Dans son rapport de 1994, la Cour des comptes dénonce vivement la situation des Houillères du Bassin du Centre et du Midi (HBCM). Les critiques portent surtout sur la mine à ciel ouvert de Carmaux « découverte » en 1984 et dont l'exploitation est un projet « hasardeux ». L'opération a déjà coûté très cher et la prolongation de la production, prévue jusqu'en 2005, « nécessiterait un financement supplémentaire de cinq milliards de francs ».

L'inauguration du tunnel du Puymorens par François Mitterrand, Édouard Balladur et le Premier ministre espagnol Felipe Gonzalez donne beaucoup d'espoir au département de l'Ariège, enclavé, touché par les crises du textile et des mines, et qui compte bénéficier du dynamisme de l'économie catalane. On comprend que le percement de ce tunnel, le quatrième des Pyrénées, se soit déroulé dans un climat de sérénité et de consensus.

Nord-Pas-de-Calais

La gauche, qui était dans la Région Nord-Pas-de-Calais comme chez elle, a perdu la plupart de ses bastions traditionnels, à commencer par le conseil général du Nord et. surtout, la présidence de la Région. En prévision des élections municipales de 1995, Pierre Mauroy, maire de Lille depuis 1971, entend bien sauver l'essentiel : la mairie et la communauté urbaine de Lille (CUDL), préalable indispensable à la reconquête de toute la Région. À l'heure du bilan, on opposera la désindustrialisation du Nord-Pas-de-Calais à la tertiairisation de la métropole du Nord et au renouvellement des infrastructures. L'ancien Premier ministre mise aussi – et surtout – sur la présence de Martine Aubry, qui fera équipe avec lui et sera no 2 sur la liste.

Quoi qu'il en soit, échéance électorale ou pas. la Région a vécu en 1994 la fièvre des inaugurations. C'est d'abord la nouvelle gare TGV, que François Mitterrand a inaugurée avant de se rendre en Angleterre par le tunnel. C'est aussi le nouveau palais des congrès (Lille Grand Palais), avec sa surface d'exposition de 18 000 mètres carrés, sa salle de spectacle type Zénith, ses trois amphithéâtres. C'est encore le nouveau centre commercial, où Carrefour entend bien damer le pion à Auchan, le régional de l'étape. Et puis la tour du Crédit Lyonnais, celle du World Trade Center... En se lançant dans cette aventure d'Euralille, un chantier qui aura coûté cinq milliards de francs avec deux tiers d'investissements privés, la capitale du Nord-Pas-de-Calais et son maire voulaient renouer avec la séculaire tradition de commerce et d'échange et constituer un pôle dynamique, intégré à l'espace européen. Pierre Mauroy attend beaucoup de cette « turbine tertiaire » : de 5 000 à 6 000 emplois nouveaux avant l'an 2000, sans compter les retombées sur l'ensemble de la Région.

Les responsables économiques et politiques ont bien compris qu'en accueillant les trois premières étapes du Tour de France cycliste le Nord serait donné en spectacle au monde entier.

En matière de chômage, la Région se situe toujours au-dessus de la moyenne nationale : 15,2 % de la population active est touchée. Seul le Languedoc-Roussillon affiche un score plus mauvais. L'usine Michelin de Leers, près de Roubaix, avait été jusqu'à présent épargnée par les plans sociaux de la firme clermontoise. Elle ferme ses portes à la fin de 1994 : 220 salariés sont concernés. Le taux de chômage local atteint 35 %.

À Calais, l'embellie sociale appartient au passé. Le chantier du tunnel avait, au plus fort de son activité, fait travailler du côté français 5 600 personnes, dont 80 % de main-d'œuvre locale. Le taux de chômage est revenu au niveau d'avant le « chantier du siècle », soit 18 %.

Quatre ans après la fermeture des derniers puits charbonniers, la reconversion de l'ex-bassin houiller est en cours. Le chômage y atteint 18,5 %. Le bassin abrite 37 000 entreprises, soit 24 % de l'ensemble des entreprises de la région et 26 % des effectifs. Si 300 000 personnes travaillent sur place, 60 000 exercent leur emploi ailleurs, dont 40 000 dans l'agglomération lilloise et 4 000 en Île-de-France.