À l'intérieur, il part d'un constat pessimiste : l'URSS est à la veille d'une crise ; l'économie patine, la société est démoralisée. Pour retrouver le chemin où Lénine avait placé le pays, son programme se résume en quelques termes et en une série de propositions. Glasnost (publicité des débats), perestroïka (reconstruction), uskorenie (accélération), efficacité, justice sociale, démocratisation, telles sont les lignes directrices d'une nouvelle politique. Au nom de la glasnost, il infléchit le discours, insistant sur les échecs... Il invite la société à exprimer ses critiques et ses propositions. Les médias, à des degrés divers il est vrai, ont commencé à tenir un langage nouveau, à traiter de thèmes tabous. La vie intellectuelle a été traversée d'un souffle neuf puisque tout paraît soudain permis au nom de la glasnost. C'est ainsi que l'on autorise la projection du film longtemps interdit, le Repentir, que des auteurs prohibés : Goumilev, Pasternak, etc., sont ou doivent être publiés. En faisant appel à la partie de l'intelligentsia qui avait depuis longtemps tourné le dos au pouvoir, Gorbatchev se dote de soutiens dont le prestige est inentamé.

C'est ce souci qui l'a conduit à rappeler à Moscou l'académicien Sakharov, à libérer des détenus « politiques ou religieux », quels qu'aient été les motifs officiels de leur condamnation (environ 200 libérations ont eu lieu depuis mars 1985, ce qui est loin de couvrir le champ des remises de peine possibles), à accorder à des refuzniks connus les visas longtemps refusés, à se montrer plus généreux sur le nombre de visas d'émigration, enfin, à prendre, dans certains cas, des dispositions plus favorables aux Églises. La lutte contre des cadres corrompus, la générosité à l'égard de ceux que le système condamnait jusqu'alors sont les deux faces inséparables d'une politique qui se veut plus ouverte. Mais le cœur du changement reste la reconstruction, qui recouvre tous les domaines, bien qu'elle concerne prioritairement l'économie.

Arrivé au pouvoir, Gorbatchev appelle à ses côtés ou puise son inspiration chez de brillants économistes, Zaslavskaia, Abel Aganbeguian, I. Bogomolov, etc. Tous ont longuement réfléchi à la nécessité de réformer et concluent que la planification générale et la centralisation de l'économie soviétique sont inadaptées à l'époque.

Du discours aux actes

Mikhaïl Gorbatchev avait défini ce que signifiait perestroïka : un effort de toute la société impliquant qu'elle en voie immédiatement les bénéfices pour l'inciter à se mettre au service du projet. Ceci explique qu'au départ c'est aux besoins sociaux que le programme ait accordé la priorité. Le 9 octobre 1985, « le programme sur les biens de consommation et les services » planifie ce domaine pour la période qui va au terme du XIIe plan quinquennal (1990), puis jusqu'à l'an 2000. Selon ce programme, la production des biens non alimentaires doit progresser de 30 p. 100 entre 1985 et 1990 et de 80 à 90 p. 100 pour l'an 2000, de manière à couvrir tous les besoins. En ce qui concerne les services, l'amélioration devrait être de 30 à 40 p. 100 pour le quinquennat et de 140 p. 100 pour la fin du siècle. Perspectives séduisantes, même si le programme inclut la notion d'un passage d'une quasi-gratuité de tous les services à leur rétribution équitable. Mais la mobilisation en faveur des biens de consommation suppose des efforts budgétaires difficiles à conjuguer avec les investissements prévus par le XIIe plan pour l'agriculture, l'industrie lourde et la technologie. Lors du XXVIIe congrès, le Premier ministre, N. Ryjkov, insistait sur une croissance indispensable des investissements productifs de 25 p. 100. Éternelle question : comment mener de front deux types d'investissements ?

De tous les besoins, le plus vivement ressenti par la société concerne les biens alimentaires. Aussi, dans la période des débats préludant aux réformes, la nouvelle direction se penche d'abord sur le progrès de l'agriculture. Dès le début de la décennie, des mesures avaient été prises pour laisser plus d'initiatives à la paysannerie, déjà encouragées par les dispositions sociales de Brejnev sur les retraites et l'attribution au paysan du passeport intérieur qui en faisait, après un demi-siècle de discrimination, un citoyen à part entière. Mais, à l'heure du XXVIIe congrès, l'équipe Gorbatchev constate que le programme alimentaire n'a guère de succès et qu'il faut aller plus loin dans la voie de la résurrection de l'initiative à la campagne. Deux décrets de juillet 1987 légalisent des pratiques déjà en cours, mais limitées par la loi, afin de tenter d'arracher au monde rural un effort décisif qui donnerait enfin un contenu concret aux promesses consuméristes. Le décret du 9 juillet 1987 autorise les citadins à acquérir les maisons abandonnées à la campagne, dont le nombre s'est accru dans les années 60 et 70, et à cultiver les lopins individuels attenants, alors que le code rural en vigueur jusqu'alors n'y autorisait que les habitants de la campagne. Les candidats cultivateurs sont très nombreux : plus d'un million pour la seule ville de Moscou, écrit Sovetskaia Rossia le 5 août 1987. Le décret du 9 juillet autorise tout citadin à cultiver pour son propre bénéfice (pour consommer ou vendre) une surface allant jusqu'à 600 mètres carrés, et dans l'hypothèse où elle est plus étendue, lui fait obligation de vendre la production de la surface additionnelle à un sovkhoze, à un kolkhoze ou à une coopérative de consommateurs.