Cette loi, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 1988, concerne les entreprises industrielles et non les kolkhozes, sovkhozes et organisations d'intérêt social, telles les écoles ou les polycliniques. Deux idées centrales :
– la responsabilité absolue de l'entreprise dans la préparation de ses plans annuels et quinquennaux, sa capacité à négocier des contrats directement avec les consommateurs et les producteurs qui l'approvisionnent en matières premières ;
– la participation active des travailleurs à la décision et à la gestion.

La responsabilité économique de l'entreprise, sommée d'avoir un « revenu comptable » (khozrastchetnyi dokhod) dont l'usage reste ambigu, pose un problème sérieux. Destiné pour partie au paiement des salaires et des primes, pour partie aux fonds de recherche, de développement social, de développement de la production, comment ce revenu est-il réparti ? Si l'entreprise est appelée à fixer les règles du jeu en matière de répartition de ce revenu, si son plan quinquennal, dans ce domaine, échappe aux interventions administratives, la base des règles du jeu, les rapports avec l'administration, les rapports entre entreprises, tout cela est encore indéterminé et interdit de dire si les entreprises trouveront un intérêt décisif à appliquer la réforme. Les besoins de l'État, client des unités de production, sa capacité à peser par ses commandes sur la concurrence sont aussi autant d'inconnues, de nature à influer sur la pratique de la réforme. Un problème complexe est posé aussi par l'avenir des administrations centrales, ministères et Gosplan. Parti en 1985 de l'assurance qu'il fallait fusionner des ministères dans des complexes, Gorbatchev, si l'on se reporte à la loi, paraît se contenter d'un prudent silence sur le processus de fusion ou de suppression des ministères spécialisés. Il en va de même du Gosplan, dont les fonctions sont réduites par l'autonomie relative de planification accordée aux entreprises, et qui, pourtant, paraît doté de tâches nouvelles qui étendent ses compétences. Et que dire de l'organe central de contrôle de la qualité de la production, créé dans la logique de la réforme, et qui fait peser sur l'entreprise un nouveau niveau d'exigence ? Dans l'ouvrage qu'il signe en 1987, Perestroïka, Mikhaïl Gorbatchev se fait tout à la fois l'avocat de cette autonomie de l'entreprise et celui du maintien d'une indispensable centralisation qui, seule, écrit-il, garantit l'égalité des régions et des groupes dans la répartition des moyens et des efforts.

À cela, il faut enfin ajouter que la réforme de l'entreprise n'a de sens qu'accompagnée de la réforme des prix, de la fin ou de la réduction des subventions que l'État accorde à tous les secteurs de la consommation et de la production, de la hiérarchisation des salaires, d'une répartition rationnelle de la main-d'œuvre. Derrière ces termes économiques neutres se dissimulent des réalités contraires aux mentalités soviétiques : hausse des prix, inégalité des salaires, nécessité d'une productivité accrue dont dépendra le salaire, chômage.

Le XXVIIe congrès avait vu s'ouvrir un débat sur les privilèges de la classe dirigeante et leur légitimité. Attaqués par les proches de Gorbatchev, dont Boris Eltsin, les privilèges ont trouvé des défenseurs ardents au nom de l'utilité sociale de ceux qui les détiennent et qu'il faut libérer pour cette raison des contraintes matérielles. Mikhaïl Gorbatchev, dans son ouvrage sur la perestroïka, distingue les privilèges légitimes, que l'État accorde à ses serviteurs que leurs tâches requièrent totalement, et les privilèges exorbitants que se sont arrogés des individus sans scrupules. Cette définition est moins un compromis entre positions adverses que vision cohérente d'un secrétaire général qui prêche l'efficacité, la compétence et la fin d'un égalitarisme stérile.

Une réforme politique : participation et démocratisation

Plus difficile est la démarcation dans le débat sur la compatibilité entre les logiques du plan et du marché. Depuis que la réforme économique est en discussion, on a vu se développer l'affrontement de ceux qui prêchent l'intéressement de la société au développement de l'économie, la naissance d'un socialisme populaire (narodnyi) fondé sur une propriété populaire et pas seulement étatique (A. Zlobin, O. Bogomolov, etc., Literaturnaia Gazeta 3 juin 1987), et ceux qui affirment sans nuances l'incompatibilité totale du plan et du marché (L. Popkova Novyi mir, mai 1987, pp. 239 sqq.).