquête de 3 mairies renforcent la place du Front national et lui permettent de se présenter comme une alternative au système. La mort d'un jeune Comorien à Marseille, tué par des colleurs d'affiche du FN (février), et la noyade d'un Marocain poussé dans la Seine par des skinheads qui suivaient le défilé FN du 1er mai ont cependant relancé les polémiques sur le parti d'extrême droite.

Les difficultés personnelles d'A. Juppé, les hésitations du gouvernement entre la continuité et la réforme, les réticences de la majorité entraînent une forte chute du Premier ministre dans les sondages (63 % de satisfaits en mai contre 26 % en novembre selon l'IFOP). C'est dans ce contexte de méfiance de l'opinion que le Premier ministre présente la démission de son gouvernement pour en former un nouveau le 7 novembre. Ce gouvernement se fixe deux priorités : réduire les déficits et réformer la Sécurité sociale. Il se signale en particulier par un grand ministère du Travail et des Affaires sociales, confié au CDS Jacques Barrot.

Le deuxième gouvernement Juppé

Après le remaniement ministériel de novembre, A. Juppé obtient la confiance du Parlement sur une importante réforme de la Sécurité sociale. Un Remboursement de la dette sociale (RDS) est créé, son assiette étant élargie à des revenus jusque-là épargnés par la CSG (allocations de chômage, épargne défiscalisée, certaines retraites, etc.). Les dépenses de l'Assurance maladie, qui devient « universelle », seront soumises au vote du Parlement après une révision de la Constitution prévue pour 1996. Enfin, les partenaires de santé (médecins, hôpitaux, etc.) seront soumis à des « contrats d'objectifs » visant à diminuer les dépenses.

Cette réforme, qui diminue le contrôle des syndicats sur la Sécurité sociale, ainsi que l'annonce d'une refonte du système fiscal français relancent l'agitation sociale. À la fin du mois de novembre, plusieurs journées de grèves touchent le secteur public, alors qu'un vaste mouvement étudiant, soutenu par les enseignants, s'étend progressivement à la plupart des universités et réclame des crédits au ministère de l'Éducation nationale. Après dix jours d'arrêt quasi complet des transports publics (RATP, SNCF) et de manifestations relativement nombreuses tant à Paris qu'en province, le Premier ministre, tout en réaffirmant sa volonté de réforme, déclare que le gouvernement n'entend pas modifier les régimes spéciaux de retraite des fonctionnaires et qu'il n'est pas question non plus de supprimer les 20 % d'abattement fiscal dont bénéficient les salariés. Le gouvernement est pris en tenaille entre la vigilance des marchés internationaux, qui sanctionneraient immédiatement tout renoncement à la volonté de diminuer les déficits publics, et la réaction populaire, solidement encadrée par les appareils syndicaux de FO et de la CGT. Sa seule satisfaction est de constater l'appui à son plan de réforme apporté par Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, et par une partie de la gauche non communiste.

Marie-Hélène Bruère