É. Balladur était parti premier dans les sondages, mais cette série d'affaires ainsi que des révélations sur son patrimoine le déstabilisent. D'autre part, une circulaire limitant l'accès des étudiants des IUT à l'Université relance l'agitation étudiante et lycéenne. Après deux semaines de grève, le Premier ministre retire la circulaire (février), au moment même où, pour la première fois, J. Chirac le devance dans les intentions de vote.

Le maintien de deux candidats RPR et le retournement des sondages creusent la fracture au sein de la droite. La majorité de l'UDF (le CDS et le PR, notamment, avec François Bayrou et François Léotard) soutient É. Balladur, de même qu'une partie du RPR (dont les ministres Charles Pasqua, Nicolas Sarkozy, Michel Giraud...). Dans un climat tendu, une campagne indécise, la possibilité d'un second tour où s'affronteraient les deux candidats du même parti de droite se renforce.

Les résultats du premier tour (23 avril) créent la surprise et soulignent la fragilité des informations fournies par les sondages. L. Jospin est en tête. J. Chirac ne devance É. Balladur que de quelques points. J.-M. Le Pen, oublié du débat préélectoral, fait son entrée dans « la bande des quatre » avec un score de 15 %. D. Voynet et Ph. de Villiers subissent un échec sévère tandis qu'A. Laguiller donne à l'extrême gauche un résultat sans précédent en France (5,3 %).

Le soir du premier tour, É. Balladur se range aux côtés de J. Chirac. Il est rejoint le lendemain par l'UDF. La majorité ainsi reconstituée refuse tout accord avec J.-M. Le Pen. Le PS s'engage dans une campagne dynamique qui se traduit par une progression constante des intentions de vote en faveur de son candidat. R. Hue appelle à dire « non à Chirac », et D. Voynet déclare qu'elle votera à titre personnel pour L. Jospin.

Le 2 mai, le désormais traditionnel débat télévisé organisé entre les deux tours se déroule dans une atmosphère courtoise et dédramatisée. Aucun des deux candidats n'en sort vaincu et la campagne ne connaît pas d'ultime retournement : le 7 mai, J. Chirac l'emporte avec 52,6 % des suffrages exprimés contre 47,4 % à L. Jospin.

Les élections municipales

Voulues par le ministre de l'Intérieur, Charles Pasqua, dans la foulée de l'élection présidentielle, les élections municipales n'entraînent pas, pour la majorité, l'effet positif escompté. Séquelle des divisions entre balladuriens et chiraquiens, les listes se multiplient à droite. À gauche, l'unité PS-PCF est de règle (25 primaires seulement).

Le taux d'abstention au premier tour est le plus fort depuis 1983 (35,18 %). L'importance des enjeux locaux et de la personnalité des maires donne des résultats souvent en contradiction avec ceux de la présidentielle. Le RPR stagne et le PS progresse. La gauche confirme son implantation locale avec 18 villes de plus de 100 000 habitants (+ 2) alors que la majorité n'en conserve que 14 (− 3). Le RPR reste toujours majoritaire dans les villes de plus 30 000 habitants (+ 7) mais, au total, le PS sort renforcé du scrutin municipal.

Mais l'un des événements capitaux de ces élections est le succès du Front national à Toulon, Marignane et Orange. Ces victoires, rendues possibles par les divisions de la droite (Marignane et Orange) ou par le maintien du PS au second tour (Toulon), suscitent notamment une vive émotion chez les artistes et les intellectuels, et certains d'entre eux refusent de se rendre aux manifestations culturelles organisées par les villes gagnées par le FN.

Les résultats des élections municipales influent naturellement sur ceux des élections sénatoriales (septembre). Le PS gagne 8 sièges au Sénat, le RPR se maintient et l'UDF perd 10 sièges. On note le retour de C. Pasqua, l'arrivée à la haute Assemblée d'hommes politiques de premier plan comme les socialistes Michel Rocard ou Robert Badinter et le rajeunissement de 10 ans de la moyenne d'âge des nouveaux élus.

Les affaires

Parallèlement à l'actualité électorale, l'année voit l'aboutissement judiciaire d'un certain nombre d'affaires. En mars débute le très médiatique procès de la tentative de corruption OM-Valenciennes. Bernard Tapie est condamné, le 15 mai, à 2 ans de prison dont un ferme pour corruption et subornation de témoins. Il fait appel de ce jugement, ce qui suspend l'exécution de celui-ci. Le 31 mars, la cour d'appel de Paris confirme la liquidation judiciaire de ses sociétés et entérine son inéligibilité. Les audiences de ce procès prouvent que Jacques Mellick a contraint son adjointe à un faux témoignage. Le maire de Béthune, accusé de subornation de témoin, est condamné à 6 mois de prison avec sursis et à 2 ans d'inéligibilité (avril). En juillet, il est de nouveau mis en examen pour faux témoignage.